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Le 14 juin dernier, plus de 500 000 femmes manifestaient en Suisse contre les différentes oppressions qu’elles subissent. Sereina W. militante à L’étincelle, section suisse de la TMI, répond à nos questions sur cette journée.


Pourrais-tu revenir sur le contexte de cette mobilisation et les revendications portées par le mouvement ?

La Suisse est historiquement très en retard sur les questions des droits des femmes. Par exemple, le suffrage féminin n’a été introduit qu’en 1971. Jusqu’en 1992, le viol conjugal n’était pas légalement considéré comme un viol, et ce n’est que depuis 2004 qu’il constitue une véritable infraction. L’égalité entre les femmes et les hommes est inscrite dans la constitution depuis 1981, mais dans la pratique cette égalité n’existe pas. L’inégalité salariale est de 20 % et, dans les secteurs très féminisés comme la santé ou le nettoyage, les conditions de travail sont très précaires. Le 14 juin 1991, il y a déjà eu une manifestation très massive des femmes pour l’égalité, mais rien n’a changé depuis. Ce sont toujours les femmes qui effectuent majoritairement le travail domestique. Les revendications portaient également sur la question du harcèlement, sur l’insécurité des femmes dans la rue, etc.

Qui a été à l’origine de cette mobilisation ?

Des comités de femmes se sont créés avec le soutien des syndicats. Mais ce ne sont pas les grandes organisations qui sont à l’origine de la grève des femmes. Ce sont des syndicalistes individuelles, des militantes féministes et des femmes non organisées qui sont à l’origine de ces comités.

Quelle a été la place des syndicats et des partis de gauche dans la grève ? 

La majorité des actions ont été organisées par les comités de femmes, mais également en lien avec les syndicats. Les syndicats ont essayé de mobiliser sur les lieux de travail, mais ça n’a pas très bien marché parce qu’ils ne sont pas ancrés dans les secteurs féminins : il y a un taux de syndiquées très bas dans ces secteurs. Donc ils ont surtout organisé des actions comme des pique-niques, des piquets de grève avec distribution de café ou de croissants. Les partis étaient majoritairement absents de l’organisation. Ils ont soutenu l’initiative de cette journée, mais ils n’ont pas défini de programme clair.

Justement quel bilan tires-tu de cette mobilisation et quelles sont ses limites ?

Cette mobilisation a été fantastique. Cela témoigne du fait qu’on assiste à une radicalisation de la société notamment chez les femmes et dans la jeunesse. Mais très vite la participation aux comités de femmes a chuté. Il y avait un manque d’organisation. Des comités se sont constitués dans de nombreuses villes, à travers la Suisse, mais il n’y avait pas de coordination nationale. Donc chaque comité décidait de son côté comment organiser la journée du 14 juin. Dans la pratique très peu de femmes ont véritablement fait grève à part dans les secteurs des crèches et de la petite enfance. En réalité c’était une grève symbolique dans la mesure où les femmes ont posé des congés et qu'elle n’était pas organisée sur les lieux de travail. Mais le principal problème c’est que les syndicats et les partis ont appelé à cette journée sans regarder plus loin. Cette journée aurait pu et aurait dû être utilisée pour organiser des femmes sur les lieux de travail, les organiser sur le long terme : on ne peut pas abolir le sexisme et l’ensemble des oppressions que subissent les femmes en une journée. Il y avait plus de 500 000 personnes dans la rue qui avait envie de se mobiliser. Toute cette énergie risque de se perdre par manque de perspectives. En définitive, le 14 juin a été organisé comme une unique journée d’action isolée.

Comment la section suisse de la TMI a-t-elle participé à cette mobilisation ?

Nous avons participé activement à la journée de mobilisation, dans les manifestations, mais également dans les différentes actions comme les pique-niques et les divers événements. Nous sommes intervenus avec notre journal, mais aussi en diffusant notre livret programmatique pour donner des perspectives à ce mouvement. C’était une expérience très intéressante parce qu’on a été quasiment la seule organisation qui a pensé à la suite. Donc les gens étaient surpris que l’on pose la question « et après on fait quoi ? », mais ils étaient surtout très enthousiastes vis-à-vis de nos propositions. On a pu mener beaucoup de discussions. Par la suite nous avons organisé des réunions publiques sur les suites à donner au mouvement, mais aussi sur l’origine de l’oppression des femmes et sur comment, selon nous, la combattre.

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