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Le programme du front de gauche : L'humain d'abord

L’ interview que Jean-Luc Mélenchon a accordée à notre journal sera lue attentivement par les militants communistes, les militants du Parti de Gauche et tous ceux qui sont engagés dans la campagne autour de sa candidature. En plus de sa publication dans notre journal, elle a été envoyée aux 18 000 abonnés à notre liste de diffusion, pour la plupart des militants communistes, syndicaux ou associatifs. Elle mérite d’être portée à la connaissance du plus grand nombre, bien au-delà des milieux militants. Aussi demandons-nous à nos lecteurs de lui assurer la plus large diffusion possible.

Dans la première partie de l’interview, Jean-Luc Mélenchon répond de façon percutante à quelques-uns des leurres et subterfuges qui sont la marque de fabrique du « sarkozisme ». Il s’en prend notamment à la tentative de faire des « fraudeurs » au RSA et aux allocations familiales les boucs émissaires du capitalisme. Il fustige le slogan « travailler plus pour gagner plus ». Il expose également plusieurs mesures phares du programme du Front de Gauche, L’Humain d’abord. Entre ces propositions et le programme du Parti Socialiste, le contraste est saisissant. Ce que dit Mélenchon de la politique capitularde des dirigeants du PS – qui, à l’instar des politiques menées par Papandréou et Zapatero, serait « un désastre du point de vue des combats de gauche »– est tout à fait pertinent. De même a-t-il raison de souligner que les politiques d’austérité appliquées en Grèce et ailleurs ne font qu’aggraver la crise économique.

Révolution est d’accord sur bien des points avec L’Humain d’abord – et donc avec les arguments et propositions développés par Jean-Luc Mélenchon dans cette interview. Quant aux points de désaccord, ils ne nous empêchent pas, bien évidemment, de participer activement à la bataille électorale autour des propositions du Front de Gauche et du candidat qui les porte. L’Humain d’abord n’est pas un programme figé, établi une fois pour toutes. Il sera nécessairement enrichi et développé sur la base de l’expérience collective du mouvement qui le défend. Mélenchon n’ignore pas les divergences qui existent entre ses idées et celles de La Riposte. Mais il explique à la fin de l’interview qu’il est ouvert au dialogue et au débat. Nous avons la même attitude à son égard. La lutte des classes est aussi une lutte idéologique, une lutte qui se mène sur le plan de la théorie, des principes, des questions de programme et de stratégie. Elle ne peut parvenir à une conclusion victorieuse que sur la base d’un débat démocratique et fraternel.

Les banques et le socialisme

Ce n’est pas ici le lieu pour développer une analyse critique du programme du Front de Gauche ou de l’interview de Mélenchon. Nous soulignerons simplement les points qui nous paraissent les plus importants.

Premièrement, la réponse de Mélenchon sur la nationalisation du secteur bancaire n’est pas à la hauteur de notre objectif, qui est d’éliminer la puissance spéculative et le rôle parasitaire du système bancaire capitaliste. Le « pôle public bancaire » que défendL’Humain d’abord se limite à la mise en réseau des banques publiques (ou prétendument publiques). Il laisse entre les mains des capitalistes des banques aussi puissantes que BNP-Paribas ou la Société Générale. Mélenchon dit que ce pôle public « impactera » tout le système bancaire. Nous pensons au contraire que les banques capitalistes impacteront le pôle public. La majorité dictera ses termes à la minorité. Notons au passage que la Caisse des Dépôts, qui fait figure de pilier principal du futur « pôle public », est dirigée d’une façon tout à fait capitaliste. Les entreprises dont elle est actionnaire sont gérées d’une main de fer et avec un seul objectif : la rentabilité maximale. A notre avis, le Front de Gauche devrait défendre la nationalisation de toutesles banques, de toutes les compagnies d’assurance et tous les organismes de crédit. Une fois nationalisées, les banques devraient être consolidées en une seule banque nationale qui ne serait pas cotée en Bourse et ne participerait pas aux activités spéculatives des marchés financiers. De même, une seule société d’assurance nationale devrait couvrir tous les types d’assurances, de façon à mettre fin aux abus des sociétés capitalistes de ce secteur. Ces nationalisations devraient être réalisées sans indemniser les grands actionnaires.

Jean-Luc Mélenchon affirme que « nationaliser les bilans gorgés de titres pourris de toutes les banques ne nous avancerait pas. » Or les banques n’ont pas que des titres pourris, loin s’en faut. Malgré la crise, elles dégagent toujours des profits colossaux. Elles versent chaque année des milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. Si elles ne sont pas nationalisées, ce parasitisme se poursuivra – et le « pôle public » n’y changera rien. Quant aux « titres pourris » des banques privées, la nationalisation du secteur bancaire les passera par « pertes et profits ». Ce qui sera perdu d’un côté sera largement compensé de l’autre en n’indemnisant pas les grands actionnaires et en ne remboursant pas les capitalistes qui ont prêté de l’argent à l’Etat. Plus généralement, le capitalisme a engendré des « titres pourris » dans tous les domaines : économique, politique, social, moral, etc. C’est précisément pour cela que nous voulons le renverser !

Le deuxième point à relever concerne la question du socialisme. Mélenchon affirme que le programme du Front de Gauche est socialiste parce qu’il « fait du partage des richesses le levier principal de relance de l’activité utile ». Cette formulation ne peut pas nous satisfaire. Il y a nécessairement, sous le capitalisme, un partage des richesses entre les capitalistes et les travailleurs. C’est l’objet même de la lutte des classes. Le mouvement ouvrier s’efforce de défendre ou augmenter la part des richesses qui revient au salariat (qui les créé toutes). Mais à la différence du réformisme, le socialisme ne se limite pas à la lutte pour arracher des concessions sous le capitalisme. Il implique l’abolition de la propriété capitaliste des grands moyens de production, de distribution et d’échange. Nous touchons ici à la principale faiblesse du programme actuel du Front de Gauche. Il cherche à résister aux conséquences d’un système qu’il laisse intact, au fond, puisqu’il ne comprend pas de mesures d’expropriations suffisamment importantes pour arracher le pouvoir économique aux capitalistes. Or, tant qu’ils conserveront ce pouvoir, aucun des problèmes fondamentaux auxquels nous sommes confrontés ne pourra être résolu. Notre programme devrait tenir compte de cette réalité.

Malgré ces carences, la publication de L’Humain d’abord a été un grand pas en avant pour le mouvement communiste et l’ensemble du Front de Gauche. En prenant appui sur l’expérience collective des luttes et grâce à une discussion fraternelle et constructive, nous sommes confiants que ses défauts finiraient par être corrigés.

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