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Depuis le 7 octobre, la guerre contre la population de Gaza a tué des dizaines de milliers de Palestiniens, dont une écrasante majorité de civils. L’armée israélienne bombarde des hôpitaux et des écoles. Elle détruit des quartiers entiers.

L’objectif de cette guerre est clair : les dirigeants israéliens veulent tuer ou chasser un maximum de Palestiniens de Gaza. D’après le journal israélien Israel Hayom, Benyamin Nétanyahou aurait même déclaré qu’il fallait « réduire la population de Gaza à son niveau le plus bas possible ».

Cette guerre barbare est une nouvelle manifestation de l’oppression que subissent les Palestiniens depuis 75 ans. Elle suscite une vive répulsion dans la jeunesse et la classe ouvrière de nombreux pays, y compris en Occident. Nombreux sont celles et ceux qui se demandent comment ils peuvent aider la lutte des Palestiniens pour leur libération.

La campagne BDS

Diverses organisations de gauche – dont la CGT et le NPA font la promotion de la campagne « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » (BDS). Comme son nom l’indique, il s’agit d’une campagne d’appel au boycott qui cherche à isoler économiquement et culturellement Israël, dans l’espoir de contraindre son gouvernement à cesser d’opprimer les Palestiniens.

Cet appel s’adresse aux consommateurs, auxquels il est demandé de ne plus acheter de produits israéliens, mais aussi de faire pression sur les entreprises privées et les Etats occidentaux. L’appel de BDS affirme : « Nous considérons que la politique destructrice d’Israël se poursuit parce que personne ne l’arrête. La communauté internationale ne joue pas son rôle, l’Union européenne et le gouvernement français les premiers. [...] Nous faisons appel à vous pour faire pression sur vos Etats respectifs afin qu’ils appliquent des embargos et des sanctions contre Israël. »

Lorsqu’on prend la peine d’y réfléchir, le problème de cette campagne saute aux yeux : la « communauté internationale » dont parle l’appel de BDS est précisément constituée des Etats impérialistes qui sont à l’origine du chaos et des souffrances des Palestiniens. Ce sont la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis – en premier lieu – qui se sont partagés le Moyen-Orient pour mieux l’exploiter, dans la première moitié du XXe siècle. Ce sont les mêmes puissances qui apportent depuis des décennies leur appui à l’oppression des Palestiniens par le régime sioniste. Ce faisant, elles jouent leur « rôle », qui n’est pas de défendre la paix ou la justice, comme le prouve suffisamment la longue liste des interventions militaires des Etats-Unis au Moyen-Orient. Le « rôle » de ces puissances impérialistes est de défendre leurs intérêts respectifs, y compris par la guerre.

L’Etat sioniste est, de très loin, l’allié le plus solide de l’impérialisme américain au Moyen-Orient : aucune pression des « consommateurs », aussi massive soit-elle, ne diminuera l’importance de ce fait. La même remarque s’applique à la France et à la plupart des Etats impérialistes occidentaux. En France, la classe dirigeante est d’autant plus attachée à soutenir le gouvernement israélien que la guerre actuelle lui offre l’occasion d’intensifier sa campagne de division et de diversion permanentes contre la jeunesse et les travailleurs musulmans.

Certes, il est possible d’imaginer que certains Etats moins liés à Israël rompent toute relation commerciale avec lui, si cela devait servir leurs intérêts. Mais quelles en seraient les conséquences concrètes ? Les sanctions sont une forme de guerre économique aveugle. C’est un moyen d’assiéger une nation entière. Ceux qui en souffrent le plus sont toujours les travailleurs et les pauvres.

Les sanctions contre la Russie en offrent une bonne illustration. Leur objectif affiché par les impérialistes occidentaux était d’affaiblir le régime de Poutine et, ainsi, de contribuer à sa défaite militaire en Ukraine. Mais les sanctions n’ont rien accompli de tel. Le régime a contourné le blocus économique, notamment grâce à la Chine et l’Inde ; non seulement l’économie russe a tenu le coup, mais elle a même profité de l’envolée des prix du pétrole et du gaz. L’armée russe n’a pas été affaiblie. Par contre, les travailleurs et les pauvres de nombreux pays, en Afrique et au Moyen-Orient, ont été frappés de plein fouet par les conséquences des sanctions contre la Russie, qui ont entraîné une forte augmentation des prix du blé, de l’énergie et d’autres produits de première nécessité.

Si un embargo devait être imposé à Israël, la classe dirigeante israélienne trouverait sans doute des moyens de contourner une bonne partie des sanctions. Dans tous les cas, elle en ferait peser tout le poids sur les couches les plus opprimées de la population, c’est-à-dire d’abord sur les Palestiniens, qui seraient pris entre le marteau des sanctions et l’enclume de l’Etat israélien.

Un grand nombre de Palestiniens travaillent pour des entreprises israéliennes, lesquelles dominent l’économie palestinienne. Ils seraient les premiers frappés par les entreprises israéliennes que les sanctions mettraient en difficulté. Quant à ceux qui conserveraient leur emploi, le patronat israélien aurait tendance à les exploiter encore plus, afin de compenser les pertes liées à l’embargo. De leur côté, les travailleurs israéliens seraient poussés dans les bras de leur propre classe dirigeante. Celle-ci trouverait même dans les sanctions un argument de plus pour se présenter comme la « protectrice » de la population juive. Loin d’être affaibli, le régime sioniste serait renforcé.

Pour un boycott de classe

Dans son Programme de transition (1938), le marxiste russe Léon Trotsky écrivait : « Dans une société fondée sur l’exploitation, la morale suprême est la morale de la révolution socialiste. Bons sont les méthodes et moyens qui élèvent la conscience de classe des ouvriers, leur confiance dans leurs propres forces, leurs dispositions à l’abnégation dans la lutte. »

Est-ce qu’un boycott des produits israéliens – par les consommateurs – aiderait à développer la conscience de classe des travailleurs, que ce soit en France, en Israël ou en Palestine ? Non, car un tel boycott ne mobilise les travailleurs que comme consommateurs isolés, au lieu de les mobiliser comme producteurs. Or la véritable force de la classe ouvrière ne réside pas dans sa consommation ou dans son pouvoir d’achat. La classe ouvrière est la force la plus puissante qui existe dans la société, mais cette puissance ne se matérialise que lorsqu’elle agit en tant que classe, en s’appuyant sur le rôle qu’elle joue dans le processus de production.

Prenons l’exemple d’Hewlett-Packard (HP). Cette entreprise informatique est particulièrement ciblée par BDS, car elle produit des logiciels qui sont utilisés par les systèmes israéliens de surveillance biométrique. Si un travailleur décide, à titre individuel, de ne pas acheter une imprimante HP, cela n’aura aucun impact sur l’entreprise. Et même si des centaines de milliers de travailleurs boycottaient les imprimantes HP, cela ne les rendrait pas plus conscients de leur rôle dans la production et de leur poids dans la société. Par contre, si les travailleurs d’HP se mobilisaient collectivement en faisant grève ou refusant de produire la technologie utilisée par Israël pour opprimer les Palestiniens, cela contribuerait à élever la conscience de classe de ces travailleurs et à les unir dans une lutte commune.

Au lieu d’un boycott des consommateurs visant tous les biens israéliens, un boycott ciblé organisé par les syndicats pourrait, par exemple, empêcher tout envoi d’armes en Israël. C’est ce qu’ont fait les dockers du port de Barcelone lorsqu’ils ont annoncé, début novembre, qu’en solidarité avec la Palestine ils refuseraient de charger et de décharger des navires transportant du matériel de guerre. C’est ce type de mobilisations qui devrait être organisé par les dirigeants du mouvement ouvrier, dans tous les pays occidentaux.

La seule issue

Pour autant, il faut être clair : même une mobilisation de masse qui obtiendrait l’arrêt complet des envois d’armes en Israël ne permettrait pas, à elle seule, d’en finir avec l’oppression de la Palestine. Contrairement à ce que prétendent les animateurs de la campagne BDS, il est impossible de parvenir à ce résultat dans le cadre du système capitaliste. Les souffrances des Palestiniens sont une conséquence de la domination de l’impérialisme sur le Moyen-Orient. Pour y mettre fin, il faut s’attaquer au système capitaliste dans son ensemble, en commençant par notre propre classe dirigeante.

La politique étrangère n’est qu’une extension de la politique intérieure. Les menées impérialistes du gouvernement français, et l’appui qu’il apporte au régime sioniste, découlent des intérêts qu’il représente, ceux de la classe capitaliste française. Tant que celle-ci ne sera pas renversée, elle continuera à défendre ses intérêts, et donc à apporter son soutien à Israël. Un gouvernement des travailleurs en France, doté d’un programme internationaliste et socialiste, mettrait un terme aux ingérences impérialistes de la France au Moyen-Orient, cesserait d’appuyer les crimes de l’Etat sioniste et pourrait même apporter une aide puissante à la lutte des Palestiniens.

Par ailleurs, un mouvement révolutionnaire victorieux dans un quelconque pays capitaliste avancé aurait des répercussions à l’échelle mondiale, et serait un encouragement immense pour les luttes révolutionnaires du Moyen-Orient et d’ailleurs. Si elle reste isolée, la lutte révolutionnaire des masses palestiniennes ne pourra pas vaincre l’Etat israélien. Il faudra les efforts combinés d’un mouvement révolutionnaire à travers l’ensemble du Moyen-Orient. Cela suppose de renverser les régimes arabes bourgeois et réactionnaires qui soutiennent la cause palestinienne en paroles, mais trahissent les Palestiniens chaque fois qu’ils ont l’occasion de conclure un accord avec l’impérialisme.

Tout cela peut sembler plus abstrait et plus lointain que des appels au boycott, au désinvestissement et aux sanctions. Mais c’est en réalité la seule perspective concrète pour aider les Palestiniens. Aucune libération ne sera jamais possible pour la Palestine, comme pour tous les peuples opprimés de la planète, tant que le capitalisme et l’impérialisme continueront à dominer notre globe.

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