logo PCR

Gabriel Boric, le candidat de Apruebo Dignidad (« Approbation Dignité », gauche) a remporté les élections présidentielles chiliennes avec 56 % des suffrages, soit près d’un million de voix d’avance sur son adversaire d’extrême-droite, Juan Antonio Kast. Cette victoire a été acquise par une mobilisation accrue dans les quartiers ouvriers, entre les deux tours. La participation y a augmenté en moyenne de 10 %, contre seulement 4 % dans les quartiers riches.

Pourtant, le gouvernement et le patronat ont bien tenté d’empêcher les habitants des quartiers pauvres de se rendre aux urnes. Par exemple, les transports publics disponibles le jour du scrutin ont été réduits, dans ces quartiers !

De son côté, la candidature de Kast a rallié les éléments les plus réactionnaires de la société, à commencer par les nostalgiques de la dictature de Pinochet. Ainsi, le souvenir des horreurs de la dictature a donc pesé lourd dans la mobilisation en faveur de Boric.

Réformisme

A 35 ans, Boric est le plus jeune président de l’histoire du Chili. Les médias internationaux l’ont comparé, à juste titre, à des formations politiques de gauche telles que Podemos (Espagne) ou Syriza (Grèce). Celles-ci ont en commun d’avoir émergé dans le contexte d’une débâcle des vieux partis traditionnels (gauche comprise). Elles se sont hissées au pouvoir grâce au profond désir de changement qui existe dans la jeunesse et le salariat. Cependant, précisément parce que leur programme est réformiste, elles se sont privées des moyens de briser l’étau du capitalisme en crise. Elles se sont contentées de le « gérer », au risque de décevoir leur base électorale.

Le programme de Boric est contradictoire. D’un côté, il défend des mesures progressistes qui vont à l’encontre des intérêts du patronat. Mais d’un autre côté, il insiste sur la « responsabilité fiscale », le changement « à pas lents mais fermes » et la « réduction des déficits ». Il s’efforce de rassurer la grande bourgeoisie en se présentant comme un gestionnaire sérieux.

L’Accord de 2019

Pendant la période de « transition » consécutive à la chute de Pinochet, l’idée dominante – dans la propagande officielle – était que la dictature avait été renversée par le seul plébiscite de 1988. C’est une façon de passer sous silence les mobilisations massives, les grèves et les énormes risques encourus par tous ceux qui avaient lutté contre la dictature. Lors de l’explosion sociale d’octobre 2019, une nouvelle génération de Chiliens a renoué avec cette expérience de la lutte massive – et de la répression d’Etat : il y a eu des dizaines de morts, des milliers de blessés, des femmes violées dans les commissariats et plus de 5000 arrestations.

Déclenchée par l’augmentation de 30 pesos du prix du ticket de métro, le mouvement d’octobre 2019 avait comme slogan : « ce n’est pas pour 30 pesos ; c’est pour les 30 ans ! ». Autrement dit, les masses rejetaient les partis qui se sont succédés au pouvoir depuis la fin de la dictature – et leur politique de continuation des privatisations entamées sous Pinochet et d’impunité pour les violations des droits de l’homme. Le Chili est le pays le plus inégalitaire de l’OCDE : 1 % de la population y concentre plus du quart des richesses.

Elu à la présidence du pays en 2018, Sebastián Piñera (droite) a immédiatement déclenché une véritable guerre contre les pauvres. Mais il s’est vite retrouvé dos au mur face à la colère des masses. C’est alors, à la mi-novembre 2019, que l’« Accord pour la paix et la nouvelle Constitution » est venu sauver son gouvernement. Boric a joué un rôle clé dans la conclusion de cet accord, qui laissait au pouvoir Piñera et perpétuait la militarisation des régions peuplées par les indiens Mapuches. Boric et son programme modéré sont l’incarnation de cette reprise en main par l’establishment politique, qui a réussi à faire dérailler le soulèvement des masses vers la voie parlementaire.

Impossible compromis

Boric ne dispose pas d’une majorité au Parlement ; il sera donc poussé à y faire des compromis avec la droite. Mais il sera aussi soumis à une forte pression de la rue. Lors du meeting célébrant la victoire de Boric, la foule a réclamé la libération des prisonniers politiques du soulèvement de 2019 et la fin du système privé des retraites. Boric avait l’air plus gêné qu’autre chose. Il a été hué lorsqu’il a annoncé vouloir « bâtir des ponts vers Kast » et la droite chilienne.

Aucun compromis favorable aux masses ne pourra être conclu avec la classe dirigeante chilienne. La crise économique mondiale offre très peu de marges de manœuvre pour des réformes progressistes significatives dans le cadre du capitalisme. Le gouvernement de Boric subira donc la double pression de la bourgeoisie, qui exigera de nouvelles mesures d’austérité, et de la masse des pauvres et des travailleurs – qui exigeront des mesures sociales, la fin de la répression militaire des Mapuches et la légalisation du droit à l’avortement.

Tu es communiste ?
Rejoins nous !

Se former au marxisme Voir
Soutenez
l'ICR
Faire un don
Abonnez- vous ! S'abonner