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La question de l’Etat, de sa nature et de son rôle, est délibérément embrouillée par les intellectuels bourgeois. Ils présentent l’Etat comme le garant de « l’intérêt général ». Ce serait une institution indépendante des classes sociales, qui les surplombe et assure même leur conciliation.

Le marxisme rejette cette définition de l’Etat. En réalité, tout Etat a un caractère de classe, car l’Etat est un instrument par lequel une classe dirigeante assure sa domination sur les autres classes sociales. C’est d’ailleurs la division de la société en classes, il y a des milliers d’années, qui a déterminé l’émergence de l’Etat. Avant cette division, il n’y avait pas d’Etat.

A l’époque de la Grèce et de la Rome antiques, l’Etat assurait la domination des propriétaires d’esclaves. A l’époque du féodalisme, il assurait la domination de l’aristocratie terrienne et du clergé. De nos jours, il assure, défend et protège la domination de la bourgeoisie, c’est-à-dire de la classe sociale qui possède les grands moyens de production (banques, industrie, distribution, terres, etc.) et exploite la classe des salariés. Ainsi, loin de garantir on ne sait quel « intérêt général », l’Etat moderne défend les intérêts d’une poignée d’exploiteurs richissimes. C’est vrai en France, aux Etats-Unis, en Suisse, en Egypte et dans tous les régimes capitalistes, qu’ils soient « démocratiques » ou dictatoriaux. On comprend, dès lors, que la bourgeoisie cherche à embrouiller cette question !

Des hommes en armes

Comment l’Etat assure-t-il sa fonction ? Par le monopole de la violence. Derrière l’or de ses palais et l’éclat de ses « principes » (« Liberté, Egalité, Fraternité »), l’Etat consiste en « détachements spéciaux d’hommes armés », selon la formule de Lénine. Autrement dit, l’Etat bourgeois consiste dans sa police et son armée permanente, auxquelles est lié tout un système répressif, avec ses lois, ses tribunaux et ses prisons. C’est parfaitement clair dans les dictatures militaires. Mais c’est aussi le cas dans les démocraties bourgeoises comme la France.

Il est vrai que dans les Etats « démocratiques », la domination de la bourgeoisie ne repose pas toujours directement sur la répression violente des masses exploitées. La plupart du temps, la propagande capitaliste, le poids des traditions et l’extrême modération (voire la corruption) des dirigeants du mouvement ouvrier suffisent à garantir la domination de la bourgeoisie. Mais lorsque, sous l’impact de la crise du capitalisme, la lutte des classes s’intensifie et s’oriente vers une révolution, l’Etat bourgeois le plus « démocratique » apparaît dans toute sa nudité, sous la forme d’escadrons de CRS, de matraques, de canons à eau, de gaz lacrymogènes et de LBD. En 2018 et 2019, les Gilets jaunes en ont fait la douloureuse expérience. Et quand ces « techniques de maintien de l’ordre » ne suffisent pas, l’Etat bourgeois tire à balles réelles, comme on l’a vu par exemple lors du mouvement de masse au Chili « démocratique », en 2019.

La forme de l’Etat

Cela ne signifie pas du tout que les marxistes sont indifférents à la forme (dictatoriale ou démocratique) de l’Etat bourgeois. Du point de vue de la lutte des travailleurs contre le système capitaliste, la République parlementaire est la meilleure forme d’Etat possible, et on doit défendre résolument le droit de vote, mais aussi le droit de nous réunir, de faire grève et de manifester. Cependant, ceci n’entraîne aucune idéalisation de la République bourgeoise. Cela signifie simplement qu’une République bourgeoise offre les meilleures conditions politiques à la lutte pour la renverser et la remplacer par une République socialiste.

Sur ce point, les marxistes se distinguent radicalement des dirigeants réformistes du mouvement ouvrier. Ces derniers idéalisent la République et rêvent d’une République « universelle », abstraite, sans contenu de classe, c’est-à-dire une République qui n’existe pas, n’a jamais existé et n’existera jamais nulle part. Par ailleurs, les dirigeants réformistes insistent sur le rôle prétendument « social » de l’Etat. Ce faisant, ils aggravent la confusion, car ils caractérisent l’Etat par des éléments (services publics, Sécurité sociale, etc.) qui n’en constituent pas la fonction fondamentale, comme nous l’avons vu.

Nous consacrerons un autre article à l’Etat ouvrier, c’est-à-dire au type d’Etat dont les travailleurs auront besoin dans la foulée d’une révolution socialiste. A ceux qui veulent étudier cette question (et celle de l’Etat en général), on conseille vivement de lire L’Etat et la révolution, de Lénine.

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