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Les élections européennes se tiendront le 26 mai, en France, dans un contexte social explosif. Le mouvement des gilets jaunes aura un profond impact sur la campagne électorale. Les revendications que ce mouvement a fait émerger, ces quatre derniers mois, s’imposeront dans les débats. Tous les partis en lice devront au moins faire semblant d’en tenir compte. Cela dit, il n’est pas certain que cela suffise pour passionner les électeurs, dont la majorité considère, à juste titre, que l’UE n’est pas une solution à leurs problèmes. Aux élections européennes de 2014, l’abstention avait atteint 59 % des inscrits.

Le parti de Macron (LREM) espère que l’abstention sera très élevée, le 26 mai, car les abstentionnistes seront plus nombreux dans les couches les plus pauvres et exploitées de la population, c’est-à-dire parmi les électeurs qui sont les plus hostiles à la politique du gouvernement. Macron table donc sur une victoire par défaut. Est-ce inévitable ? Non. Une alternative de gauche radicale à l’UE susciterait beaucoup d’enthousiasme dans la masse de la population.

Qu’est-ce que l’UE ?

Il faut commencer par définir correctement l’UE, en partant d’un point de vue de classe. L’UE n’a rien à voir avec les grands principes sur lesquels elle prétend se fonder : « la paix », « la démocratie », « l’union des peuples », etc. Ces principes servent à masquer la véritable nature de l’UE, qui est entièrement subordonnée aux intérêts du grand Capital européen, c’est-à-dire des banques et des multinationales européennes (surtout allemandes et françaises). « Tout le reste n’est que littérature », comme l’ont appris les travailleurs grecs, en juillet 2015, lorsque la troïka (UE, BCE et FMI) a exigé d’eux – sous la menace d’une expulsion de l’UE – qu’ils renoncent à leurs revendications sociales et acceptent de subir de nouveaux plans d’austérité. Autant pour « la démocratie » et « l’union des peuples » européens !

Quant au prétendu pacifisme de l’UE, c’est une mauvaise plaisanterie : ces dernières décennies, la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne et l’Italie – entre autres – ont directement participé à de nombreuses interventions impérialistes en Afrique et au Moyen-Orient.

Historiquement, l’UE s’est constituée après la Seconde Guerre mondiale dans le but de peser, économiquement et politiquement, face aux géants américain, russe, puis japonais. D’emblée, il s’agissait d’une alliance entre les bourgeoisies allemande et française pour défendre leurs parts de marché. Autrement dit, l’UE s’est constituée, puis s’est élargie, conformément aux intérêts exclusifs des grands capitalistes européens. Elle n’a donc rien de progressiste.

La désintégration européenne

Lénine expliquait que l’unification de l’Europe sur la base du capitalisme est une « utopie réactionnaire ». Une utopie car c’est impossible, compte tenu de la rivalité entre les bourgeoisies européennes – et une utopie réactionnaire car la tentative d’y parvenir quand même ne peut se réaliser qu’au détriment des travailleurs du continent.

Le caractère réactionnaire de l’intégration européenne est apparu à de nombreuses reprises, et notamment dans les différents « traités européens » qui préconisent une stricte austérité budgétaire, les privatisations et la casse des services publics. Sur ce point, l’exactitude de la formule de Lénine est claire. Cependant, pendant toute une période, cette formule a pu paraître erronée en ce qui concerne l’impossibilité d’unifier l’Europe sur la base du capitalisme. Pendant des décennies, en effet, l’intégration européenne n’a cessé d’avancer, comme en ont témoigné l’adoption de la monnaie unique et l’élargissement de l’UE à 27 pays.

Mais en réalité, les succès de l’intégration européenne reposaient sur une longue phase de croissance économique, laquelle permettait aux rivalités nationales de passer au second plan. Et comme nous l’expliquions à l’époque, ces mêmes rivalités nationales devaient nécessairement ressurgir à l’occasion d’une grave crise économique. C’est exactement ce qui s’est produit. La crise de 2008 a marqué le début d’un processus de désintégration européenne. Le Brexit en est un exemple. Les conflits suscités par la crise migratoire – et la suspension de facto des accords de Schengen – en sont un autre. La crise du capitalisme européen renforce sans cesse les tendances centrifuges au sein de l’UE. Une nouvelle récession mondiale pourrait même aboutir à sa dislocation, au milieu des récriminations mutuelles.

Pour une Europe socialiste !

Est-ce à dire que nous, marxistes, sommes opposés à l’unification du continent européen ? Absolument pas. Nous sommes pour l’unité de l’Europe, mais sur la seule base à la fois possible et progressiste – sur la base du socialisme. Le préalable à une authentique unification économique et politique de l’Europe, c’est la rupture avec le capitalisme. Cette position nous distingue non seulement de la droite, bien sûr, mais aussi des principales organisations de la gauche française.

LREM et Les Républicains défendent l’UE parce qu’ils défendent les intérêts de la bourgeoisie française, qui a bénéficié et bénéficie toujours énormément de l’UE (malgré les problèmes que lui pose la domination allemande). Quant au RN de Marine Le Pen, plus il se rapproche du pouvoir, plus il veut complaire à la bourgeoisie française – et plus il abandonne sa démagogie anti-UE. Ainsi, Marine Le Pen renvoie la « sortie de la zone euro » aux calendes grecques, désormais, après en avoir longtemps fait une « mesure d’urgence ».

A gauche, la plus grande confusion règne, hélas. Pendant de longues années, le PS et le PCF ont défendu la perspective d’une « Europe sociale »… sur la base du capitalisme. C’est toujours leur position. Certes, le PCF critique l’UE de façon bien plus sévère que ne le fait le PS, lequel a soutenu tous les traités européens (que le PCF a combattus). Mais ici s’arrête, au fond, la divergence entre le PS et le PCF. Ni l’un ni l’autre ne défend la nécessité de rompre avec le capitalisme européen. Même si le programme du PCF, en surface, est plus radical que celui du PS, il se réduit au projet de « réformer l’UE » pour soumettre ses institutions aux intérêts des peuples. C’est aussi absurde que le serait le projet de « réformer le Medef » au profit des travailleurs.

Le mouvement de Benoît Hamon (Générations) défend une position proche de celle du PCF. Quant à la France insoumise, elle tente de développer une position plus solide que celle du PCF et de Générations – mais sans vraiment y parvenir, à notre avis. Nous y reviendrons en détail dans le prochain numéro de Révolution. Ici, soulignons seulement que Mélenchon accorde trop d’importance aux traités européens, dans son argumentation et son programme. « Toutes nos misères écologiques et sociales ont leur origine dans le contenu de ces traités », expliquait-il dans Libération, le 10 mars dernier. Conclusion de Mélenchon : il faut soit arracher une « renégociation des traités » (plan A) soit, à défaut, « sortir des traités » (plan B). Problème : le plan A (la position du PCF, au fond) est illusoire. Quant au plan B, il laisse ouverte la question : sur quelle base économique et sociale faut-il « sortir des traités » ? Car une « sortie des traités » sur la base du capitalisme ne règlera rien aux problèmes des travailleurs de notre pays – tout comme un « frexit », d’ailleurs. Pour être plus claire et plus offensive, la campagne de la FI devrait donc partir de cette idée simple, mais indiscutable : il n’y aura pas de solution aux problèmes des travailleurs sur la base du capitalisme, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’UE.

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