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Déclaration de la TMI paru le 9 octobre sur In Defence of Marxism.


Les forces de l’Etat Islamique (EI) harcèlent la ville de Kobané, à la frontière turco-syrienne. Des milliers de Kurdes sont passés en Turquie dans le but d’en rapporter des armes et des fournitures. Mais l’armée turque, à la frontière, les en empêche. Sous les yeux du monde entier, la population de Kobané est menacée d’un effroyable bain de sang.

Dans toute l’Europe, les Kurdes se mobilisent. En Turquie, des manifestations ont été violemment réprimées par la police. Des groupes islamistes ont tué deux manifestants à Diyarbakir. A Istanbul, un homme a été tué par un tir de gaz lacrymogène. A ce jour (9 octobre), au moins vingt personnes ont été tuées. Les Kurdes demandent à la coalition militaire dirigée par les Etats-Unis de bombarder les positions de l’EI – et à l’armée turque de laisser passer des armes, fournitures et renforts vers Kobané. En vain.

Les soldats turcs ferment la frontière et répriment brutalement à la fois les Kurdes de Turquie qui tentent de rejoindre la Syrie et les réfugiés syriens qui fuient en Turquie. Ce n’est pas surprenant, étant données les motivations du gouvernement turc. Sa collusion avec l’EI est un fait établi. Erdogan, le président turc, serait trop heureux de voir l’EI écraser l’YPG (Unités de Protection du Peuple). Et si la population de Kobané se faisait massacrer, au passage, Erdogan s’en féliciterait ; ce serait une leçon pour tous les Kurdes qui refusent de se soumettre à la domination de la Turquie.

Le gouvernement affirme qu’il serait prêt à ouvrir la frontière à condition que les Kurdes syriens acceptent les conditions d’Ankara : abandonner le contrôle des zones qu’ils administrent, rejoindre l’Armée Syrienne Libre et permettre à la Turquie d’établir une « zone tampon » dans le nord de la Syrie (le Kurdistan occidental). Le cynisme éhonté de ces conditions souligne les intentions réelles du gouvernement turc : il veut en finir avec l’autonomie des Kurdes syriens, établie depuis le retrait de l’armée d’Assad au nord du pays, en juillet 2012.

Demander l’intervention de la Turquie pour aider les Kurdes de Syrie, c’est comme demander au renard d’intervenir dans le poulailler. Erdogan n’aidera pas les milices de l’YPG à Kobané, parce qu’elles sont de gauche et liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Turquie. Il a clairement expliqué qu’il préférait l’extension de l’Etat Islamique à la consolidation du Kurdistan. En autorisant l’armée turque à attaquer les « terroristes » en Syrie, le parlement turc vise non pas l’EI, mais les Kurdes syriens !

Au lieu de réclamer l’intervention de la Turquie ou de ses alliés impérialistes, nous devons exiger que les Kurdes reçoivent les moyens de se défendre. En dernière analyse, ce sont les Kurdes eux-mêmes qui défendront le mieux la cause kurde.

Les gangs contre-révolutionnaires de l’EI ne sont pas les ennemis des seuls Kurdes. Ils sont les ennemis de la classe ouvrière et tous les éléments progressistes. Arborant le drapeau noir de la réaction, ils sont déterminés à éradiquer toute trace de démocratie, d’éducation et de culture. La classe ouvrière internationale a le devoir de venir en aide aux forces qui luttent contre ces monstres contre-révolutionnaires.

Cependant, cela ne signifie pas que nous devons soutenir les actions impérialistes de l’OTAN. Le comportement des impérialistes suinte l’hypocrisie. Lorsqu’ils cherchaient à renverser le régime d’Assad, ils ont eux-mêmes armé et financé les gangs jihadistes. Cette manœuvre écœurante leur revient à présent en pleine figure, comme un boomerang, ce qui était parfaitement prévisible. Tel l’apprenti sorcier, les impérialistes ont fait surgir des forces terrifiantes qu’ils ne contrôlent pas.

Ce n’est pas la première fois qu’un chien enragé mord la main de son maître. N’oublions pas qu’Al-Qaïda et Ben Laden avaient été armés et financés par la CIA lors de sa lutte contre le « communisme » en Afghanistan. Tant qu’ils tuaient des Russes, les jihadistes étaient décrits comme des « combattants de la liberté ». Mais lorsqu’ils ont commencé à tuer des Américains, ils sont devenus des terroristes. Aujourd’hui, Obama se demande comment il va bien pouvoir battre l’EI. Les peuples des Etats-Unis et de Grande-Bretagne se méfient des aventures militaires – et les politiciens doivent constamment vérifier l’état de l’opinion publique, en la matière.

Les impérialistes ont insisté sur le fait qu’il n’y aurait pas d’intervention terrestre. Tout serait réglé au moyen de « frappes chirurgicales » qui, affirment-ils, ne tueront aucun civil. Mais tout le monde sait que des frappes aériennes ne permettent pas, à elles seules, de gagner une guerre – celle-ci comme toute autre. Pour cela, il faut précisément une intervention terrestre. La seule question est : quelles forces terrestres ?

Les combattants de l’YPG ont montré qu’ils étaient courageux et disciplinés. Mais il y a un hic. Ils sont de gauche et sont liés au PKK, un parti qu’Ankara (et Washington, et l’UE) range parmi les organisations « terroristes ».

Dans leur lutte contre l’EI, les Américains et les Européens seraient disposés à utiliser l’YPG/PKK comme des pions. Cependant, ils ne voudraient pas offenser la Turquie, membre de l’OTAN, pour le sort de quelques milliers de Kurdes à Kobané. Dans le même temps, Erdogan entretient de bons rapports avec l’EI, lequel continue de recevoir des armes et de l’argent de l’Arabie Saoudite et d’autres Etats du Golfe, bien qu’en théorie ces pays fassent partie de la coalition combattant l’EI.

Il est parfaitement clair que le gouvernement turc sabote toute tentative de venir en aide à la population de Kobané. La « communauté internationale », elle, fait mine de ne rien voir et de ne rien savoir du rôle de la Turquie, de l’Arabie Saoudite et autres « alliés » qui, dans les faits, soutiennent l’EI. Sous couvert de lutte contre le terrorisme en Syrie, le gouvernement turc prépare l’occupation de territoires syriens et l’écrasement de l’YPG.

Les dirigeants du PKK se sont laissé duper par le soi-disant processus de paix turc/kurde, qui depuis le début n’est qu’une farce. En 2013, les dirigeants du PKK ont accepté un cessez-le-feu unilatéral et ont retiré de Turquie la plupart de leurs combattants – en échange de promesses creuses. Mais le dirigeant du PKK Abdullah Öcalan est toujours en prison et rien n’a été concédé, à part quelques réformes cosmétiques.

Il était extrêmement naïf, de la part des dirigeants du PKK, d’imaginer qu’il était possible de faire confiance à Erdogan. Si ce politicien bourgeois cynique a développé d’excellentes relations avec les dirigeants kurdes en Irak, c’est pour mettre la main sur le pétrole de cette enclave kurde en Irak et la transformer en une marionnette de la Turquie. Mais il demeure implacable à l’égard des Kurdes de Turquie et de Syrie.

Désormais, le masque rieur d’Erdogan est tombé, révélant le visage hideux du despotisme turc. Les négociations de paix tombent à l’eau et les hostilités du PKK vont inévitablement reprendre. Öcalan a prévenu que le sort du processus de paix dépendrait de ce qui se passerait à Kobané. Il a demandé à la Turquie de montrer qu’elle était déterminée à empêcher la chute de la ville. Mais il est absurde de penser qu’Erdogan répondra favorablement à cette demande. Au contraire, le président turc souhaite ardemment la chute de Kobané. Le massacre de civils et l’indignation hypocrite des capitales occidentales lui fourniront l’excuse parfaite pour envoyer l’armée occuper Kobané, ses environs, et y établir une prétendue « zone tampon » sous contrôle turc. Cela signifierait une invasion turque de territoires syriens.

Les hypocrites endurcis de Washington, Londres, Paris et Berlin n’y verront pas grand-chose à redire. Ils ont déjà déclaré que l’idée d’une « zone tampon » méritait d’être « étudiée ». Bien sûr, ce serait une violation flagrante de la souveraineté nationale syrienne. Mais ce genre de considérations secondaires ne les a jamais empêchés d’envahir l’Irak ou l’Afghanistan. Il en irait de même cette fois-ci. En jetant un os à la Turquie, ils obtiendront ce qu’ils veulent : la présence de soldats turcs en Syrie. Mais ces soldats n’iront pas libérer les Syriens ou les Kurdes ; ils iront éliminer toute trace d’autonomie kurde.

Alors que les forces de l’EI étaient déjà entrées dans Kobané, et sous la pression de l’opinion publique mondiale, l’OTAN a effectué quelques frappes aériennes inefficaces. Elles n’ont pas arrêté l’avancée de l’EI. Le ministre des affaires étrangères britannique a déclaré que « des frappes aériennes ne suffiront pas à empêcher la chute de Kobané ». Seule une intervention terrestre peut vaincre l’EI, a-t-il ajouté.

Mais la question est : d’où ces troupes terrestres sont-elles censées venir ? Des tanks turcs sont disposés à la frontière, mais ne bougent pas. En fait, non seulement le gouvernement turc aide l’EI par cette passivité délibérée, non seulement il bloque tout envoi d’armes aux défenseurs de Kobané, mais en outre il laisse des jihadistes pro-EI passer la frontière syrienne pour aller combattre l’YPG.

Comme des vautours attendent la mort de leur proie, les dirigeants turcs attendent la chute de la ville avant d’intervenir. Si les forces de l’EI parviennent à écraser la résistance héroïque des combattants kurdes, elles infligeront un massacre à la population, dont la responsabilité retombera intégralement sur les épaules des gangsters d’Ankara et de leurs appuis de la soi-disant « communauté internationale ».

Les combattants de l’YPG se sont battus courageusement, mais ils manquent de munitions. L’EI dispose d’armes américaines, y compris des tanks et de l’artillerie saisis à l’armée irakienne. Pendant ce temps, le gouvernement turc et l’OTAN se contentent d’attendre que les bouchers de l’EI infligent un bain de sang à la population de Kobané. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a déclaré que la défense de Kobané n’est pas un « objectif stratégique » de la coalition.

Face à la catastrophe imminente, le peuple kurde doit tirer les conclusions qui s’imposent. Il ne peut accorder la moindre confiance aux impérialistes, qui ont toujours utilisé les Kurdes à leurs propres fins, avant de les abandonner comme un vieux chiffon. Il peut encore moins compter sur les soi-disant négociations avec une classe dirigeante turque spécialisée dans l’assassinat, la torture et l’oppression de la classe ouvrière et des Kurdes. Pour que ses justes revendications soient satisfaites, le peuple kurde doit d’abord compter sur ses propres forces. Et dans cette lutte, ses seuls véritables amis sont les masses exploitées de Turquie et du monde entier.

La première condition d’une satisfaction des revendications nationales et démocratiques des Kurdes, c’est la formation d’un front unique avec la classe ouvrière turque contre l’ennemi commun. Erdogan et sa clique n’exploitent et n’oppriment pas seulement les Kurdes. Les manifestations de masse qui ont ébranlé le régime, l’été dernier, et qui se répètent périodiquement depuis, prouvent que la classe ouvrière cherche à renverser la clique dirigeante rapace et corrompue. En dernière analyse, la solution de la question nationale en Turquie est directement liée à la perspective du renversement du capitalisme lui-même.

Le mouvement ouvrier international doit défendre les Kurdes de Syrie menacés d’un massacre. Des manifestations et des rassemblements doivent être organisés. Une pression maximale doit s’exercer sur le gouvernement turc pour qu’il ouvre la frontière et permettre que des armes et fournitures soient livrées à la population de Kobané. Mais on doit s’opposer fermement à toute « zone tampon », qui ne serait que la couverture d’une invasion turque en Syrie.

Travailleurs de tous les pays, mobilisez-vous contre le massacre des Kurdes !
Combattre les actions criminelles de la Turquie et de l’OTAN !
Le mouvement ouvrier doit collecter de l’argent pour la résistance kurde en Syrie !
Armer les combattants kurdes de Rojava [le Kurdistan syrien] pour combattre l’EI, l’armée turque et les impérialistes !
Le PKK doit être retiré des listes américaines et européennes des organisations terroristes !
Pour une solution juste et démocratique à la question nationale kurde !
Non à l’intervention impérialiste en Syrie et en Irak !
A bas l’impérialisme !
Travailleurs de tous les pays, unissez-vous !

 

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