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Le 9 janvier dernier, les journaux télévisés du monde entier ont diffusé des scènes d’une violence inouïe en Equateur. Elles se déroulaient principalement dans la ville de Guayaquil, mais aussi à Quito, la capitale. Cette crise sans précédent a été déclenchée le 7 janvier par l’évasion de Fito Macías, le chef du gang criminel « Los Choneros ». Le lendemain, le président Daniel Noboa proclamait l’état d’urgence et ordonnait à l’armée d’entrer dans les prisons pour y « rétablir l’ordre ».

En représailles, les gangs ont lancé une série d’offensives dans tout le pays : prises d’otages à l’université de Guayaquil, barrages routiers et attaque d’un plateau de télévision en plein direct. Dans la soirée du 9 janvier, Noboa annonçait le passage à un niveau supérieur de l’état d’urgence et imposait un couvre-feu. A l’heure où nous écrivons ces lignes, les affrontements n’ont pas cessé.

Crise sociale

Cette explosion de violence ne tombe pas du ciel. Le crime organisé se développe sur le terreau de la crise du capitalisme, qui jette des centaines de milliers de personnes dans la misère et pose ainsi les bases d’une explosion de la délinquance. En outre, du fait de la dollarisation de l’économie équatorienne, les ports de la côte sont devenus d’importants nœuds du trafic mondial de drogues.

Résultat : entre 2018 et 2023, le nombre d’homicides a augmenté de 800 %, passant de 6 à 46 pour 100 000 habitants. L’Equateur est désormais l’un des pays les plus violents d’Amérique latine, devant le Brésil et le Mexique. En août dernier, un candidat à l’élection présidentielle, Fernando Villavicencio, a été assassiné dix jours avant le premier tour.

Le mouvement ouvrier peut offrir une issue à cette crise en s’attaquant au capitalisme équatorien et à son appareil d’Etat corrompu. Ces dernières années, les jeunes et les Equatoriens se sont massivement mobilisés à plusieurs reprises, notamment en octobre 2019 et en juin 2022. Mais chaque fois, les dirigeants réformistes ont renoncé à renverser le régime et ont préféré négocier des accords de « sortie de crise », en échange de vagues promesses de réformes progressistes qui ne se sont jamais concrétisées.

« Unité nationale » ?

Face aux attaques des gangs, les dirigeants des organisations de gauche tels que l’ancien président, Rafael Correa, ou Leonidas Iza, de la Confédération des nationalités indigènes de l’Equateur (CONAIE), ont apporté leur soutien à Noboa et ont approuvé l’état d’urgence au nom de « l’unité nationale ». Ils présentent la crise actuelle comme un affrontement entre le crime organisé et «l’Etat démocratique». C’est une grave erreur.

D’une part, les gangs et le trafic de drogue font partie intégrante du capitalisme équatorien. Leur énorme activité, qui se chiffre en millions de dollars, ne pourrait exister sans la complicité active des banques et d’importantes fractions de l’appareil d’Etat. L’évasion de Fito Macías, par exemple, n’aurait pas été possible sans de profondes complicités dans la police et le système pénitentiaire.

Surtout, il ne peut y avoir d’« intérêts communs » entre les exploités et les oligarques qui les exploitent, pas plus qu’il ne peut exister d’unité nationale entre les travailleurs massacrés lors des soulèvements de 2019 et 2022, d’une part, et d’autre part leurs bourreaux dans la police et l’armée. L’Etat bourgeois équatorien n’est pas une institution neutre : c’est un instrument au service de la classe dirigeante et de l’impérialisme. Il vise avant tout à défendre leurs intérêts. Toute nouvelle mesure répressive mise en place sous prétexte de lutter contre les gangs sera utilisée, à l’avenir, contre des mobilisations de travailleurs.

Retour à l’ordre ?

L’Etat équatorien disposant d’un appareil militaire bien plus puissant que celui des gangs, il est probable qu’il finira par reprendre un contrôle relatif de la situation. Mais cela passera forcément par une sorte de compromis avec les trafiquants de drogue – à l’image de ce qui existe au Brésil, au Mexique et au Salvador. L’appareil d’Etat de ces pays coexiste d’une manière ou d’une autre avec les cartels, qui ont même des députés élus et contrôlent les quartiers les plus pauvres des grandes villes. Cela n’empêche pas certains démagogues de mettre en scène leur prétendue « lutte contre le crime ». Le président salvadorien Nayib Bukele noue des accords avec certains parrains des cartels – tout en se présentant comme le défenseur de « l’ordre » !

L’« ordre » que défendent Bukele, Noboa et leurs semblables est le capitalisme pourrissant. Le crime organisé en est une maladie endémique qui prospère sur la misère et la corruption. La seule solution pour en finir avec ce fléau est la conquête du pouvoir par la classe ouvrière et le renversement de ce système inégalitaire et corrompu. Seule la construction d’une économie socialiste et planifiée, capable de satisfaire les besoins du plus grand nombre, fera disparaître les bases économiques et sociales de la criminalité.  

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