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Chaque année, en France, des dizaines de personnes sont tuées par la police. Des milliers d’autres sont victimes de coups, de harcèlement ou d’injures racistes. Le meurtre de Nahel, fin juin, était le meurtre « de trop » : il a fait éclater une colère accumulée pendant des années de violences policières, de chômage, de pauvreté et de discriminations en tous genres.

Face aux émeutes, la classe dirigeante et le gouvernement ont été pris de panique. Ils redoutaient que cette explosion de colère entre en résonance avec celle de l’ensemble de la jeunesse et du mouvement ouvrier. Un tel scénario aurait pu se concrétiser, dans la rue, si les dirigeants de la gauche et du mouvement syndical avaient tenté de mobiliser notre classe contre les violences policières et l’ensemble de la politique gouvernementale.

Contradictions

Malheureusement, il n’en a rien été. Le gouvernement a pu reprendre l’initiative. Tout en réprimant les émeutes, il a fait arrêter le meurtrier de Nahel, puis un autre policier accusé d’avoir roué de coups un passant à Marseille. Macron espérait sauver les apparences – et tourner cette page au plus vite.

Cependant, un nouveau problème est alors apparu : des syndicats de policiers ont organisé une fronde pour protester contre l’arrestation du policier de Marseille. Ils ont réclamé de facto un permis de tuer. Le gouvernement a dû jouer les équilibristes : pendant que Dupont-Moretti défendait le principe de la mise en détention de policiers, Gérald Darmanin apportait son soutien à la fronde de la police.

Cette contradiction interne au gouvernement en reflétait une autre, plus profonde. D’un côté, le gouvernement a besoin de ses « hommes en armes » pour faire face aux mobilisations des travailleurs. Il doit pouvoir compter sur ses policiers et leur laisser la bride sur le cou, dans une certaine mesure. Mais d’un autre côté, les violences policières risquent de provoquer, à terme, une explosion sociale générale qui pourrait balayer le gouvernement et menacer le régime capitaliste. S’il ne veut pas risquer de tout perdre, le gouvernement doit donc donner l’impression qu’il tient la police fermement sous contrôle et réprime ses « excès ».

Ainsi, contrairement à ce que divers dirigeants de gauche ont affirmé, nous n’avons pas assisté, en juillet, aux premiers pas vers l’instauration d’une dictature policière. Ce scénario fait sans doute rêver beaucoup de dirigeants de syndicats policiers, mais il reste bien trop risqué du point de vue de la bourgeoisie. La classe ouvrière est loin d’avoir épuisé ses forces. A ce stade, la tentative d’instaurer un régime dictatorial provoquerait une réaction massive de millions de jeunes et de travailleurs, ce qui mettrait en péril tout l’édifice vermoulu de l’ordre bourgeois.

« Réformer » la police ?

Reste que les violences policières sont une question de première importance pour le mouvement ouvrier. Non seulement les agressions et les meurtres commis par des policiers sont l’une des conséquences de la campagne raciste que la bourgeoisie utilise pour diviser les travailleurs, mais l’intensification de la lutte des classes rend inévitable un accroissement de la répression. Le mouvement ouvrier doit donc se mobiliser contre les violences policières.

De ce point de vue, la manifestation du 23 septembre est un pas dans la bonne direction. Mais il faut aller plus loin. Il faut commencer par rompre avec tous ceux qui, à « gauche », font le jeu de la réaction et des violences policières. Les organisations du mouvement ouvrier doivent condamner fermement les lamentables déclarations d’un Olivier Faure ou d’un Fabien Roussel sur ce thème. En soutenant la répression policière des banlieues, ils aident la bourgeoisie à diviser la classe ouvrière.

Le mouvement ouvrier doit aussi clarifier sa position sur la nature et le rôle de la police. Nombre de dirigeants réformistes condamnent les violences policières, mais se contentent de prôner une réforme de la police. Par exemple, Mélenchon affirme qu’il faut « rétablir l’ordre républicain dans la police ». Le programme de la France insoumise (FI) défend « une police républicaine, sous le contrôle du peuple et dans le respect des règles communes ».

Sur ce thème, la plupart des mesures concrètes avancées par la FI sont parfaitement justifiées, comme par exemple la dissolution des BAC et des BRAV-M. Mais l’idée qu’on pourrait « réformer » en profondeur la police bourgeoise est désespérément abstraite, car elle ignore complètement le rôle et la nature de cette institution dans une société de classe.

Pour défendre son pouvoir, la minorité exploiteuse qu’est la grande bourgeoisie a besoin d’un organe de répression spécial contre les mobilisations de la majorité exploitée. C’est le rôle que remplit l’Etat bourgeois, dont la police est l’une des composantes essentielles. Tant que la bourgeoisie contrôlera les grands leviers de l’économie, elle aura besoin d’une police déterminée à défendre – par la violence – sa domination de classe. En régime capitaliste, les violences policières ne sont donc pas une déviation de la norme : elles sont la norme. Pour y mettre un terme, les travailleurs devront arracher le pouvoir à la bourgeoisie.

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