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Manifestation du 7 novembre 2020, à Toulouse

Les grands médias célèbrent la victoire de Joe Biden comme un « nouveau départ » – pour les Etats-Unis, bien sûr, mais aussi pour le reste du monde. Ce serait la fin d’un long cauchemar et le début d’une période de « modération », de « stabilisation » et de « normalisation ». Enfin, il y aura un homme raisonnable et pondéré à la Maison-Blanche.

On comprend très bien que d’innombrables citoyens ordinaires, à travers le monde, se réjouissent de la défaite de Donald Trump, cette incarnation vivante de la dégénérescence politique et morale du capitalisme. Mais il ne faut pas confondre le symptôme et sa cause. En dernière analyse, c’est l’impasse du système capitaliste qui a produit un Donald Trump ; c’est cette même impasse qui l’a porté au sommet de la première puissance mondiale. Or, depuis l’élection de 2016, la crise du capitalisme s’est brusquement aggravée. Dès lors, Biden fera ce que font tous les politiciens bourgeois dans un tel contexte : il placera le poids de la crise sur les épaules des jeunes, des travailleurs, des chômeurs et des retraités, de façon à ce que les grands capitalistes – qui ont massivement financé la campagne de Biden – puissent continuer d’accumuler des milliards.

En conséquence, les contradictions sociales ne vont pas s’atténuer, ces quatre prochaines années. Par exemple, selon différentes études récemment publiées, entre 30 et 40 millions de foyers américains risquent d’être expulsés de leur logement au cours des mois à venir, faute d’argent pour payer le loyer. Ce serait trois fois plus qu’après la crise de 2008. Il ne faut pas s’imaginer que Joe Biden prendra des mesures efficaces pour empêcher ce désastre social. Les contradictions de classe – entre pauvres et riches, entre travailleurs et capitalistes – vont donc s’intensifier.

Pour que l’exaspération de la classe ouvrière américaine ne soit pas captée par un démagogue à la Donald Trump, il faut un parti de masse des travailleurs, un parti socialiste qui se donne pour objectif d’en finir avec les causes fondamentales de la misère et de la régression sociale, à savoir : la propriété privée des grands moyens de production et la course aux profits. La construction d’un tel parti est la tâche immédiate, urgente, de la gauche et du mouvement syndical américains, qui doivent rompre avec les Démocrates. Tant que cette tâche n’aura pas été menée à bien, le « cauchemar Donald Trump » reviendra – en pire.

On peut parier que Macron ne tardera pas à mettre en scène son « excellente relation » avec Biden. Ce dernier jouera probablement le jeu, comme Trump avant lui. Mais une fois passée la séance de selfie diplomatique, les affaires sérieuses reprendront leur cours. Dans la défense de ses intérêts fondamentaux, l’impérialisme américain n’hésitera pas à marcher sur les pieds de l’impérialisme français, car la France n’est plus désormais qu’une puissance impérialiste de deuxième (ou troisième) rang. Elle continuera d’être traitée comme telle par la nouvelle administration américaine. Derrière un masque plus aimable et policé, Biden défendra implacablement les intérêts du grand Capital américain à travers le monde, exactement comme l’avait fait Barack Obama entre 2008 et 2016. Les peuples libyen et syrien, notamment, ne peuvent pas l’oublier.

Deuxième vague : un fiasco prévisible

En France, loin du théâtre diplomatique sur lequel Macron va tenter de « briller », de plus en plus de jeunes et de travailleurs seront exposés à la précarité, à la maladie, au chômage, aux plans sociaux, à la misère, à l’arbitraire policier, aux violences intra-familiales et à bien d’autres souffrances.

Depuis le mois de mars, plus d’un million de personnes ont basculé sous le seuil de pauvreté. Le personnel des hôpitaux est épuisé et ulcéré. Certains soignants sont contraints de travailler alors qu’ils sont positifs au Covid. Quant aux enseignants, après avoir été qualifiés de « piliers de la République » (pour cibler, en retour, les musulmans), ils sont traités comme de la chair à canon. Très en colère, le personnel de l’Education nationale se mobilise pour tenter de garantir à la fois la sécurité sanitaire, dans les établissements, et la continuité de l’enseignement.

Rien de tout cela n’était inévitable. Contrairement à ce qu’a affirmé Macron, la possibilité d’une puissante deuxième vague de l’épidémie était parfaitement connue. Mais le gouvernement n’a rien fait pour y préparer le pays. Il a refusé de mobiliser les moyens humains et financiers nécessaires. Sa priorité était ailleurs : dans la préparation d’un « plan de relance » de 100 milliards d’euros – dont l’essentiel finira dans les coffres du grand patronat – et dans l’orchestration d’une campagne de diversion sur le thème : « le problème, en France, ce sont les musulmans et les immigrés ». Le patronat était ravi. Mais désormais que la deuxième vague submerge le système hospitalier, contraignant le gouvernement à des mesures de confinement, le Medef proteste et exige qu’un maximum de travailleurs continue de travailler, afin que les profiteurs continuent d’accumuler un maximum de profits. Et le gouvernement, son gouvernement, s’efforce de répondre à cette exigence, bien sûr.

Quelle riposte du mouvement ouvrier ?

Cette catastrophe économique et sociale appelle une réaction offensive de la part de la gauche et du mouvement syndical. A plusieurs reprises, dans les pages de ce journal, nous avons insisté sur la nécessité de promouvoir le « contrôle ouvrier » dans les entreprises et les services publics. Sous l’impulsion de leurs organisations, les salariés doivent prendre le contrôle des opérations, c’est-à-dire fixer eux-mêmes les conditions de travail, le temps de travail, les rotations, les effectifs, les mesures de télétravail, etc. Ils doivent pouvoir décider de fermer provisoirement l’entreprise ou le service s’ils le jugent nécessaire, sans perdre un centime de rémunération.

Le développement du contrôle ouvrier n’aurait pas seulement un intérêt sanitaire. Il permettrait aussi de s’opposer efficacement aux licenciements et aux plans sociaux, qui se multiplient. Les travailleurs doivent avoir accès aux comptes de l’entreprise ; ils doivent exercer leur pouvoir collectif pour imposer aux patrons des décisions permettant de sauvegarder l’emploi et les rémunérations. Par ailleurs, dans les grandes entreprises menacées de fermeture, le contrôle ouvrier doit s’accompagner d’une lutte pour leur nationalisation.

On ne trouve pas trace de ces idées dans l’Adresse de la CGT au monde du travail que la direction nationale de ce syndicat – le plus militant du pays – a publiée début novembre. Au terme d’une critique détaillée de la politique gouvernementale, cette Adresse de la CGT appelle à manifester les 21 et 25 novembre, contre les violences faites aux femmes – et le 5 décembre, pour la marche des chômeurs. Ces mobilisations sont importantes, bien sûr. Mais à elles seules, elles ne constituent pas une stratégie de lutte à la hauteur de la situation, qui est extrêmement grave.

L’Adresse affirme : « La CGT prend toutes les dispositions pour continuer à être aux côtés des travailleuses et des travailleurs, garantir les droits et empêcher les restructurations et les licenciements. » Mais quelles « dispositions », au juste ? Ce n’est pas dit. C’est d’autant plus regrettable que, dans les faits, « les restructurations et les licenciements » s’enchaînent à une vitesse effrayante.

Enfin, il manque à cette Adresse une perspective de rupture avec le système économique et social qui ravage le monde du travail : le capitalisme. La direction de la CGT fustige le gouvernement, à juste titre. Mais il ne faut pas oublier que c’est le gouvernement d’un système en faillite. Dès lors, la CGT doit défendre une alternative à ce système. Laquelle ?

Lors des récentes « Assises de la riposte générale », le secrétaire général de la FNIC CGT [1], Emmanuel Lépine, a répondu à cette question. Il a appelé toute la CGT à « tracer les lignes d’une société basée, non sur le capitalisme, mais sur ce qu’il est convenu d’appeler le socialisme, débarrassé des chaînes de l’exploitation ». Nous sommes bien d’accord. Il est grand temps que la CGT et toute la « gauche radicale » renouent avec cet objectif.


[1] : C’est la fédération CGT des industries chimiques. Un compte-rendu des Assises est disponible.


Sommaire

Pour une nouvelle vague de luttes ! - Edito du n°47
Santé publique : leur programme et le nôtre
La grève des salariés d’ONET, à Toulouse
Aéronautique : les salariés victimes de la course au profit
Quand l’Etat protège les pollueurs : l’exemple de Béton Lyonnais
Amiante au technicentre d’Oullins : la SNCF se défausse
Contre les licenciements à la Verrerie Ouvrière Albigeoise !
L’Education nationale en lutte pour un vrai protocole sanitaire !
Bolivie : le MAS l’emporte, mais tend la main aux capitalistes
Référendum au Chili : une victoire écrasante de la classe ouvrière
Etats-Unis : la victoire de Biden et l’urgence d’un Parti des travailleurs américains
Le rôle de l’impérialisme dans la guerre au Haut-Karabakh
Participez à notre Ecole marxiste en ligne !
Le programme des Cercles marxistes
Une brève histoire du Parti Communiste français
Pologne : mouvement historique pour défendre le droit à l’IVG

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