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Dans Squid Game, une série télévisée de Hwang Dong-Hyuk, des Coréens criblés de dettes participent à une compétition macabre : 30 millions d’euros sont en jeu, mais tous ceux qui perdent sont physiquement éliminés.

Il n’est pas étonnant que cette série soit un énorme succès mondial (plus de 100 millions de visionnages, à ce jour) : elle expose brillamment, sous une forme allégorique, la réalité brutale du capitalisme.

La compétition consiste en une succession de jeux. Les organisateurs créent les conditions d’une rivalité sanglante entre participants. La nourriture est insuffisante, la violence tolérée, la trahison récompensée. Les divisions fondées sur la race, le sexe ou l’âge minent les solidarités qui s’ébauchent. On pense aux mots de Marx : « là où le besoin est généralisé, tout le vieux fatras renaît », c’est-à-dire les violences, les discriminations et les oppressions.

Alors qu’on leur offre la liberté de retourner à leur vie habituelle, les participants sont confrontés à l’inéluctable et sinistre réalité de leur existence. Comme le dit l’un des personnages, la vie est « tout aussi horrible ici qu’en dehors ». Cette liberté qui leur est offerte est à l’image de la démocratie bourgeoise : pour les travailleurs, elle n’est qu’une illusion.

Des hommes armés et masqués détiennent le monopole de la violence « légitime ». Ils exécutent tous ceux qui enfreignent les règles ou échouent. C’est une allusion évidente à l’appareil d’Etat bourgeois – en Corée du Sud comme ailleurs. De manière générale, toute la série est constituée d’allusions métaphoriques à la réalité du capitalisme. Comme le dit le réalisateur Hwang Dong-Hyuk : « Je voulais écrire une histoire qui soit une allégorie ou une fable sur la société capitaliste moderne, quelque chose qui dépeigne une compétition extrême, un peu comme l’extrême compétition de la vie. » De ce point de vue, c’est une réussite indiscutable.

De l’autre côté de l’écran

Squid Game fait partie de la récente vague du réalisme social coréen, avec des films comme The Host et Parasite, qui mettent également à nu l’exploitation de classe en Corée du Sud. De fait, la réalité du « Squid Game » n’est pas très éloignée des conditions matérielles épouvantables auxquels sont confrontés les travailleurs sud-coréens, dans la vie réelle.

Depuis plus d’une décennie, la Corée du Sud connaît un déclin constant du niveau de l’emploi. Cette tendance a été exacerbée par la pandémie du Covid-19. En 2020, le taux de chômage a atteint son plus haut niveau depuis 1997. Chez les jeunes, il s’élève à 9,5 %. Les jeunes Coréens ont pris l’habitude d’appeler leur pays « la Corée de l’enfer ». Mais la situation n’est pas moins difficile pour les retraités coréens : 43 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.

Dans la série, c’est le surendettement qui pousse des Coréens ordinaires à participer au « Squid Game ». Dans le monde réel, l’endettement des ménages sud-coréens bat des records. Le ratio dettes/revenus s’élève à 191 %, en moyenne. Au total, la dette des ménages atteint le chiffre astronomique de 1540 milliards de dollars.

Sans dévoiler davantage le scénario de la série, disons que Hwang Dong-Hyuk y fait aussi figurer des représentants de l’impérialisme américain – sous une forme allégorique, bien sûr. Or dans le monde réel, les Etats-Unis continuent d’utiliser la classe ouvrière coréenne comme un pion dans leurs jeux impérialistes.

La force du nombre

Malgré la double oppression que subissent les travailleurs coréens (sous les bottes de la bourgeoisie nationale et de l’impérialisme américain), leurs traditions militantes sont très fortes. En 2015, la Corée du Sud a connu trois grèves générales. A l’appel de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU), des dizaines de milliers de travailleurs sont descendus dans les rues pour protester contre la politique réactionnaire du gouvernement dirigé par Park Geun-Hye.

En réponse, le gouvernement a brutalement réprimé ce mouvement. Des dirigeants syndicaux ont même été arrêtés. Les lois réactionnaires contestées ont été adoptées (avec des modifications mineures), mais la classe ouvrière coréenne a tiré d’importantes leçons de cette phase de luttes massives.

Le 20 octobre dernier, la KCTU a organisé une nouvelle grève générale. Pour promouvoir la grève, la Confédération syndicale a créé une publicité – dans le style de Squid Game – intitulée « General Strike Game ».

Squid Game n’est pas exempt des défauts que l’on retrouve dans de nombreuses séries Netflix (ou autres) : clichés en tous genres, longueurs inutiles, sentimentalisme trop appuyé, éléments du scénario qu’on voit venir de loin, etc. Mais ces défauts passent au deuxième plan face à la puissance allégorique de l’histoire. Les souffrances de Seong Gi-Hun, le principal protagoniste, symbolisent celles de millions de Coréens – et, au-delà, des milliards d’exploités et d’opprimés à travers le monde. A cet égard, le message central de la série est sans ambiguïté : ils n’ont rien à gagner sous le capitalisme. 

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