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La grande majorité de la population, qui ne s’intéressait guère au congrès du PS, en retiendra deux choses : 1) la ligne droitière du PS et du gouvernement est maintenue, comme l’ont immédiatement illustré les annonces relatives au « marché du travail » dans les TPE et PME ; 2) Le samedi, au beau milieu du congrès, Manuel Valls a pris un Falcon, aux frais de l’Etat, pour aller se distraire à Berlin devant une finale de football – et en revenir, pimpant, pour le dernier jour du congrès. Ajoutons que trois heures après la clôture du congrès, le dimanche, il assistait à une autre finale, cette fois-ci de tennis, dans le public choisi de Rolland-Garros.

Les dirigeants socialistes ne sont pas seulement dévoués corps et âme aux intérêts du grand patronat ; à bien des égards, ils vivent comme lui, avec lui, fréquentent les mêmes salons et les mêmes tribunes. Ils finissent par être complètement déconnectés des réalités quotidiennes des masses, au risque de commettre ce que le Figaro du 10 juin appelle pudiquement « une erreur de communication ». Les 14 200 euros (plus d’une année de SMIC) puisés dans les caisses de l’Etat pour ce voyage d’agrément, pendant qu’on demande à la majorité de la population de se serrer la ceinture sur l’essentiel ; le fait que le premier ministre parte en plein congrès du PS, alors que ce parti est au pouvoir, ne tient pas ses promesses électorales et contribue activement à la régression sociale qu’engendre la crise du capitalisme ; enfin les piteuses tentatives de Valls et d’autres dirigeants du PS de justifier politiquement ce voyage par on ne sait quelles réunions dont les autres participants n’ont jamais entendu parler : tout ceci laisse évidemment une impression négative dans l’esprit de ceux qui souffrent, dans ce pays. Ce ne sera certes pas le scandale du siècle ; mais cela contribuera, avec tant d’autres faits du même genre, à ruiner l’autorité du gouvernement dans l’opinion.

Le comportement de Valls et sa déconnexion des réalités étaient à l’unisson du congrès du PS : la plupart des orateurs y ont vanté les grands succès du gouvernement, son « audace », son « imagination », son « volontarisme », etc. Ce fut parfaitement résumé par Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, lors de son discours de clôture. Il s’ouvre ainsi : « Cher François [Hollande], Monsieur le président. La France a de la chance que vous mettiez en œuvre son redressement sans remettre en cause son modèle social ». Perché sur les hauteurs du Mont Solferino, Cambadélis a manifestement oublié que toutes les formes de misère et de précarité progressent, que les services publics sont démantelés et que les conquêtes sociales et démocratiques du mouvement ouvrier sont attaquées.

« Toute l’action des socialistes aux responsabilités est structurée autour de l’emploi », a-t-il également expliqué, précisant : « Oh non, bien sûr, tout n’a pas été parfait dans notre action. Elle a parfois manqué de clarté, d’efficacité aussi ». L’euphémisme est colossal. A la tribune du congrès, Gérard Filoche a donné les chiffres : depuis juin 2012, le pays compte – officiellement – 1,3 million de chômeurs de plus, toutes catégories confondues. C’est pire que sous le mandat de Sarkozy.

De nombreux orateurs partageaient la satisfaction du premier secrétaire du PS. Saturés de mots creux, les délégués glissaient dans une rêverie dont ils n’étaient arrachés, de temps à autre, que par un « frondeur » leur jetant quelques faits irréfutables (chômage, défaites électorales...) sur la tête. Les « frondeurs » ont empêché le congrès de sombrer dans la léthargie. Mais pour le reste, ils sont en crise, affaiblis par leur propre opportunisme – et à présent sommés par la direction du parti de « respecter le congrès » et de voter la loi Macron. Ceux qui le feraient perdraient le peu d’autorité qui leur reste.

Au sujet de l’aile gauche du PS, nous écrivions en février dernier dans nos Perspectives pour la France 2015 : « S’ils avaient contesté fermement la direction du PS, les représentants de son “aile gauche” auraient trouvé un large écho – non seulement dans les rangs du parti, mais bien au-delà. Cependant, la gauche du PS a suivi comme son ombre la dégénérescence de l’aile droite. Peillon, Montebourg, Dray, Hamon et compagnie ont tous capitulé contre des positions dans l’appareil du parti ou au gouvernement. Aujourd’hui, les soi-disant “frondeurs” ne défendent pas d’alternative crédible à la politique de François Hollande. Ils demandent juste un peu moins d’austérité. Au beau milieu de la plus grave crise du capitalisme depuis les années 30, il ne leur viendrait pas à l’idée de remettre en cause l’économie de marché : elle est leur horizon intellectuel et politique. En conséquence, les effectifs militants de la “gauche du PS” sont peu nombreux et démoralisés. Ils ne reflètent pas l’humeur réelle de la classe ouvrière – et ne sont pas en situation, dans l’immédiat, de mener une lutte sérieuse contre la direction du parti. »

Le congrès de Poitiers en est une illustration. La motion des frondeurs a recueilli 28,5 % des voix dans un parti déserté : 71 000 votants, dont un grand nombre d’élus et de « clients » divers. La gauche du PS n’ose même pas poser franchement la nécessité d’une candidature issue de ses rangs pour l’investiture du PS à la présidentielle de 2017. Elle semble respecter l’idée absurde, ne fut-ce que d’un point de vue démocratique, selon laquelle « si Hollande est candidat, il n’y a pas besoin de primaires ». Au seuil de la campagne électorale de 2017, François Hollande sera largement discrédité. Il aura du mal à susciter le moindre enthousiasme, même face à Sarkozy, qui n’en suscitera guère plus. Dans ce contexte pourtant favorable, la « gauche du PS » hésite et tourne en rond dans son milieu confortable, mais toujours plus étroit. Elle n’a confiance ni dans ses propres forces, ni dans ses idées, car elle ne défend aucune alternative sérieuse à la politique du gouvernement.

Ce n’est pas des frondeurs que viendra – au moins dans l’immédiat – l’impulsion vers une expression politique de gauche de la colère de la population. Dès lors, le Front de Gauche n’a rien à gagner à d’interminables discussions avec les dirigeants frondeurs, à la recherche d’une impossible « nouvelle majorité » parlementaire. Bien sûr, le Front de Gauche doit se tourner vers les militants et électeurs du PS. Mais il doit leur proposer une lutte commune contre le patronat et les contre-réformes du gouvernement, tout en dénonçant les capitulations des dirigeants du PS, frondeurs compris, et en expliquant la nécessité d’une rupture avec le système capitaliste. Une telle approche rencontrerait un écho favorable, non seulement chez les électeurs du PS, mais bien au-delà. Cela contribuerait à l’émergence d’une force de masse contestant les politiques d’austérité.

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