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Cet article a été écrit avant les événements du 6 janvier, dont nous avons parlé dans cet article.


L’élection de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis n’est pas une surprise. Il a remporté le scrutin face à un président de télé-réalité sanguin, imprévisible, et dont le bilan était désastreux. Trump a été incapable de ralentir la pandémie, qui a fait plus de 300 000 morts dans le pays, en 2020. Il s’est révélé impuissant face à la récession économique et à ses profondes conséquences sociales. Enfin, il a été confronté au plus grand mouvement social de l’histoire récente des Etats-Unis : les mobilisations de Black Lives Matter.

Et pourtant, Biden n’a pas suscité de raz-de-marée électoral. Il a recueilli 80,9 millions de voix, mais Trump en a tout de même recueilli 74 millions, soit nettement plus qu’en 2016 (63 millions). Ce dernier a même progressé dans l’électorat afro-américain. Si Trump a été battu, personnellement, le « trumpisme » est toujours vivant. Comment l’expliquer ?

Le candidat de Wall Street

Des millions d’Américains ont accueilli la défaite de Trump comme la fin d’un long cauchemar. Mais en réalité, le cauchemar est loin d’être terminé, car le capitalisme en crise ne peut qu’aggraver la situation de la grande majorité de la population américaine.

Le programme officiel de Biden était simple : « je ne suis pas Donald Trump et je ramènerai le pays au bon vieux temps d’Obama ». Problème : c’est précisément la politique d’Obama qui a posé les bases de la victoire de Trump en 2016. Entre 2008 et 2016, aucune des aspirations fondamentales des masses – notamment en matière d’emploi et de pouvoir d’achat – n’a été satisfaite. Le vote pour Trump exprimait la recherche d’une alternative au statu quo. La politique pro-capitaliste de Biden ne peut qu’intensifier ce phénomène.

Le candidat démocrate a mené la campagne électorale la plus chère de l’histoire des Etats-Unis : sept milliards de dollars, soit deux fois plus que le budget des Républicains. Biden était le poulain de Wall Street. Il doit sa victoire aux grands capitalistes et dirigera le pays conformément à leurs intérêts. D’ores et déjà, il a annoncé que les mesures de Trump contre les migrants ne seraient pas rapidement abolies – et que le problème des dettes massives des étudiants ne pourrait pas être rapidement réglé. Dans de très nombreux domaines, Biden poursuivra la politique de Trump, qui prolongeait celle d’Obama.

La division de la classe ouvrière

Pendant des décennies, les Démocrates ont été perçus comme plus proches des travailleurs, ou comme le « moindre mal ». Mais cette illusion a été minée par l’expérience de gouvernements démocrates en temps de crise.

Par le passé, la plupart des travailleurs syndiqués votaient pour les Démocrates. Cette fois-ci, 40 % d’entre eux ont voté pour Trump. Bien sûr, l’électorat républicain compte aussi des éléments racistes venant de la petite-bourgeoisie et des néofascistes du genre des Proud Boys. Ces énergumènes ont été galvanisés par le mandat de Trump. Mais leur agitation ne doit pas masquer le fait que la masse de l’électorat républicain est aussi constituée de millions de travailleurs ordinaires – et très mécontents. Trump a été capable de rallier ces travailleurs en dépeignant les Démocrates comme une élite déconnectée, qui a traversé la pandémie sans encombre dans de grandes maisons – tout en appelant les pauvres à se confiner, au risque de perdre leur emploi ou leurs revenus.

La gauche américaine

Cette polarisation de la classe ouvrière américaine entre deux partis bourgeois n’est possible que du fait de l’absence d’un parti ouvrier de masse aux Etats-Unis. Or, au lieu de s’atteler à la construction de ce parti, les dirigeants les plus en vue de la gauche américaine – dont Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez – ont soutenu Biden jusqu’au bout. Pour justifier cette capitulation, ils ont expliqué qu’une fois Biden élu, l’enjeu serait de le « pousser vers la gauche ».

C’est complètement utopique. Une simple « pression » ne changera pas le contenu de classe du Parti démocrate. Tous ceux qui rentrent dans ce parti pour « le changer de l’intérieur » ne peuvent que s’y épuiser – ou changer eux-mêmes, pour devenir des Démocrates comme les autres, c’est-à-dire des politiciens bourgeois. De fait, Ocasio-Cortez n’a pas poussé Biden vers la gauche ; par contre, elle a dérivé vers la droite.

Le problème des dirigeants de la gauche réformiste, au fond, c’est qu’ils n’ont pas confiance dans la classe ouvrière. Ils ne croient pas que notre classe puisse prendre le pouvoir et changer la société. A l’inverse, les marxistes ont pleinement confiance dans le pouvoir des travailleurs. Nos camarades de Socialist Revolution, la section américaine de la TMI, comprennent que les profondes contradictions de classe, aux Etats-Unis, finiront par déboucher sur la création d’un grand parti indépendant des travailleurs américains. Alors, la lutte des classes aux Etats-Unis entrera dans une nouvelle phase – et les marxistes, qui se renforcent de jour en jour, seront en situation d’y jouer un rôle décisif.

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