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Cet article a été rédigé le 24 mai dernier, avant que le gouvernement ne décide « d’aller plus loin » que la « position commune » en matière de destruction des 35 heures.

Le 9 avril dernier, une « position commune » sur la « représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme » a été signée par la CFDT, la CGT et le MEDEF. Ce texte, qui doit servir de base à une loi concoctée par le gouvernement Fillon, modifie le cadre légal de l’activité syndicale dans plusieurs domaines.

Indépendamment du contenu précis de ce texte, nous considérons que la CGT et la CFDT n’auraient jamais dû le signer. En effet, l’objet même de ce texte est en contradiction complète avec le principe fondamental de l’indépendance syndicale à l’égard de l’Etat capitaliste. Il est inadmissible de reconnaître à nos adversaires de classe – Parisot, Bertrand, Sarkozy, etc. – le droit de dicter les « règles » de l’activité syndicale, qu’il s’agisse de son financement, de sa « représentativité » ou de toute autre chose. En effet, comment ne pas comprendre que, sous couvert d’offrir un cadre « légal » à l’activité des syndicats, les capitalistes s’efforceront toujours de limiter cette activité, de l’entraver, de favoriser les syndicats les plus conciliants au détriment des plus combatifs, etc. ?

Cette situation n’est pas nouvelle. La « position commune » signée le 9 avril dernier modifie des dispositions légales dont certaines datent du lendemain de la seconde guerre mondiale. A l’époque, l’objectif des capitalistes français était de constituer un contre-poids à la puissante CGT en accordant une reconnaissance « légale » à des syndicats beaucoup moins implantés et prétendument « indépendants » (comprenez : non-communistes).

Aujourd’hui, avec la loi qui doit faire suite à la « position commune » – saluée par Sarkozy comme une « grande avancée » –, le gouvernement va chercher à imposer de nouvelles contraintes légales aux luttes syndicales.

Nous ne pouvons pas, ici, entrer dans le détail de la « position commune » [1]. Ne relevons que quelques points. Aujourd’hui, cinq syndicats – CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC – sont considérés par l’Etat comme représentatifs. Cela signifie que ces organisations peuvent désigner dans toute entreprise un délégué syndical disposant de protection et d’heures de délégation. Cependant, il suffit qu’une seule de ces organisations signe un accord pour qu’il soit « légal ». Or, sous prétexte de mettre un terme à la « représentativité absolue » dont bénéficient les cinq confédérations syndicales, la « position commune » introduit toute une série de dispositions qui ne peuvent qu’entraver davantage l’activité syndicale.

La « position commune » prévoit que, désormais, un accord devra être signé par une ou plusieurs organisations pesant au moins 30% des voix aux élections professionnelles (Comité d’Entreprise ou, à défaut, délégué du personnel). A première vue, cela apparaît comme une avancée, puisque cela semble pouvoir mettre un terme à la situation où un seul syndicat ultra-minoritaire (et proche de la direction) peut signer des accords. Mais en réalité, cette disposition s’accompagne de toute une série de clauses vicieuses.

Pour être reconnue comme « représentative », une organisation syndicale devra recueillir 10% aux élections professionnelles. Cela signifie, de facto, que les syndicats ne recueillant pas les 10% seront écartés des négociations. Par ailleurs, les délégués syndicaux de ces organisations, jusqu’alors « protégés » par leur statut, ne le seront plus ! Dans de très nombreuses entreprises, en particulier les plus petites, le risque de ne pas atteindre les 10% – et, en conséquence, de perdre la protection attachée au statut de délégué syndical – aura pour effet de décourager l’implication syndicale des salariés.

En outre, les élections professionnelles sont très souvent l’objet de grandes manœuvres de la part des directions d’entreprise, qui font pression sur les salariés pour qu’ils votent « correctement », qui montent des syndicats « jaunes » ou « indépendants », etc. En conséquence, ce système ne peut que se retourner contre les syndicats les plus combatifs. Rappelons, enfin, que plus de 40% des salariés sont privés d’élections professionnelles – soit parce que leur entreprise compte moins de 10 salariés, soit parce qu’aucun syndicat n’y est implanté (pour les entreprises de 10 à 50 salariés). Autant pour la « représentativité » syndicale !

Mais ce n’est pas tout. Outre les 10% aux élections professionnelles, la « position commune » prévoit qu’un syndicat remplisse six autres critères pour être reconnu comme représentatif : effectifs et cotisations, transparence financière, indépendance, influence caractérisée par l’implantation et l’activité, ancienneté de deux ans, respect des valeurs républicaines. Disons les choses clairement : chacun de ces critères est une inacceptable ingérence de l’Etat dans les affaires syndicales.

Les effectifs et les cotisations des syndicats – tout comme leur implantation et leur activité – ne sont l’affaire ni des patrons, ni du gouvernement. Ou plutôt, ces derniers feront toujours ce qu’ils peuvent pour affaiblir les syndicats les plus militants et les plus contestataires, en renforçant si besoin est les effectifs et l’implantation des syndicats les plus conciliants.

Ancienneté de deux ans : pourquoi pas trois, quatre ou dix ans ? Qui a eu cette idée scélérate ? Parisot ? Chérèque ? Thibault ? On aimerait bien savoir !

Transparence financière ? Il faut beaucoup d’humour aux messieurs-dames de la « position commune » pour avancer ce critère au lendemain de l’affaire – promptement enterrée – des caisses noires de l’IUMM !

Indépendance… à l’égard de qui ? Des partis de gauche ? Des communistes ? De ceux qui ne respectent pas les « valeurs républicaines » – c’est-à-dire les valeurs de la république bourgeoise, comme par exemple le droit de licencier, d’exploiter, d’affamer, d’expulser ? Indépendance – certainement pas à l’égard de l’Etat capitaliste, en tout cas, puisqu’il s’agit de laisser à nos adversaires le droit de décider quels syndicats sont « représentatifs » !

La cerise sur le gâteau est contenue dans l’article 7 de la « position commune ». Aujourd’hui, si un accord local ou national peut améliorer la loi, il ne peut pas la dégrader. Elle constitue un « socle minimum ». Cependant, l’article 7 introduit l’idée – si chère à Madame Parisot – qu’un accord d’entreprise ou de branche pourrait se substituer à la loi. Pour que les choses soient claires, l’article 17 passe immédiatement à l’acte, puisqu’il prévoit que des accords de branche pourront être passés pour « dépasser le contingent conventionnel d’heures supplémentaires prévu par un accord (…) antérieur à la loi du 4 mai 2004 ». Qu’est-ce que cette clause rétrograde vient faire dans un texte sur la « représentativité syndicale » ? Rien, à priori. Mais le MEDEF ne rate jamais une bonne occasion de charger la mule !

Ce texte est inadmissible. En le signant, la direction confédérale de la CGT a gagné les compliments de Sarkozy et de Parisot, mais elle a donné le feu vert à une législation qui compliquera considérablement l’activité de ses militants, déjà en butte à toutes sortes de discriminations syndicales. Cependant, ce n’est pas seulement le sort des syndicalistes qui est en jeu : c’est celui de la classe ouvrière dans son ensemble, que les militants de la CGT, sur le terrain, s’efforcent de défendre. A la veille de nouvelles attaques contre les travailleurs, la droite et le MEDEF se félicitent de la « position commune » car ils y voient un affaiblissement opportun de leurs adversaires.

De nombreuses voix s’élèvent, dans les syndicats, pour que la CGT retire sa signature de la « position commune ». C’est indispensable !

[1Le syndicaliste Charles Hoareau, avec lequel nous ne sommes pas toujours d’accord, a fait une bonne analyse détaillée de la « position commune » dans son article Un coup de force pour un recul social .

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