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Depuis la fin du mois de janvier, l’armée turque mène une offensive contre les forces kurdes présentes à Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie. Cette opération, cyniquement baptisée « Rameau d’olivier », se déroule avec la passivité complice des grandes puissances.

Les Forces Démocratiques Syriennes et la Turquie

L’enclave d’Afrin, majoritairement peuplée de Kurdes, est passée sous le contrôle des Forces Démocratiques Syriennes (FDS) dès le début de la guerre civile. Profitant de l’affaiblissement du régime d’el-Assad, la branche syrienne du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a pris le contrôle de zones entières et en a chassé les milices islamistes. Après avoir réussi à repousser l’Etat Islamique (EI), les FDS, qui regroupent les forces du PKK et diverses milices arabes, ont commencé à recevoir une aide militaire de Washington, à la recherche de forces efficaces contre l’EI. Les FDS ont ainsi mené la plus grande part des combats au sol en Syrie, perdant des centaines de combattants, mais brisant les reins du Califat et prenant Rakka, sa capitale. Au passage, elles ont pris le contrôle d’une zone gigantesque s’étendant sur presque toute la frontière turco-syrienne.

Une telle situation était inacceptable pour le pouvoir turc, en guerre contre le PKK. Pas question pour lui de tolérer une zone autonome kurde à sa frontière. La Turquie, pourtant alliée de Washington au sein de l’OTAN, a donc (plus ou moins) discrètement soutenu l’EI et les autres milices islamistes, alors même que celles-ci combattaient les Kurdes alliés des Etats-Unis et organisaient des attentats sur le sol européen. L’aide américaine aux Kurdes est devenue intolérable pour Ankara lorsque les Américains ont annoncé vouloir continuer à épauler les FDS après la défaite de l’EI, pour pouvoir garder un pied en Syrie face à la Russie.

L’opération « Rameau d’Olivier »

La fin de la guerre en vue, Ankara a obtenu l’accord de Moscou, qui contrôle le ciel syrien, pour lancer une offensive sur l’enclave d’Afrin. Pour Erdogan, il s’agit de réduire les positions du PKK, d’essayer de forcer les Etats-Unis à lâcher les Kurdes et aussi de conjurer ses difficultés intérieures [voir notre article p.13]. Pour la Russie, il s’agissait d’un moyen facile de contraindre les Kurdes à s’éloigner des Etats-Unis et à se plier à l’autorité de Bachar al-Assad, en plus de fragiliser la relation déjà tendue entre Ankara et Washington.

L’armée turque s’est donc lancée à la conquête d’Afrin, appuyée par des miliciens de « l’Armée Syrienne Libre », qu’elle a formés et équipés dans ce but, et de Hayat Tahrir al-Cham, une alliance de groupes islamistes, dont l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda. La campagne a vu se multiplier les atrocités, dont l’exécution de civils fuyant les combats par des gardes-frontières turcs ou la mutilation de cadavres de combattantes kurdes. Washington, contraint de choisir entre les Kurdes d’Afrin et le maintien de la Turquie dans l’OTAN, a tranché : aucune condamnation de l’offensive et aucune aide pour l’enclave assiégée. Aucune condamnation ferme n’est venue des autres chancelleries occidentales : Jean-Yves Le Drian a même dit « comprendre […] le souci [turc] de sécurisation des frontières ».

Malgré tout, l’offensive piétine face aux combattants expérimentés et déterminés des FDS et, le 23 février, les troupes turques ne contrôlaient que le dixième de l’enclave. Pour autant, la lutte restait largement inégale entre une armée régulière et des miliciens sous-équipés et isolés. Abandonnées par Washington, les FDS ont donc fini par céder et se plier à l’autorité de Damas. Des troupes fidèles à Bachar al-Assad ont donc rejoint la ligne de front, les Russes ont annoncé à l’armée de l’air turque que l’espace aérien syrien lui serait dorénavant fermé, et le drapeau syrien flotte à nouveau dans l’enclave d’Afrin. L’offensive turque continue mais se trouve dans une impasse : elle ne peut se poursuivre sans une confrontation directe avec le régime syrien, au risque de se retrouver face à ses alliés iraniens et russes.

Un jeu d’équilibre entre les impérialismes ?

Cela montre aussi l’impasse de la politique adoptée par la direction du PKK en Syrie, qui espérait gagner le soutien des grandes puissances impérialistes à son projet d’un Kurdistan libéré. Comme le disait De Gaulle, « les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts », et les petites nations comme les Kurdes ne sont aidées que tant qu’elles sont utiles et sont abandonnées à leur sort dès qu’elles ne le sont plus.

Il n’existe pas de solution pour un Kurdistan indépendant en dehors d’une lutte révolutionnaire contre tous les impérialistes et leurs laquais dans la région. Ce qui a donné aux FDS leurs premiers succès, ce n’était pas l’aide occidentale – qui profitait alors à leurs ennemis islamistes –, mais le facteur moral : l’objectif de lutter pour un programme démocratique et social.

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