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Roussel et Buffet (PCF), avec Mélenchon

Les grands médias bourgeois ne se lassent pas de le souligner : la gauche française est en crise. Finie l’époque où le PS et le PCF réunissaient, à eux deux, une nette majorité de l’électorat populaire. Quant à la France Insoumise (FI), elle n’a pas consolidé son succès d’avril 2017, comme on l’a vu aux élections européennes.

Ainsi, l’opposition croissante à la politique du gouvernement n’a pas trouvé d’expression sur la gauche de l’échiquier politique, à ce stade. Par contre, elle en a trouvé sur la droite : le RN est arrivé en tête aux élections européennes – et tourne autour de 26 % dans les sondages.

Dès lors, les porte-paroles médiatiques de la bourgeoisie ont déjà écrit le scénario des prochaines élections nationales. On le connait : c’est le même que la dernière fois. Macron (ou son double) serait opposé à Marine Le Pen au deuxième tour de la présidentielle, moyennant quoi Macron (ou sa copie) l’emporterait, tout le monde étant sommé de « faire barrage au RN ». Puis les élections législatives donneraient une large majorité au vainqueur de la présidentielle. « Circulez ! »

Un tel scénario est possible, mais il est loin d’être inévitable. D’abord, il n’est pas exclu que, face à un puissant mouvement social, Macron soit obligé de dissoudre l’Assemblée nationale avant 2022. Ensuite, la perspective d’une victoire automatique de la droite « modérée » (ô combien !), face à Marine Le Pen, est assez incertaine. « Faire barrage » aux idées réactionnaires du RN en votant pour Macron, le réactionnaire en chef, cela n’irait pas de soi !

Enfin et surtout, la victoire d’une force de gauche reste possible, à condition qu’elle donne une expression adéquate aux aspirations et à la colère des masses.

Les bases matérielles du réformisme

Pour le comprendre, il faut d’abord identifier les causes profondes de la crise qui frappe la gauche – en France et ailleurs. Le caractère international de cette crise souligne qu’il s’agit d’un phénomène lié à la dynamique générale du capitalisme mondial.

Les organisations du mouvement ouvrier (partis et syndicats) n’existent pas dans le vide. Elles subissent toutes sortes de pressions matérielles et idéologiques. Au cours des trois décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, le capitalisme a connu une phase d’expansion inédite. Dans les pays capitalistes développés, il y avait peu de chômage. Le niveau de vie des masses s’améliorait. Les classes dirigeantes concédaient certaines réformes en matière de retraites, de santé, d’éducation, etc. Cette longue phase de croissance économique a donc énormément renforcé le réformisme, c’est-à-dire le programme d’une amélioration graduelle et indéfinie des conditions de vie des masses – sans renverser le capitalisme.

La crise mondiale de 1973 a ouvert une nouvelle phase, marquée par une intensification de la lutte des classes dans de nombreux pays. Cependant, la stabilisation ultérieure de l’économie mondiale, d’une part, et l’effondrement des régimes staliniens, d’autre part, ont donné au réformisme un second souffle. Lorsque la crise de 2008 a éclaté, 60 ans de réformisme avaient abouti à une profonde dégénérescence des dirigeants « de gauche ». Au pouvoir, ces « pragmatiques » ont défendu le capitalisme – et donc mené les politiques d’austérité qu’exigeaient les bourgeoisies.

En France, le gouvernement de François Hollande a mené une politique entièrement vouée aux intérêts de la classe dirigeante. Le PS en est sorti durablement discrédité. Il n’est pas dit qu’il s’en relèvera. Quant au PCF, il s’est avéré incapable de rompre avec le PS – et en paye le prix.

Ainsi, la « crise de la gauche » est surtout une crise du réformisme. Dans un contexte de crise organique du capitalisme, les bases matérielles du réformisme ont disparu. Des réformistes qui, au pouvoir, mènent des réformes, cela a du sens. Mais lorsque des réformistes mènent des contre-réformes, leur crédibilité s’effondre aux yeux des masses exploitées.

Radicalisation

En réaction à la crise de 2008 et aux politiques d’austérité, une fraction de la jeunesse et des travailleurs a cherché une alternative de gauche aux vieux partis (ou aux vieilles directions droitières de ces partis). Cela explique l’émergence de Syriza en Grèce, de Corbyn en Grande-Bretagne, de Podemos en Espagne, de Sanders aux Etats-Unis et de la FI en France.

Cependant, ces partis, mouvements et dirigeants ne marquent pas un retour aux idées et au programme du marxisme révolutionnaire. Ils représentent l’aile gauche du réformisme. En conséquence, ils vacillent sans cesse et commettent toutes sortes d’erreurs. Portée au pouvoir en janvier 2015, la direction de Syriza a renoncé à son programme six mois plus tard. En Espagne, Podemos vient d’entrer dans un gouvernement de coalition avec le PSOE, dont le programme est pourtant très modéré. En Grande-Bretagne, Corbyn a perdu les élections parce qu’il avait fait trop de concessions à l’aile droite du Labour, notamment sur la question du Brexit. En France, la FI a perdu en radicalité, depuis avril 2017, à quoi s’ajoutent les effets négatifs d’un « mouvement » désorganisé, sans Congrès, sans directions élues et révocables, sans structures locales solides, etc.

Ainsi, le processus ne se développe pas en ligne droite. Il y a eu – et il y aura – des flux et des reflux dans le développement de la gauche « radicale » (relativement radicale).

En France, malgré ses limites, la FI conserve un énorme potentiel, car des millions de jeunes et de travailleurs cherchent une alternative de gauche aux politiques d’austérité. Mais si la FI veut réaliser ce potentiel, elle devra se mettre au diapason de la radicalisation des masses. Autrement dit, elle devra virer à gauche. Nous l’avons souvent expliqué dans les pages de ce journal.

Par exemple, au lieu de proposer des alliances aux Verts, la direction de la FI doit expliquer que le programme pro-capitaliste des Verts est incapable de régler la crise environnementale. La « planification écologique » doit revenir au centre du discours de la FI – et l’idée de planification doit même s’élargir à toute l’économie. Il n’y aura pas de planification écologique sans planification économique, donc sans rupture avec le capitalisme.

De manière générale, plus la FI se présentera comme une alternative radicale à l’ordre établi, plus elle rencontrera d’écho dans la masse de la population. C’est la leçon de toute l’expérience passée – en France et à l’échelle internationale.

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