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Classiques du marxisme

Nous avons le plaisir d’annoncer la publication du volume 1 des Classiques du marxisme. Comme son nom l’indique, cette collection réunit des textes fondamentaux – articles ou livres – de la littérature marxiste. Le volume 1 comprend : Le Manifeste du Parti Communiste (Marx et Engels), Principes du Communisme (Engels), un article d’Engels en deux parties intitulé Sur le Capital de Marx (qui résume la théorie de la plus-value) et enfin Socialisme utopique et socialisme scientifique (Engels).

Le livre comprend aussi une préface qui souligne la pertinence et l’actualité des idées du marxisme, de nos jours. Nous la publions ci-dessous.

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Préface

Le système capitaliste traverse sans doute la plus grave crise de toute son histoire. Depuis le crash financier de 2008, les grandes puissances industrielles oscillent entre récession et faible croissance. L’Europe est embourbée dans la stagnation. Les économies « émergentes » ralentissent – ou chutent – les unes après les autres. Non seulement les Etats-Unis ne jouent plus leur rôle de moteur de la croissance mondiale, mais ils subissent les effets dépressifs du marasme international. Les économistes bourgeois les plus sérieux pensent que la crise est loin d’être terminée.

Avant le crash de 2008, lorsque l’orgie spéculative battait son plein, les économistes officiels accompagnaient ces festivités de chants quotidiens à la gloire du « libre marché ». Leur réveil fut douloureux, comme au lendemain d’une soirée beaucoup trop arrosée. Opérant alors un virage de 180°, certains se renièrent publiquement et déclarèrent, la mort dans l’âme : « Marx avait raison ». George Magnus, consultant pour la banque suisse UBS, publia un article intitulé : Donnez à Marx une chance de sauver l’économie mondiale. Un autre économiste célèbre, Nouriel Roubini, expliqua que « Marx avait vu juste », précisant : « nous pensions que les marchés fonctionnaient. Or ils ne fonctionnent pas ». Enfin, le prix Nobel d’économie Paul Krugman déclarait en 2009 : « ces 30 dernières années, les développements de la théorie macro-économique ont été, au mieux, spectaculairement inutiles, au pire, directement nuisibles ».

Seuls les marxistes avaient anticipé cette crise. Au cours des années qui l’ont précédée, la Tendance Marxiste Internationale (TMI), dont Révolution est la section française, a publié de nombreux articles et documents sur ce thème. En juin 2007, par exemple, notre camarade Alan Woods écrivait : « Comme toutes les autres phases de croissance de l’histoire du capitalisme, celle-ci se terminera par une crise. La seule chose que l’on ignore, c’est si elle commencera en Chine, affectant ensuite l’économie américaine, ou si ce sera l’inverse. Dans les deux cas, la prédominance du marché mondial produira ses effets. Les capitalistes seront forcés de constater que, contrairement à ce qu’ils s’imaginent, le marché mondial ne règle pas tous leurs problèmes. Tous les facteurs qui ont stimulé l’économie, ces dix dernières années, la précipiteront dans la récession. La mondialisation se manifestera comme une crise mondiale du capitalisme. »

L’impact de la crise

Pendant des décennies, les politiciens bourgeois et les grands médias ont insisté sur la nécessité d’en finir avec « l’intervention de l’Etat » dans la vie économique. Libres de toute interférence extérieure, les lois du  marché accompliraient des merveilles : l’enrichissement des plus riches finirait par « ruisseler » jusqu’aux plus pauvres, qui en attendant devaient se serrer davantage la ceinture. Il fallait tout privatiser, tout livrer aux marchés (y compris la santé et l’éducation publiques) et réduire massivement la taxation du capital.

A partir de l’automne 2008, le sauvetage des banques a éclairé ces théories d’un jour nouveau. Les mêmes qui dénonçaient l’intervention des Etats dans l’économie se sont tournés vers les gouvernements pour leur réclamer des milliards d’euros. Et les gouvernements – de droite, comme de « gauche » – ont immédiatement puisé dans les finances publiques pour renflouer les banques et permettre aux banquiers de maintenir leurs bonus indécents. On a assisté à une intervention massive des Etats – à la demande et dans l’intérêt des capitalistes.

En conséquence, le problème de solvabilité a été transféré des banques vers les Etats, dont les dettes publiques ont atteint des niveaux insoutenables. L’Islande, la Grèce, l’Irlande et le Portugal ont été placés au bord de la faillite. La dette publique de l’Espagne a bondi de 40 % du PIB en 2008 à 94 % du PIB en 2013 ; celle de l’Italie de 106 à 132 % du PIB, sur la même période. Partout, l’addition a été présentée aux travailleurs, aux chômeurs et aux retraités sous la forme de plans d’austérité. Dans le cas de la Grèce, les coupes budgétaires et les contre-réformes ont été d’une extrême brutalité, provoquant une polarisation politique rapide, l’effondrement du PASOK (qui a engagé les premiers plans d’austérité) et l’émergence de Syriza.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, la situation en Grèce concentre l’attention des jeunes et des travailleurs d’Europe – et au-delà. Mais partout les mêmes causes produisent ou produiront les mêmes effets. La crise mondiale du capitalisme a déclenché une vague révolutionnaire qui affecte un pays après l’autre. Aux explosions révolutionnaires en Tunisie et en Egypte a succédé le mouvement de masse au Wisconsin (Etats-Unis), où les manifestants criaient : « nous sommes tous des Egyptiens ! ». Puis la Turquie, le Brésil et le Burkina Fasso ont été secoués par de puissantes explosions sociales. En Europe, il y a eu une vague de grèves générales et de manifestations de masse en France (automne 2010), en Espagne, au Portugal, en Italie et en Grèce. Fin 2014, la Belgique a connu la plus grande grève générale de 24 heures de son histoire.

La direction du mouvement

Dans le Programme de transition (1938), le révolutionnaire russe Léon Trotsky écrivait : « La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire. » Cela résume parfaitement la situation actuelle. Toutes les conditions objectives de la révolution socialiste sont réunies. Les masses passent à l’action dans de nombreux pays. Mais le facteur subjectif, la direction du mouvement, n’est absolument pas à la hauteur de la situation. Les organisations créées par les travailleurs pour changer la société se sont transformées en d’énormes obstacles sur la voie de la révolution.

Le gouvernement « socialiste » de François Hollande place tout le poids de la crise sur les épaules de la grande majorité de la population. Sa politique obéit à un seul et unique objectif : sauvegarder les marges de profits des 200 familles qui contrôlent l’économie du pays. En conséquence, le Parti Socialiste est complètement discrédité. Son « aile gauche » – dont les fameux « frondeurs » – se contente de réclamer au gouvernement un peu moins d’austérité. Quant aux dirigeants du Front de Gauche et des syndicats ouvriers, ils protestent contre la politique menée par le gouvernement, mais leurs idées et leurs programmes ne reflètent pas l’énorme colère qui s’accumule dans la société. Aucun ne défend un programme de rupture avec le capitalisme.

En France comme ailleurs, les dirigeants officiels du mouvement ouvrier vivent dans le passé. Ils portent encore les stigmates idéologiques de la vague de propagande réactionnaire qui a suivi l’effondrement des dictatures staliniennes d’URSS et d’Europe de l’Est, au début des années 90. La bourgeoisie mondiale et ses intellectuels proclamaient alors la mort du communisme, du socialisme et du marxisme. A l’époque, les dirigeants du mouvement ouvrier – y compris les sommets du PCF et de la CGT – se sont publiquement réconciliés avec le système capitaliste. Robert Hue déclarait que les privatisations « ne sont plus un tabou » pour la direction du PCF. Il s’agissait désormais de construire une « économie sociale de marché », voire une « économie de marché à dominante sociale ».

Vingt ans plus tard, ces formules creuses ne sont plus très en vogue. Mais malheureusement, elles ont été remplacées par d’autres formules tout aussi creuses. Les directions des grandes organisations de gauche n’ont toujours pas rompu avec l’« économie de marché », malgré sa crise inouïe et ses conséquences sociales désastreuses. Ironie de l’histoire : à l’heure où le réactionnaire Nouriel Roubini écrit que « Marx avait raison » – sans bien sûr en tirer de conclusions révolutionnaires –, les dirigeants du Front de Gauche et de la CGT se montrent beaucoup plus réservés : « Marx ? On y trouve des idées intéressantes, certes, mais un peu vieilles. Le monde a beaucoup changé, depuis ! Il faut donc inventer de nouvelles idées », etc.

Le marxisme n’est pas un dogme. C’est avant tout une méthode scientifique. Et s’il est vrai que le monde a beaucoup changé depuis l’époque de Marx, cela ne signifie pas que ces changements invalident les idées du socialisme scientifique. En l’occurrence, c’est tout le contraire. Quiconque prend la peine d’ouvrir le Manifeste du Parti Communiste, publié dans ce volume, sera frappé par son extraordinaire modernité. Dans la mesure où la méthode scientifique de Marx lui a permis de découvrir les lois du développement du système capitaliste, la société que décrit le Manifeste correspond beaucoup plus au monde contemporain qu’à celui de la moitié du XIXe siècle. Mondialisation de l’économie, développement massif du salariat, concentration toujours plus grande du capital, accroissement des inégalités, crises de surproduction de plus en plus dévastatrices : ces caractéristiques de la société contemporaine – et d’autres encore – sont exposées dans le Manifeste avec une extraordinaire clarté. « Le monde a changé », oui, d’une façon que Marx avait génialement anticipée.

Renouer avec le marxisme

Marx a écrit le Manifeste fin 1847 et début 1848, à la demande de la « Ligue des communistes », une organisation révolutionnaire et internationaliste dont il était membre. Il s’inspira notamment des Principes du Communisme – publiés dans ce volume – que son ami et collaborateur Engels avait rédigés en réponse à la même commande. Nous publions également un article d’Engels en deux parties, Sur le Capital de Marx, qui résume l’une des plus grandes conquêtes scientifiques de Marx dans le domaine de l’économie : sa théorie de la « plus-value ». Enfin, Socialisme utopique et socialisme scientifique est une brochure composée par Engels à partir d’extraits d’un de ses chefs-d’œuvre, l’Anti-Dühring (1878). Elle comprend, entre autres, une présentation très claire de la philosophie marxiste. Ainsi, l’ensemble des écrits publiés dans ce volume offre au lecteur une première approche des trois grandes composantes du marxisme : la philosophie (matérialisme dialectique), la conception marxiste de l’histoire (matérialisme historique) et l’économie politique.

Marx disait : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières ; ce qui importe c’est de le transformer ». Le marxisme n’est pas seulement une méthode scientifique permettant de comprendre le monde qui nous entoure. C’est aussi – et indissociablement – un « guide pour l’action », un outil indispensable pour intervenir dans le processus historique et en déterminer le cours. En abandonnant les idées et le programme du marxisme, les dirigeants officiels du mouvement ouvrier ont désarmé les travailleurs. Pour vaincre, le mouvement ouvrier devra renouer avec le marxisme. D’ores et déjà, la crise pousse un nombre croissant de jeunes et de salariés à chercher une alternative au système capitaliste. C’est pour eux que nous publions ce volume, en espérant que la force et la brûlante actualité de ces idées les convaincront de s’engager dans la lutte pour la transformation révolutionnaire de la société.

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