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La guerre menée par Israël contre le peuple palestinien se trouve aujourd’hui à une étape cruciale. Après plusieurs semaines de bombardements, l’armée israélienne a engagé une offensive terrestre dans la bande de Gaza. Dans le même temps, elle multiplie les raids meurtriers contre des villages ou des camps de réfugiés palestiniens en Cisjordanie. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le nombre de victimes palestiniennes approche les 10 000. Ce chiffre ne peut qu’augmenter au fur et à mesure que l’offensive israélienne s’intensifiera.

Les images de Gazaouis massacrés ont suscité une vague d’indignation et de colère dans le monde entier. Au Moyen-Orient, des millions de personnes sont descendues dans les rues pour réclamer que leurs gouvernements agissent en faveur de Gaza. En Occident, malgré une campagne de propagande intensive et une répression inédite, de grandes manifestations protestent contre le massacre de Gaza et le soutien que Biden, Sunak, Macron, Trudeau, etc., apportent au gouvernement criminel de Netanyahou.

La Tendance Marxiste Internationale est partie prenante de ce mouvement. Nous sommes inconditionnellement solidaires de la lutte du peuple palestinien pour sa libération nationale. Cependant, la question se pose : comment mener cette lutte à la victoire ?

La passivité complice de l’ONU

De nombreux partis de gauche et organisations de travailleurs appellent à un cessez-le-feu immédiat et à la négociation d’un « accord de paix » qui comprendrait la fin de l’occupation israélienne de la Palestine. Par exemple, la Fédération syndicale mondiale (FSM) exige la fin de « l’occupation et de la colonisation israéliennes dans les territoires arabes occupés, comme le prévoient les résolutions des Nations Unies », ainsi que la création « d’un Etat palestinien indépendant sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, et garantissant le droit au retour des réfugiés palestiniens ». C’est aussi cette position, peu ou prou, qui est défendue par la France insoumise et le PCF, qui la présentent comme une « solution de paix juste et durable » à la question palestinienne.

En réalité, cette « solution » n’en est pas une. Tout d’abord, les « frontières de 1967 » sont celles qui existaient avant la guerre des Six Jours de juin 1967. Elles étaient elles-mêmes la conséquence de la « Nakba » (la « catastrophe »), c’est-à-dire du massacre de dizaines de milliers de Palestiniens et de l’expulsion de plus de 700 000 autres par les milices sionistes, entre 1947 et 1949. Au total, à la fin de l’année 1949, ce nettoyage ethnique a détruit ou vidé de leurs habitants plusieurs centaines de villes et villages palestiniens. Les milices sionistes se sont emparées de 78 % de la Palestine. La réaction de la « communauté internationale » fut de reconnaître ce sanglant fait accompli et de formaliser ces nouvelles frontières sous le nom de « ligne verte ». C’est à cette « ligne verte », fruit de la Nakba, que la FSM, le PCF ou la FI voudraient aujourd’hui revenir.

Pendant la guerre des Six Jours de juin 1967, Israël a envahi par surprise l’Egypte, la Jordanie, la Syrie – et a occupé toute la Palestine (ainsi que le Sinaï et le plateau du Golan). Les Nations Unies ont réagi en adoptant la Résolution 242, qui demandait le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit ». Cette résolution n’a jamais été appliquée. Bien d’autres résolutions ont connu le même sort. Entre 1947 et 2009, l’ONU a voté 34 résolutions « condamnant » poliment la politique coloniale d’Israël. Aucune n’a eu le moindre impact sur l’attitude d’Israël vis-à-vis des Palestiniens. Cependant, jamais l’ONU n’a adopté la moindre sanction à l’encontre d’Israël.

Cette passivité de l’ONU s’explique simplement. Contrairement à ce qu’affirment Fabien Roussel ou Jean-Luc Mélenchon, cette institution n’a rien à voir avec la « paix » et la « justice ». Elle n’est qu’un forum où les différentes puissances impérialistes s’efforcent de parvenir à des compromis pour défendre leurs intérêts communs. Par exemple, après la Guerre du Golfe en 1991, l’ONU a soumis l’Irak à un blocus économique extrêmement strict, qui a causé la mort d’au moins 500 000 Irakiens. Il s’agissait alors de « punir » l’Irak, dont le régime s’était montré rétif à l’égard des Etats-Unis.

Autre exemple parmi bien d’autres : en 2004, l’ONU a approuvé le renversement du président haïtien Aristide, qui avait eu l’audace de réclamer des réparations à la France pour les crimes commis durant la période coloniale. Haïti a ensuite été soumise, pendant plus d’une décennie, à une occupation militaire par des Casques bleus de l’ONU, durant laquelle ceux-ci ont commis une multitude de crimes et de massacres pour étouffer la résistance des masses haïtiennes.

Le fait est que l’ONU n’a aucun intérêt à s’attaquer à l’Etat d’Israël, qui est l’allié le plus solide de Washington au Moyen-Orient. Israël n’a jamais hésité à y jouer les gendarmes pour le compte de l’impérialisme occidental. Voilà pourquoi l’ONU se contente de résolutions de principe qui ne servent qu’à distraire l’attention des masses.

Les accords d’Oslo

Tous les appels à une « solution à deux Etats » et au retour aux « frontières de 1967 » oublient un fait gênant : la crise actuelle est précisément le résultat de l’échec total de la « solution à deux Etats » qui avait été formalisée par les accords d’Oslo, en 1993 et 1995.

Aux termes de ces accords négociés en secret, dans le dos du peuple palestinien, un semi-Etat palestinien doté uniquement d’une force de police a été créé sous le nom d’« Autorité palestinienne » (AP), tandis qu’Israël acceptait de se retirer partiellement des territoires occupés, tout en gardant sous son contrôle près de 60 % de la Cisjordanie. L’Etat israélien conservait par ailleurs le contrôle exclusif des frontières et de l’espace aérien de la Palestine, et était investi de « tous les pouvoirs » pour préserver « la sécurité et l’ordre intérieurs ».

En contrepartie, Yasser Arafat et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) ont accepté de reconnaître l’Etat d’Israël dans ses frontières de 1967 – issues de la Nakba – et d’abandonner toutes leurs revendications concernant le « droit au retour », c’est-à-dire la possibilité pour les Palestiniens chassés de leurs foyers de pouvoir y retourner. Ces accords fixaient aussi comme objectif de « jeter les bases d’un renforcement des bases économiques de la partie palestinienne ». En réalité, il s’agissait d’assurer la soumission économique de la Palestine, qui a été intégrée dans une union douanière avec Israël et contrainte d’utiliser la monnaie israélienne, le shekel.

Trente ans plus tard, quel est le résultat des accords d’Oslo ? Sur le plan économique, les conditions de vie en Palestine se sont dégradées. En 1993, le taux de chômage à Gaza et en Cisjordanie était de 7 % ; il était de 24 % à la veille du 7 octobre dernier. Le chômage des jeunes atteignait près de 37 %. Avant les bombardements israéliens de ces dernières semaines, le chômage touchait près de 45 % des Gazaouis. L’ensemble de l’économie palestinienne est maintenue dans un état de dépendance coloniale vis-à-vis d’Israël, qui fournit 58 % de ses importations et reçoit 86 % de ses exportations.

Par ailleurs, les accords d’Oslo n’ont pas empêché l’armée israélienne de fragmenter la Cisjordanie, en multipliant à sa guise les barrages routiers et les interdictions de déplacement pour les Palestiniens. Elle a aussi utilisé à maintes reprises les « pouvoirs » que lui confèrent les accords pour mener des raids sanglants dans les camps de réfugiés et dans les villages palestiniens de Cisjordanie. Enfin, la prolifération des colonies juives illégales en Cisjordanie n’a pas cessé. Elle s’est même accélérée depuis les accords d’Oslo. Plus de 700 000 colons juifs vivent aujourd’hui illégalement en Cisjordanie occupée, à Jérusalem-Est et sur le plateau du Golan, sous la protection de l’armée et de la police israéliennes. La Cisjordanie est un territoire morcelé, constellé de colonies et de bases militaires israéliennes. Les Palestiniens ne peuvent pas y circuler librement.

L’Autorité palestinienne et le Fatah, le parti de Yasser Arafat et de Mahmoud Abbas, sont devenus des fantoches dont le rôle réel est d’aider Israël à opprimer la population palestinienne. Les tirs à balles réelles de la police palestinienne sur des manifestants qui protestaient contre le bombardement israélien de Gaza en sont une bonne illustration. Il n’est donc pas surprenant que le Fatah et Mahmoud Abbas soient massivement rejetés par la population palestinienne qui les voit, à juste titre, comme des gardes-chiourmes à la solde des Israéliens.

Lors des élections législatives palestiniennes de 2006, ce rejet massif a débouché sur la victoire du Hamas. Mais Israël, l’Union européenne et les Etats-Unis ont refusé de reconnaître ce résultat et ont fait pression sur le Fatah pour qu’il conserve le pouvoir. La Palestine a alors été déchirée par une guerre civile à l’issue de laquelle la bande de Gaza est passée sous le contrôle du Hamas et la Cisjordanie est restée sous celui du Fatah. Depuis, l’Autorité palestinienne n’a plus organisé d’élections.

Au final, la solution dite des « deux Etats » – adoptée lors des accords d’Oslo – n’a pas fait avancer la Palestine d’un pouce vers une réelle indépendance. Elle n’a réussi qu’à créer deux réserves misérables distinctes, dans lesquelles les Palestiniens sont détenus comme des prisonniers dans leur propre pays. L’économie palestinienne a été systématiquement étranglée et la soi-disant Autorité palestinienne n’a en réalité aucune autorité. Dans le même temps, les colonies juives de Cisjordanie ont continué de s’étendre sans interruption. L’armée israélienne a multiplié les meurtres et les massacres de civils palestiniens.

L’impérialisme israélien

Les partisans d’une solution à deux Etats soulignent que les gouvernements israéliens successifs ont tout fait pour enrayer le « processus de paix ». C’est tout à fait exact, particulièrement en ce qui concerne les gouvernements israéliens dirigés par Ariel Sharon (2001-2006) et par Benyamin Netanyahou (1996-1999, 2009-2021, et depuis 2022). Mais la question demeure : quel gouvernement bourgeois israélien pourrait abandonner l’ensemble de la Cisjordanie, évacuer toutes les colonies et accepter de financer le développement d’une économie palestinienne viable et indépendante ?

Israël est un Etat capitaliste qui a développé des intérêts impérialistes dans toute la région. Ces intérêts dépendent en grande partie du maintien de la domination israélienne sur l’ensemble de la Palestine. Ce facteur pèse beaucoup plus lourd que tous les accords diplomatiques, et a déterminé la politique de tous les gouvernements israéliens – de droite comme « de gauche » – depuis 1948.

Ce n’est pas Sharon ou Netanyahou, mais le parti travailliste d’Yitzhak Rabin qui a négocié les accords d’Oslo, en insistant particulièrement sur « l’intégration » des économies israélienne et palestinienne. C’est le même « progressiste » Rabin qui avait ordonné aux soldats israéliens de briser les membres des manifestants palestiniens arrêtés durant l’Intifada, à la fin des années 1980. Et lorsque l’alliance de « gauche » (« Un seul Israël ») est arrivée au pouvoir en 1999, elle n’a rien fait pour ralentir l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie.

Pour les impérialistes, la paix n’est que la poursuite de la guerre par d’autres moyens. La seule différence entre le sionisme « libéral » et le sionisme de droite est que le premier veut étouffer les Palestiniens le plus discrètement possible, tandis que le second leur donne en même temps des coups de pied au visage. Mais le résultat reste le même. Lorsque l’aile libérale de la classe dirigeante israélienne proteste contre les « excès » de certains colons ou contre les provocations de Netanyahou, ce n’est pas parce qu’elle s’oppose à l’oppression monstrueuse des Palestiniens, mais parce qu’elle redoute que ces excès et ces provocations ne finissent par déclencher un soulèvement général des masses palestiniennes.

Dans la situation actuelle, la perspective d’un nouveau « plan de paix » semblable aux accords d’Oslo est un leurre et une tromperie visant à détourner les masses de la voie révolutionnaire. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que les Etats-Unis, la France, l’Union européenne insistent de nouveau sur la perspective d’une solution « à deux Etats ». Les impérialistes occidentaux veulent éviter un soulèvement de la population palestinienne, tout en donnant l’impression à leurs propres populations qu’ils ne restent pas passifs face au massacre de Gaza.

Ce faisant, ils sont aidés par les déclarations larmoyantes des « pacifistes » tels que Fabien Roussel, qui renvoie dos-à-dos la violence des Palestiniens et celle des Israéliens. Roussel exhorte les deux camps à « faire en sorte que la fraternité prenne le pas sur la barbarie ». Un tel discours est peut-être bon pour un curé de campagne, mais certainement pas pour quelqu’un qui se dit « communiste ». Il est parfaitement compréhensible que de nombreuses personnes se tournent vers le pacifisme, car elles rejettent sincèrement la guerre et les destructions qui l’accompagnent. Mais dans la lutte entre oppresseurs et opprimés, le pacifisme revient à prêcher la passivité aux opprimés – c’est-à-dire, en l’occurrence, aux Palestiniens. La violence des Palestiniens est le fruit de l’oppression intolérable qu’ils subissent depuis 75 ans de la part des Israéliens. Demander aux Palestiniens d’être patients et « fraternels », c’est leur demander d’accepter d’être opprimés.

La vérité est qu’il n’y a pas aujourd’hui d’Etat palestinien viable et qu’il n’y en aura jamais tant que le capitalisme israélien continuera d’exister. La solidarité avec la Palestine doit partir de ce fait incontestable, qui est déjà compris par la majorité des Palestiniens. Dans un sondage réalisé en septembre par le Centre palestinien de recherche politique et de sondage, 64 % des Palestiniens interrogés déclaraient que la situation était pire aujourd’hui qu’avant les accords d’Oslo ; 71 % estimaient que l’OLP avait eu tort de les signer ; 53 % déclaraient que la lutte armée était le meilleur moyen de faire avancer la lutte pour la libération de la Palestine.

Pour une solution révolutionnaire !

Il n’existe pas de solution réformiste à l’émancipation des Palestiniens. Les pressions internationales sur Israël et les « accords de paix » laborieusement négociés ne peuvent, au mieux, que maintenir un statu quo déjà insupportable. Les masses palestiniennes ne doivent compter que sur leurs propres forces et sur la solidarité de la classe ouvrière mondiale.

Un soulèvement de masse, s’appuyant sur la jeunesse palestinienne et embrasant toute la Palestine, pourrait ébranler non seulement le régime israélien, mais aussi toute la région. Sur la base d’un programme socialiste, un tel mouvement pourrait dépasser les frontières artificielles de la Palestine et toucher les travailleurs arabes vivant du côté israélien de la « ligne verte » – mais aussi les travailleurs et les pauvres des Etats arabes voisins qui sont indignés par la complicité de leur propre classe dirigeante à l’égard des crimes du sionisme. Un tel mouvement de masse exacerberait la lutte des classes en Israël et briserait « l’unité nationale » entre les travailleurs et les patrons israéliens. Cette unité est l’un des principaux outils de la classe dirigeante israélienne pour opprimer les Palestiniens – et pour exploiter ses propres travailleurs.

La perspective d’une Palestine capitaliste aux côtés d’une version « démocratique » de l’actuel Etat israélien est complètement utopique. Si la classe dirigeante israélienne n’est pas renversée, si elle garde la main sur l’Etat israélien, elle utilisera tous les moyens à sa disposition pour conserver le contrôle sur la Palestine, quitte à déboucher sur une situation encore plus cauchemardesque. L’appareil d’Etat réactionnaire du sionisme doit être complètement démantelé ; la classe capitaliste doit être expropriée ; la terre et les monopoles doivent être placés sous le contrôle de la classe ouvrière.

Pour vaincre, la lutte de libération de la Palestine doit passer par une révolution qui ne respecte ni la « démocratie » capitaliste, ni les frontières nationales, et qui ne s’arrête pas tant que l’impérialisme israélien – et ses marionnettes en Palestine – n’ont pas été complètement vaincus. Seule une démocratie ouvrière pourra remplacer l’actuel Etat d’Israël, mettre fin à l’occupation, résoudre la question essentielle de la terre et respecter les droits démocratiques des Juifs et des Arabes. Seul le socialisme pourra satisfaire les besoins criants du peuple palestinien en matière de terre, de travail, de logement – et garantir à tous une existence digne.

C’est pourquoi nous disons :

Intifada jusqu’à la victoire !

Pour une Palestine socialiste et démocratique au sein d’une Fédération socialiste du Moyen-Orient !

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