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La récession de l’économie américaine, que La Riposte avait anticipée depuis quelques années, est finalement sur le point de se réaliser. Les économistes américains sont convaincus, pour la plupart, que l’économie américaine est déjà en récession. L’effondrement du marché de l’immobilier n’a pas fini de produire ses effets. En plus des 200 milliards de pertes déjà enregistrées par les banques américaines, il y a encore 1100 milliards de créances immobilières « de mauvaise qualité » en circulation. Les établissements financiers subissent une crise de liquidités. En février, le plus gros établissement de crédit immobilier américain a presque cessé de prêter de l’argent. Inévitablement, cette crise du secteur bancaire s’est propagée à pratiquement tous les secteurs de l’économie, en raison de la raréfaction et du renchérissement du crédit pour les consommateurs et les entreprises. Les ventes d’automobiles, par exemple, sont à leur plus bas niveau depuis 1994.

La classe dirigeante américaine ne veut pas voir la réalité en face. C’est une caractéristique des classes en déclin que de se mentir à elles-mêmes au point de croire aux miracles. Au début de la crise des subprimes, la presse et les médias répandaient l’idée que « l’économie réelle » ne serait pas touchée. Mais comme l’économie réelle est manifestement touchée, ces mêmes médias expliquent désormais que pour mettre fin à une crise provoquée par le surendettement massif de l’Etat, des entreprises et des ménages, il faut… faciliter le crédit ! La Banque Centrale américaine (la Fed) baisse ses taux d’intérêt pour faciliter l’endettement et stimuler ainsi la demande intérieure. Ses taux directeurs ont baissé de 3% en quelques mois (de 5,25% à 2,25%), et son taux d’escompte – celui qui s’impose aux banques qui s’adressent à la Fed pour leurs besoins de financement – de 3,75%.

Ces expédients pourraient peut-être soulager l’économie à très court terme, comme une dose d’héroïne soulage un toxicomane. Mais ils ne feront qu’aggraver la situation par la suite. En plus de la baisse des taux d’intérêt, la Fed est intervenue à plusieurs niveaux pour essayer d’éviter le pire, à savoir le blocage général du crédit et une profonde récession. Elle a ouvert des crédits à des établissements non bancaires sur lesquels elle n’a aucune prise, injectant des liquidités massives dans l’économie. Elle est intervenue pour empêcher des faillites, par exemple celle de la banque d’investissement Bear Stearns. Plus de 40% des avoirs en bons du Trésor de la Fed ont été transformés en prêts – plus ou moins risqués par les temps qui courent – aux institutions financières. Mais le pouvoir d’intervention de la Fed a ses limites. Et ces limites ne sont pas très loin. Les taux d’intérêt ne peuvent baisser au-delà d’un certain point, et les interventions financières à répétition, plutôt que de rassurer les investisseurs capitalistes et les Banques Centrales étrangères – y compris celle de la Chine, dont l’Etat américain est lourdement dépendant – finissent par semer davantage de panique quant à la viabilité du dollar et de l’économie américaine.

Globalisation ou « découplage » ?

Mais la croyance aux miracles n’est pas limitée à la seule classe dirigeante américaine. Elle concerne également les capitalistes européens, et notamment les capitalistes français. Pendant de longues années, la perspective d’une récession aux Etats-Unis n’était pas prise au sérieux par les « économistes » préférés de la presse et de l’industrie audio-visuelle. Le monde était dans une phase de « croissance durable ». Mais à présent que la récession est une réalité, ils nous expliquent qu’elle ne touchera pas l’Europe – ou très peu –, et que de toute façon, pour citer l’inimitable Christine Lagarde, « l’économie française est plus solide et plus résistante que ses voisines européennes » ! Après nous avoir expliqué pendant des années que la globalisation liait étroitement toutes les économies du globe, les « économistes » découvrent soudainement la théorie du « découplage » des économies d’Europe et des Etats-Unis !

Dans les faits, les économies nationales d’Europe, et surtout celle de la France, ralentissement nettement. Le système bancaire européen est pris dans les mêmes contradictions que le système bancaire américain. La BCE injecte, par vagues successives, des dizaines de milliards d’euros dans le système bancaire européen, afin de renflouer les caisses des banques. Il est significatif que la demande des banques dépasse très largement les sommes mises à disposition par la BCE. Par exemple, à la veille du week-end de Pâques, la BCE a prêté 15 milliards d’euros à des banques. Or la demande des banques intéressées par cette opération s’élevait à 66 milliards d’euros. La BCE profite des difficultés des établissements bancaires – car ses prêts sont fortement rémunérés –, mais sa propre position serait, elle aussi, menacée par une aggravation de la crise financière en Europe. Si les banques ne trouvent pas les financements nécessaires, elles se mettront à vendre des actifs (actions, entreprises, immobilier, etc.), ce qui minera davantage le marché du crédit.

Même Christine Lagarde s’est résignée à revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour l’économie française. Jusqu’aux élections municipales, elle insistait sur une prévision de 2% à 2,5% pour 2008, alors que la croissance dépassera difficilement 1,7%. La stagnation de la production, l’effondrement de la balance du commerce extérieur (40 milliards de déficit en 2007), l’inflation galopante des produits alimentaires et de l’énergie – tous ces éléments signifient que le niveau de vie de la vaste majorité de la population poursuivra sa chute. Cette baisse du niveau de vie sera aggravée par la politique de « rigueur » mise en place par le gouvernement, dont l’objectif est de faire payer aux travailleurs, aux chômeurs et aux retraités les conséquences de la crise du capitalisme.

Dévaluation de l’euro : une fausse solution

Les organisations syndicales et les dirigeants du PCF plaident pour une réduction des taux d’intérêt de la BCE. En cela, ils font écho aux exigences de Sarkozy ! L’idée, c’est que la baisse des taux augmenterait le volume de crédit accordé par les banques aux ménages, aux entreprises et à l’Etat, ce qui donnerait une impulsion à la demande intérieure. La baisse des taux entraînerait de facto une dévaluation de la monnaie européenne, et ceci favoriserait la compétitivité des exportations françaises.

La direction de la BCE résiste à cette politique. Et elle a des arguments solides. Elle explique, à juste titre, que la baisse des taux et l’accroissement du crédit aggraveraient l’endettement. Dans la mesure où les emprunts doivent être remboursés ultérieurement, cette option ne ferait que retarder la crise, tout en augmentant son ampleur le moment venu, comme cela s’est produit aux Etats-Unis. Une baisse des taux tendrait également à aggraver l’inflation. Par ailleurs, les capitalistes et le gouvernement allemands s’opposent catégoriquement à une dévaluation de l’euro, car les échanges commerciaux de l’Allemagne sont largement excédentaires. Enfin, une dévaluation de l’euro augmenterait le prix des produits importés, ce qui rognerait davantage le pouvoir d’achat – et donc la demande intérieure. En somme, selon la BCE, la baisse des taux et la dévaluation de l’euro sont de fausses solutions à un vrai problème. Elle a raison sur ce point.

Il en découle que, quels que soient les taux d’intérêt en vigueur, et quelles que soient les valeurs relatives des grandes monnaies internationales, les économies européennes se dirigent vers une crise majeure. Même pendant les années de croissance du PIB, les conditions de vie de la majorité des travailleurs se sont dégradées. Désormais que cette croissance s’essouffle, leur situation ira de mal en pis. C’est une crise du système capitaliste, qui exige, de la part des partis de gauche – à commencer par le PCF – une politique et un programme d’action dont le but central est de mettre fin à ce système.

Il faut dire la vérité à notre classe, en France et à travers l’Europe. Tant que les banques et les grands groupes industriels sont sous le contrôle des capitalistes, il ne sera pas possible de sortir de la crise. L’expropriation des capitalistes, la propriété publique des moyens de production et le contrôle démocratique, par les travailleurs eux-mêmes, de l’ensemble des processus de production et d’échange, doivent être remis au cœur du programme du PCF. Sur cette base, et uniquement sur cette base, le parti pourrait réaliser sa mission historique.

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