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Les attaques contre la santé publique se poursuivent. Le gouvernement a récemment annoncé une réforme du secteur de la psychiatrie. D’après la CGT, elle « ne vise qu’à privilégier la rentabilité financière au détriment de la qualité des soins ». Le texte gouvernemental prévoit de créer une « communauté hospitalière de territoire parisien pour la psychiatrie », afin de regrouper des services et supprimer des postes.

Entretien avec Bernard Bruant, infirmier de secteur psychiatrique et secrétaire de la CGT à l’hôpital Sainte-Anne.

En quoi consiste la « communauté hospitalière de territoire parisien pour la psychiatrie » ?

Bernard Bruant : Une « convention constitutive » décrit la mise en place de cette communauté hospitalière. C’est un prolongement de la loi Patient-Santé-Territoire (dite loi Bachelot) signée il y a environ un an. La loi Bachelot a été fortement contestée par les syndicats et les partis de gauche, à l’époque. Cette convention n’est que la déclinaison de cette loi dans le secteur de la psychiatrie.

Cette « communauté hospitalière », à Paris, est constituée de trois grands hôpitaux psychiatriques (Sainte-Anne, Maison Blanche et Perray-Vauclus), de l’hôpital d’Esquirol et de l’association ASM13. L’objectif est de regrouper les services pour faire des économies, sans tenir compte de la réalité du travail.

Par exemple, le service des tutelles de Sainte-Anne, qui s’occupe au quotidien de gérer l’argent des patients, va être transféré à Belleville pour être regroupé avec celui de Maison Blanche. Avant, à Sainte-Anne, une quinzaine d’employés s’occupaient de 5 à 600 patients. Il y avait un vrai lien entre le patient et son tuteur. Maintenant, ils vont avoir à faire à des gestionnaires qui ne les connaitront pas. En conséquence, beaucoup de nos patients y renonceront.

Quel est l’objectif de cette réforme ?

Bernard Bruant : Clairement, il s’agit de faire des économies en supprimant du personnel. Ils ont déjà commencé. En deux ans, ils ont regroupé 32 centres hospitaliers en 8 groupes avec, évidemment, la fermeture de certains sites. Il n’y a plus d’embauche dans les hôpitaux sous le statut de la fonction publique. Il y a de moins en moins de personnel ouvrier, du fait du non-renouvellement des départs à la retraite. Le but avoué est la suppression de 4000 postes en deux ans. Après l’Assistance Publique, ils s’attaquent aux hôpitaux psychiatriques.

L’article 4 de la convention affirme qu’il n’y aura pas de suppression de personnels. Mais l’article 14 précise que, lorsque les médecins auront présenté un projet médical commun, les établissements « s’engagent à modifier la convention initiale » et « envisager des délégations ou transferts d’activité ». Ils pourront donc supprimer du personnel sans problème, au moyen d’avenants à la convention !

Quel sera l’impact de ces mesures ?

Bernard Bruant : Les conditions de travail – mais surtout, ce qui va de pair, la qualité des soins – risquent de se dégrader. Nous sommes déjà dans une logique de gestion. Aujourd’hui, on passe autant de temps avec les malades que sur des ordinateurs, pour acter ce qu’on vient de faire. En psychiatrie, notre référence, c’est le temps, l’écoute, la présence... Tout ça ne rentre pas dans les logiciels ! On nous demande de plus en plus avec de moins en moins de personnel. Tous les salariés ont fait beaucoup d’efforts, pendant des années. Mais ils n’en peuvent plus.

Dernièrement, sous prétexte de reconnaître, enfin, nos 3 ans d’études après le Bac, les infirmiers viennent de perdre 7 ans de retraite ! Et les salaires sont trop bas. Sur Paris, de nombreux infirmiers sont obligés de cumuler deux emplois.

A force de tout regrouper, ils surchargent les services. Avant, dans les Centres Médico-psychologique (CMP), les consultations duraient 20 minutes. Aujourd’hui, ils enchaînent parfois 15 consultations en une heure. Il y a des CMP où 15 infirmiers s’occupent de 2 à 3000 patients ! Le rythme des visites à domicile est passé de une toutes les deux semaines à une tous les deux à trois mois.

Il faut comprendre la particularité de la psychiatrie française. L’idée de la psychiatrie de secteur, qui régit les soins psychiatriques depuis 1960, était de mettre en place une continuité dans le soin autour d’un maillage géographique. Il s’agit d’un travail continu de prévention, de soin et de suivi, à travers les hôpitaux et tout un réseau de petites structures locales. Les dernières réformes détruisent 50 ans de travail !

Aujourd’hui, le temps d’hospitalisation a beaucoup diminué. Les patients qui ont des pathologies lourdes sont de moins en moins pris en charge, à Paris. Ils sont envoyés en province ou en Belgique. L’hôpital devient un centre de gestion de crise où les patients restent au maximum deux ou trois semaines.

Les syndicats ont-ils été consultés ?

Bernard Bruant : Non. Les textes nous ont été présentés en janvier, lors des conseils de surveillance de chaque établissement. Il n’y a eu aucun groupe de travail, aucun vote... Lors des conseils, on avait juste le droit « d’émettre des vœux » ! Le paradoxe est que les présidents des conseils de surveillance qui ont voté ce texte sont des élus socialistes qui s’étaient opposés à la loi Bachelot. Le seul qui a voté contre est le PCF Jean Vuillermoz, ce qui lui a valu d’être convoqué par Bertrand Delanoë ! Ils sont passés en force, en deux mois.

Quelle a été la réaction des médecins ?

Bernard Bruant : Les médecins réagissent peu, pour le moment. Mais certains commencent à exprimer leurs craintes. Par exemple, le sous-directeur de Sainte-Anne a démissionné. Ceci dit, depuis la loi Bachelot, les directeurs des hôpitaux sont nommés par l’Agence Régionale de Santé, et ces directeurs nomment les chefs de service et/ou de pôle. Donc, si les médecins espèrent diriger un service, il leur est difficile de contredire la direction.

Les syndicats sont-ils soutenus ?

Bernard Bruant : C’est de plus en plus dur, pour les syndicats. Avec la souffrance au travail, on se transforme en assistants sociaux ! Et comme les gens sont à bout, ils ont du mal à s’engager dans la lutte avec nous. Dès qu’on lance une grève, la direction réquisitionne en masse. Ils essayent également de nous mettre « hors jeu » avec la création d’un ordre infirmier. Mais pour le moment, il est boycotté par 80 % du personnel. Et la résistance s’organise, car les attaques d’aujourd’hui sont trop graves.

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Mobilisation, le samedi 2 avril : journée nationale d’action "Notre santé est en danger".

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