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S ortie en novembre dernier, la série « Sambre » est une libre adaptation de l’affaire du « violeur de la Sambre ». En 2022, Dino Scala a été condamné pour 54 viols, tentatives de viols et agressions sexuelles commis entre 1988 et 2018. Il perpétrait ses crimes autour de la Sambre, une rivière à cheval entre la France et la Belgique.

Le grand succès d’audience de cette série, sur France TV, n’est pas étonnant : les 6 épisodes qui la composent sont une brillante illustration de la faillite de l’Etat dans la lutte contre les violences sexuelles.

Double peine

L’identité du violeur est révélée dès le début. Ce choix permet de concentrer le schéma narratif sur le calvaire des victimes face aux énormes failles de la police et de la justice. « Sambre » n’a rien d’une série à suspense exploitant la fascination pour les criminels en série.

D’emblée, le premier épisode montre ce que vivent des millions de femmes : une parole qui n’est pas écoutée, ou qui est discréditée, qui « manque de cohérence », mais aussi une culpabilisation des victimes à coup de phrases assassines : « que faisait une jeune femme seule sur une route de campagne aussi tôt le matin ? ».

Faillite de la police

De manière générale, les affaires d’agressions sexuelles ne sont pas la priorité de la police. La série montre comment, dans la France des années 1980, les enquêtes pour viol étaient souvent bâclées. En l’occurrence, le commissariat mobilisé avait pour habitude de ne pas retranscrire l’entièreté des plaintes. Une plainte pour viol fut même requalifiée en plainte pour « tentative de vol ». Quant aux actes de police technique et scientifique, ils furent si mal réalisés qu’ils ont rendu les preuves inexploitables. La série montre aussi le manque criant de coopération entre les différents services de police et de justice. Résultat : il a fallu plusieurs années pour prendre acte du fait qu’il s’agissait d’un seul et même violeur.

En 2007, un juge d’instruction belge se saisit de l’affaire car des viols sont commis de l’autre côté de la frontière. Une scientifique belge est missionnée pour identifier le lieu de vie du violeur. Elle suit une bonne piste, mais se heurte à l’indifférence – et même la résistance – des services français. Le « violeur de la Sambre » sévira encore pendant des années.

Aveuglement général

En dernière analyse, la justice – comme la police – défend les intérêts de la classe dirigeante. Les enquêtes pour viol ne sont pas sa priorité. Dans le deuxième épisode, une juge d’instruction saisit la gravité de l’affaire et veut y mettre les moyens. Elle comprend qu’il s’agit de viols en série, en apporte les preuves, mais le procureur de la République résiste et minimise les crimes afin de ne pas révéler les manquements des policiers. « Tu ferais mieux de te les mettre dans la poche », conseille-t-il à la juge.

Les résistances, les négligences et les préjugés de la police et de la justice sont au cœur de l’équation infernale qui a permis à Dino Scala de commettre des viols et des agressions sexuelles pendant 30 ans. Mais la série élargit le champ des responsabilités. En 2003, suite à un nouveau viol, la maire PCF d’une petite commune décide d’alerter la population locale, mais subit d’énormes pressions politiques. Sa commune devait remporter un projet de construction de zone industrielle – mais une histoire de viol, « ça fait tache ». La maire refusant d’interrompre son combat, les investisseurs s’en vont.

Au fil des épisodes, le profil assigné au violeur par l’enquête est celui d’un « loup solitaire », d’un marginal – sans doute un immigré. Les préjugés racistes, alimentés par l’extrême droite, pèsent de tout leur poids. Mais comme la plupart des violeurs, Dino Scala est quelqu’un de parfaitement « intégré ». Il entretient même des relations amicales avec les policiers du commissariat chargé de l’enquête. Lors d’une scène poignante, il fait lui-même remarquer aux policiers qu’il ressemble beaucoup au portrait-robot établi grâce au témoignage d’une victime. Les policiers en conviennent, mais se contentent d’en plaisanter : cet homme avec lequel ils boivent des verres et jouent au football, le week-end, est « hors de tout soupçon ».

En 2018, Dino Scala est identifié et arrêté grâce à l’acharnement d’un policier que la série élève au rang de « super flic », de façon un peu caricaturale. C’est peut-être l’un des seuls points faibles de cette très bonne série. Son réalisateur explique avoir voulu montrer la « lente évolution » du traitement des violences sexistes et sexuelles depuis les années 1980. Rappelons quand même, pour conclure, que cette évolution a seulement été possible grâce à la mobilisation des femmes et du mouvement ouvrier. Mais ce combat est encore loin d’être gagné. Aujourd’hui encore, à peine 1 % des plaintes pour viol ou agression sexuelle sont suivies d’un procès pénal aux assises.

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