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Image : Le Kremlin

Routes coupées, villages abandonnés par leurs habitants : depuis fin décembre, la Centrafrique est plongée dans ce que les grands médias appellent un « accès de violence », comme s’il s’agissait d’une pathologie sociale typiquement africaine. En réalité, le pays et ses habitants sont pris au piège de rivalités entre grandes puissances impérialistes.

De « Sangaris » à « Wagner »

La crise que connaît actuellement la République centrafricaine remonte à 2013, lors de l’offensive de la Seleka – une rébellion soutenue par le Tchad voisin – contre le régime de l’ex-président François Bozizé. Ce dernier était un protégé de la France depuis 2003. Mais en signant des contrats pétroliers avec des entreprises chinoises au détriment de la firme française Total, à partir de 2007, Bozizé a signé la fin de son régime. Aussi, en 2013, les troupes françaises sont intervenues pour arrêter la Seleka, mais en exigeant dans le même temps le départ de Bozizé. Trois ans après cette opération (dite « Sangaris ») et de nouveaux accords favorables à Total, les troupes françaises se sont retirées du pays.

Officiellement, cette opération fut un succès. Mais en réalité, rien n’est réglé. Des seigneurs de guerre de la Seleka tiennent le nord du pays et maintiennent une pression permanente sur le régime du nouveau président, Faustin-Archange Touadera. Celui-ci se tourne vers le Rwanda, vieil ennemi de la France en Afrique centrale, et surtout vers la Russie. Moscou lui envoie des instructeurs et des mercenaires de la société militaire privée Wagner, qui s’est déjà illustrée en Syrie et en Libye. Paris voit donc l’une de ses plus anciennes positions, en Afrique centrale, échapper à son contrôle.

Une nouvelle alliance rebelle

L’élection présidentielle de décembre 2020 fut le prétexte d’une offensive contre le régime de Touadera. Depuis son exil au Cameroun, François Bozizé espérait présenter sa candidature. Mais celle-ci a été refusée, car l’ancien dictateur est sous le coup d’un mandat d’arrêt pour « crimes contre l’humanité ». En réponse, Bozizé a organisé une alliance de milices pour essayer de renverser Touadera par la force : la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC).

La CPC est passée à l’offensive une semaine avant l’élection présidentielle. Cependant, Touadera a appelé à l’aide la Russie et le Rwanda. Moscou a envoyé des centaines de combattants de Wagner, mais aussi des blindés et des hélicoptères de combat, tandis que de nombreux soldats rwandais ont débarqué à Bangui, la capitale. Fort de cet appui, les troupes gouvernementales ont repoussé l’offensive rebelle. Touadera a pu se proclamer vainqueur d’une élection présidentielle qui s’est tenue sous les obus.

Le déclin de la Françafrique

Fin décembre, alors que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, rendait visite au dictateur tchadien Idriss Deby, des centaines de combattants tchadiens sont venus renforcer les rangs des milices de Bozizé. L’un d’entre eux a été capturé et exhibé à la télévision par le gouvernement de Touadera. Entre l’exil camerounais de Bozizé et le soutien tchadien, l’offensive du CPC rebelle a décidément tout d’une opération de la « Françafrique ».

Que recherchait Paris à travers cette opération hasardeuse ? Remettre Bozizé au pouvoir ? Peut-être, mais surtout – et plus probablement – montrer que l’impérialisme français pouvait encore intervenir à sa guise en Centrafrique et faire pression sur Touadera pour l’éloigner de ses « protecteurs » russes et rwandais.

L’échec de toute l’opération rend encore plus criant l’affaiblissement de Paris dans la région. Des puissances régionales, comme le Rwanda, ou des puissances impérialistes, comme la Russie, viennent disputer les positions de l’impérialisme français. Embourbée militairement au Mali et en déclin sur le marché mondial, la France ne parvient plus à conserver le contrôle de toutes ses ex-colonies.

Quel avenir pour la Centrafrique ?

La victoire des troupes de Touadera marque-t-elle la fin de la guerre ? Certainement pas. A l’heure où nous écrivons ces lignes, des rapports signalent l’arrivée de nouveaux combattants en provenance du Tchad, qui viennent renforcer la CPC. Ni Bozizé, ni son parrain tchadien n’ont intérêt à jeter l’éponge. Quant aux impérialismes russe et français, ils vont continuer à soutenir leurs relais locaux respectifs pour consolider leurs positions ou tenter de les reconquérir.

De son côté, l’ONU valide la fiction d’une élection « légitime » en pleine guerre civile, et ne propose comme solution qu’un « partage du pouvoir ». Ce leitmotiv des « plans de paix » onusiens consiste en fait à accorder un fauteuil de ministre à n’importe quel seigneur de guerre qui réussit à monter une rébellion viable – en échange de sa promesse de s’en contenter.

Qu’il soit russe, français ou onusien, l’impérialisme ne peut rien apporter de positif au peuple centrafricain. Il ne sait que piller les ressources, contrôler des marchés, imposer des dictateurs et écraser les populations sous le fardeau de la dette. Une véritable paix ne sera possible qu’en libérant la Centrafrique de tous ses « protecteurs » impérialistes et capitalistes.

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