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La crise ukrainienne n’affecte pas seulement le front de l’Est, théâtre de la guerre civile. Dans la région de Zakarpattia, à l’Ouest, l’organisation paramilitaire d’extrême droite Secteur Droit est en conflit ouvert avec la police. Le 13 juillet dernier, une « opération de justice » a dégénéré, entraînant la mort de deux militants de Secteur Droit. Plusieurs civils, policiers et miliciens ont été blessés. Loin d’être accidentel, ce fait montre l’instabilité croissante de l’alliance post-EuroMaïdan entre l’oligarchie ukrainienne et les bandes fascistes qu’elle finance.

Pour les oligarques de Kiev, c’est une preuve embarrassante de l’anarchie qui règne depuis les événements de l’hiver 2013-14. Les nouveaux dirigeants ont cherché à tirer un maximum de profit de la guerre civile – tout en obtenant des prêts de la part des gouvernements occidentaux et du FMI. La militarisation générale du pays et les énormes sommes d’argent consacrées à la guerre contre les rebelles du Donbass ont porté la dette de l’Ukraine à 158 % de son PIB. Malgré les mesures d’austérité sévères imposées par le FMI, les finances publiques du pays s’enfoncent dans une spirale d’endettement incontrôlable. Cette situation est profitable pour les capitalistes étrangers, notamment américains, qui spéculent sur le marché de la dette. Elle l’est aussi pour les oligarques pro-Maïdan qui fournissent l’armée.

Nombre d’entre eux profitent aussi du chaos pour tenter d’accroître leur domination économique, générant des tensions au sein des rangs pro-Maïdan. Ainsi, le gouverneur de Dnipropetrovsk, Ihor Kolomoiskiy a tenté de s’accaparer par la force l’entreprise pétrolière d’Etat UkrNafta, en mars dernier. Contraint de démissionner de ses fonctions de gouverneur, il n’a pas pour autant été inquiété par la Justice. Ces affaires mettent à mal l’image « anti-corruption » que tente de se donner le gouvernement.

Le chien mord son maître

Bien sûr, la corruption n’est pas un phénomène nouveau au sein de l’oligarchie ukrainienne. La nouveauté réside dans la dépendance mutuelle entre l’oligarchie et les milices ouvertement fascistes. Ces groupes étaient fortement impliqués dans EuroMaïdan et le renversement de Ianoukovytch. Ils constituent la base des bataillons de la Garde Nationale qui combattent la rébellion dans le Donbass. Secteur Droit, par exemple, a énormément développé ses rangs et son influence, passant d’un groupe marginal à une organisation paramilitaire bien armée regroupant des milliers de membres – et représentée au Parlement. Son dirigeant, Dmitry Yarosh, écume les plateaux de télé.

Leurs actions se sont concentrées sur le front militaire du Donbass. Ils kidnappent et torturent les personnes suspectées de « séparatisme », tout en menant des opérations contre les réseaux de drogue. La police locale est moins armée que ces milices ; elle craint de s’opposer à elles. Les médias occidentaux ont souvent qualifié ces bataillons de « combattants de la démocratie », mais cette façade s’effondre progressivement sous les scandales, à mesure que sont révélés les tortures, viols et meurtres de civils commis par les membres de ces milices.

Après les événements de Zakarpattia, les services secrets ont défendu la thèse de l’infiltration de Secteur Droit par des « agents russes ». Le président ukrainien Porochenko en a profité pour déclarer vouloir désarmer Secteur Droit. Ce dernier a alors organisé une manifestation de 3000 à 5000 hommes armés pour protester devant le bureau présidentiel à Kiev, réclamant sa démission.

Perspectives

En dépit de leur discours anti-oligarchie, les bataillons de la Garde Nationale et les groupes d’extrême droite en Ukraine sont attachés à l’oligarchie, qui leur assure financements et matériel. De son côté, le gouvernement était jusqu’à présent satisfait que ces groupes se battent contre les rebelles, répriment l’opposition au gouvernement et écrasent les actions syndicales. Cependant, il n’est plus exclu que Kiev veuille les retourner les uns contre les autres, s’il se sent menacé.

En définitive, aucun de ces acteurs n’a intérêt à mettre fin à la situation actuelle et à la guerre civile, tant celle-ci leur est profitable. Il se peut que le président soit renversé, une fois de plus. Mais ce type de changements ne mènera qu’à davantage d’instabilité et, pour les Ukrainiens, à davantage de pauvreté et de guerre.

L’année écoulée en Ukraine a démenti l’idée selon laquelle la situation ne pouvait être pire que sous Ianoukovytch. Il n’y a pas de limite à la décadence du capitalisme en crise. Son renversement, en Ukraine comme ailleurs, reste l’unique solution.

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