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Ségolène Royal

Les résultats du premier tour des élections présidentielles donnent l’avantage à Sarkozy, face à Ségolène Royal, pour le deuxième tour. Si la droite remporte les présidentielles, elle se trouvera en position de force pour les législatives. Il y a danger. Pendant cinq ans, l’UMP – avec, sur toutes les questions essentielles, le soutien de l’UDF – a mené une offensive sans précédents contre les droits et les conditions de vie des travailleurs, imposant la régression sociale dans tous les domaines, et reprenant à son compte les idées racistes et le programme du Front National. Si la droite sort victorieuse des élections, il y aura un redoublement de cette offensive, au profit des capitalistes et au détriment de la vaste majorité de la population. Le système capitaliste, dont Sarkozy est le plus implacable défenseur, est devenu tellement parasitaire, tellement rétrograde, qu’il ne peut plus coexister avec les conquêtes sociales du passé.

Sarkozy a bénéficié du soutien de l’industrie audiovisuelle et de la presse capitaliste. Une grande opération de manipulation de l’opinion publique a été orchestrée par les médias – dont les propriétaires figurent parmi les représentants du capitalisme les plus cyniques – dans le but de présenter Sarkozy comme le candidat de la « rupture » par rapport à la politique menée depuis 5 ans, et ce alors que, depuis 2002, il a été en première ligne de toutes les attaques menées contre les travailleurs et la jeunesse. Force est de constater que cette opération n’a pas été infructueuse. Le vote pour Sarkozy a aussi été gonflé par la récupération d’une bonne partie des voix du Front National. Bayrou, quant à lui, a fait l’objet d’une puissante campagne de « marketing » politique, destinée à enlever des voix à la candidate socialiste – encore une fois, non sans succès.

Cependant, le facteur le plus important qui a joué en faveur de la droite, dans cette élection, c’est le contenu – ou plutôt l’absence de contenu – de la campagne menée par Ségolène Royal et le Parti Socialiste. Le programme actuel du PS est le plus ouvertement pro-capitaliste et le plus vide de substance revendicative de toute son histoire. Les dirigeants du PS sont tombés tellement bas, dans leur capitulation aux intérêts capitalistes, que nombre d’entre eux ont rallié le camp adverse en pleine bataille électorale. Par exemple, le regroupement « Spartacus », composé de dirigeants socialistes proches des idées de Rocard et Kouchner, a publié dans Le Figaro une déclaration dans laquelle il affirmait que Bayrou est « un espoir pour des millions de Français qui veulent croire à cette chance unique de proposer un travail en commun à des hommes et des femmes venus d’horizons différents mais unis par le seul idéal du bien public ». Selon ce regroupement, Bayrou peut « réconcilier la France ». Pratiquement tous les dirigeants du PS sont ouverts à la possibilité d’une coalition avec l’UDF – un vieux parti de droite complaisamment rebaptisé « centriste » pour l’occasion. Spartacus, le meneur de la révolte des esclaves contre l’empire romain, se retournerait dans sa tombe s’il voyait son nom associé à des « socialistes » bourgeois de ce genre. S’ils tiennent à s’inspirer de l’Antiquité, qu’ils se comparent plutôt au Cheval de Troie !

Sur son site internet, dans son journal, dans ses communiqués et ses réunions publiques, La Riposte a constamment mis en garde les militants socialistes, ainsi que l’ensemble de ses lecteurs, contre les conséquences néfastes de cette dérive droitière, pour le PS et pour tous les travailleurs. C’est précisément l’alignement du gouvernement Jospin sur les intérêts capitalistes qui avait préparé la débâcle de 2002. Mais il faut reconnaître qu’au moins, à l’époque de Jospin, les privatisations massives et les autres aspects réactionnaires de son action étaient assortis de quelques tentatives des réformes sociales, malgré leur caractère limité et bâclé, comme par exemple les 35 heures, les emplois-jeunes et la CMU. Par contre, dans le cas du programme de Royal, nous avons affaire à ce que nous avons appelé un réformisme sans réformes, c’est-à-dire à la gestion pure et simple du capitalisme, vaguement dissimulée derrière un bouquet de phrases creuses sur « l’ordre », « la justice », « l’équilibre », « l’harmonie », « le respect » – et ainsi de suite. Ce programme ne contient absolument aucune mesure susceptible d’améliorer les conditions de vie de la masse de la population. C’est dans ce ralliement au capitalisme, dans cette faillite politique de la direction actuelle du Parti Socialiste, dans cette absence de réponse au désastre économique et social engendré par le capitalisme, que réside l’explication fondamentale des résultats du premier tour.

Perspectives

La Riposte attache une grande importance aux perspectives, qui forment un élément indispensable de son travail. Il s’agit d’analyser des processus fondamentaux à l’œuvre dans la société, et de se faire une idée du cours général le plus probable des événements dans la période à venir. Les perspectives nous servent de boussole, pour nous aider à mieux nous orienter. Cependant, l’élaboration des perspectives n’est pas une tâche facile. Il ne s’agit pas d’une science exacte, et toute perspective est nécessairement conditionnelle. Des erreurs d’appréciation sont inévitables. A chaque étape, sur la base de l’expérience, il est nécessaire de comparer nos perspectives au cours réel des événements, et de corriger d’éventuelles erreurs, ouvertement et honnêtement.

A bien des égards, les résultats du premier tour constituent une confirmation éclatante des perspectives élaborées par La Riposte lors de son dernier congrès. Mais en même temps, personne ne pourrait raisonnablement demander à La Riposte de tout prévoir à l’avance, et, manifestement, nous avons commis quelques erreurs d’appréciation. Là où les événements ont confirmé notre analyse, c’est dans notre appréciation du poids électoral du Parti Socialiste, dont nous avions prévu qu’il serait le principal bénéficiaire de la mobilisation contre la droite. Alors que pratiquement tous les groupes d’extrême gauche – ainsi qu’une fraction significative du PCF – voyaient dans les résultats du référendum du 29 mai 2005 un « bouleversement » présageant l’effacement électoral du PS au profit de la « gauche du non », nous avons expliqué qu’il n’en était rien, que le PS demeurait le principal parti de gauche et que, loin de s’effacer, il attirerait l’écrasante majorité de l’électorat de gauche sous sa bannière, malgré le caractère pro-capitaliste de sa direction. Les événements nous donnent raison sur ce point. Le Parti Socialiste a plus que doublé son électorat par rapport au premier tour de 2002, passant de 4 600 000 voix à 9 500 000 voix, alors que la « gauche de la gauche » a perdu un tiers de son électorat.

Nous avons insisté sur le fait que si le PS remportait les élections présidentielles et législatives, ce serait malgré la politique pro-capitaliste de sa direction. Mais en même temps, nous pensions que le PS en sortirait tout de même gagnant, compte tenu des ravages de cinq ans de droite au pouvoir – et cinq ans de luttes massives contre sa politique de régression sociale. Les résultats des dernières élections européennes et régionales semblaient conforter cette perspective. Mais les résultats du premier tour des présidentielles indiquent que la mobilisation autour du PS, bien que massive, n’a pas suffit pour mettre la droite en difficulté. Un sursaut à gauche est toujours possible avant le deuxième tour. Mais compte tenu de la répartition des voix au premier tour, il semble également possible que la politique pro-capitaliste du PS offre la victoire à la droite, une fois de plus.

PCF : l’échec du réformisme « anti-libéral »

L’autre erreur de pronostic que nous avons commise est du même ordre, et concerne cette fois-ci le résultat du PCF. Nous pensions qu’après 5 années marquées par des luttes massives contre un gouvernement ultra-réactionnaire, le PCF pouvait difficilement réaliser un score inférieur à celui de 2002. Cette hypothèse s’est révélée fausse. Et le « vote utile » n’explique pas tout.

La Riposte constitue, pour ainsi dire, la tendance marxiste et révolutionnaire du PCF et du MJCF. Le programme de La Riposte diffère de celui que défend la direction du PCF sur de nombreux points – et non des moindres. Tout en participant activement et loyalement à la campagne pour Marie-George Buffet, nous avons expliqué la nécessité de rompre avec les idées insipides du réformisme « anti-libéral », qui n’offrent aucune solution sérieuse aux fléaux du capitalisme.

Marie-George Buffet a mené une campagne énergique. Ses critiques de l’injustice du capitalisme, des inégalités sociales, de la politique réactionnaire du gouvernement, reflètent la réalité de ce que vivent des dizaines de millions de personnes. Mais la faiblesse de la campagne du PCF a résidé dans son programme. Au cours de la dernière période, la direction du parti a complètement abandonné l’objectif du socialisme, donnant à ses orientations politiques une tournure de plus en plus ouvertement réformiste, au point que son programme se base entièrement sur le maintien de la propriété capitaliste des banques et des grands groupes industriels.

Malgré l’ensemble de revendications combatives et tout à fait légitimes qu’il contient, le programme du PCF est pénétré, d’un bout à l’autre, du langage confus de l’« altermondialisme » propre aux mouvances petites-bourgeoises comme ATTAC. Au lieu de défendre des mesures énergiques et concrètes contre les capitalistes, telle que la nationalisation, sous le contrôle des salariés, des entreprises qui licencient ou délocalisent, la direction du parti a cherché à séduire l’électorat au moyen d’une véritable usine à gaz de mesures prétendument « anti-libérales » : des surtaxes et amendes pour les mauvais capitalistes qui spéculent ou qui ne créent pas des emplois, des primes et exonérations pour les capitalistes qui investissent ou qui favorisent l’emploi, etc. Le « commerce équitable » – c’est-à-dire la commercialisation de produits plus chers, supposée faire du bien aux producteurs d’origine – est présenté comme une alternative au capitalisme, alors qu’il n’en est rien. Suivant les théories de confusionnistes professionnels tels que Boccara et Dimicoli, le projet de « sécurité d’emploi et de formation » permettrait tout bonnement d’éradiquer le chômage de masse et la pauvreté qu’il engendre, sous le capitalisme, au moyen de simples réajustements fiscaux et d’une réorientation des dépenses publiques.

Ce programme n’est tout simplement pas crédible. Dans nos Perspectives pour la France de 2004, nous expliquions : « La raison fondamentale du déclin électoral du PCF réside dans l’incapacité de sa direction à présenter une alternative sérieuse à la politique du Parti Socialiste. Lorsqu’un grand parti réformiste coexiste avec un petit parti réformiste, c’est le grand qui l’emporte. Tant qu’il n’y aura pas de changement radical dans le programme du PCF, il ne pourra pas rattraper le PS sur le plan électoral. » Le premier tour des présidentielles vient de donner à cette analyse une sévère confirmation – et plus sévère, encore, que nous ne le pensions.

Par ailleurs, les longs mois passés dans le cirque des « collectifs anti-libéraux » n’ont rien arrangé, du point de vue de la crédibilité du parti. Dès le début, il aurait dû être parfaitement clair, comme nous l’avons expliqué, que ni Bové, ni la LCR n’allaient mener campagne pour le PCF. Leur idée était, au contraire, de mettre le PCF à la remorque de leurs propres objectifs. On a perdu beaucoup de temps avec cette mauvaise farce. La direction du parti voulait des « habits neufs » pour le PCF, pensant que cela lui donnerait une allure plus « acceptable » aux yeux des électeurs. Même lorsque la saga des « candidatures unitaires » fut close, elle a tenu à présenter la candidature du parti comme celle d’une Gauche Populaire inexistante, ce qui n’a trompé personne.

Marie-George Buffet a déclaré que le mauvais score du PCF ne traduit pas sa véritable implantation sociale. C’est exact. Mais il n’est pas moins incontestable que les résultats du premier tour traduisent un netaffaiblissement de cette implantation. Pour que le PCF puisse commencer à reconquérir le terrain perdu, y compris et surtout dans la couche la plus consciente et militante du salariat, il doit absolument renouer avec les idées du socialisme, du marxisme et de l’internationalisme. Il doit lier son combat pour la défense des acquis sociaux et pour ses revendications en matière de salaires, d’emploi, de conditions de travail, de logement, de santé et d’éducation, à la nécessité impérieuse de briser l’emprise des capitalistes sur l’économie. Ceci veut dire, concrètement, l’incorporation dans le programme du parti, comme son axe central, de la nationalisation, sous le contrôle et la gestion démocratiques des salariés, de tous les grands groupes industriels, de l’ensemble des banques, assurances et organismes de crédit, ainsi que de toutes les infrastructures de la grande distribution.

Autrement dit, il faut enfin commencer à parler du socialisme, à expliquer ce que c’est, à éduquer politiquement la jeunesse et les travailleurs de ce pays. C’est là le premier devoir du PCF. Il faut rétablir, dans la conscience des travailleurs et des jeunes, les idées et les traditions du marxisme. La Riposte fait partie intégrante du mouvement communiste. Elle y est et elle y restera. Le nouveau revers électoral que vient de subir le PCF ne fait que souligner la pertinence de nos arguments. Soyons clairs : s’il n’y a pas, dans les années à venir, une réorientation radicale du parti vers les grandes idées révolutionnaires, vers les idées du communisme, le parti risque de perdre encore du terrain, et pourrait même finir par se transformer en une secte impuissante. Il est grand temps de changer de cap, de rompre avec le réformisme « anti-libéral » et de renouer avec le marxisme révolutionnaire.

Nous souhaitons tous la défaite de Sarkozy. Mais s’il l’emporte, les électeurs qui ont été dupés par sa démagogie s’en rendront rapidement compte. Les résultats des élections ne changeront pas les perspectives générales qui se dessinent pour la France. Sous la gauche comme sous la droite, il sera impossible d’inverser la régression sociale sur la base du système actuel. L’incapacité du capitalisme français à développer l’économie, son déclin comme puissance mondiale, la régression sociale permanente qu’il impose à la masse de la population, tous ces éléments sont en train de préparer de grandes confrontations entre les classes. Il n’y a pas lieu de sentir un quelconque abattement. Comme disait Spinoza, il ne faut ni rire, ni pleurer, mais seulement comprendre. Les résultats du premier tour sont un échec, non pour le socialisme, mais pour le réformisme. La victoire du socialisme passe par le rétablissement du marxisme dans le mouvement ouvrier français, et, pour commencer, dans le PCF et le MJCF. Telle est notre tâche. Poursuivons-là avec une pleine confiance dans nos idées, nos perspectives et notre programme.

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