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La branche toulousaine d’Akka Technologies, entreprise de conseil et d’ingénierie, est l’un des principaux sous-traitants d’Airbus. Franck Laborderie, secrétaire général de la CGT Akka, revient sur les conséquences des décisions du géant de l’aéronautique.


Quelle est la situation dans l’entreprise ?

Fin mars, le PDG d’Akka a annoncé la suppression de 441 emplois, dont 360 à Toulouse. Or en 2020, il y a déjà eu 1600 départs, dont environ la moitié était des départs forcés : des licenciements, des fins de périodes d’essai à l’initiative de l’employeur et des ruptures conventionnelles. Pourquoi je qualifie de « forcées » certaines ruptures conventionnelles, qui sont théoriquement à l’initiative des employés ? Parce que quand vous avez une crise de cette ampleur, avec des personnes en télétravail, sans missions, en activité partielle, etc., je peux vous assurer que la direction essaye de se débarrasser de certains salariés. Il y a du chantage et les travailleurs signent des ruptures conventionnelles pour éviter les licenciements.

D’un point de vue industriel, le plan de licenciements (PSE) n’est pas nécessaire ; les licenciements ne sont pas justifiés. On a des possibilités de diversification, notamment vers le numérique et le ferroviaire. Avec la crise sanitaire, on a aussi accéléré la réflexion sur la nécessité de réduire les transports en avion. On peut raisonnablement éviter certains déplacements polluants. Mais ça implique de ne pas vouloir absolument revenir au niveau de rentabilité de 2019. C’est pourtant ce que veulent les actionnaires.

Ce que nous défendons, pour commencer, c’est un retour à l’équilibre. Nous voulons préserver l’entreprise. Oui, la filiale toulousaine a perdu un tiers de son chiffre d’affaires et l’entreprise n’a pas versé d’argent aux actionnaires – il ne manquerait plus que ça ! Mais elle s’est quand même offert 1 action pour 10 actions détenues : ça représente une certaine somme. Et en décembre, la famille Frère a investi 150 millions d’euros. Un tel montant, alors que l’entreprise accuse des pertes considérables, signifie qu’un retour sur investissement est attendu très vite. Des promesses ont certainement été faites par la direction. Il ne fait aucun doute qu’elles incluaient le PSE. On ne peut pas avoir un retour rapide à une forte rentabilité sans réduire la masse salariale. C’est vraiment une gestion court-termiste du profit à tout prix. A travers cette crise, Akka a complètement déshumanisé ses salariés. C’est insupportable.

En fait, la crise est un prétexte pour accélérer le plan de restructuration, qui implique une baisse des effectifs. D’un côté, la direction tient un discours très positif aux investisseurs et aux actionnaires. Elle leur dit qu’on va vite retrouver du profit. Mais d’un autre côté, pour justifier les licenciements, la même direction dit aux salariés qu’il n’y a aucune perspective de reprise. Ce qui est certain, c’est que contrairement à ce qu’on nous dit, l’entreprise n’est pas en danger.

Comment se passe la lutte ?

Je ne vous cache pas qu’à Toulouse la situation est un peu tendue. A la CGT, on arrive à tenir avec l’intersyndicale. On a une intersyndicale forte, même s’il y a déjà deux syndicats sur les six qui ont lâché. Les salariés suivent, mais de loin. On est dans un contexte très anxiogène sur les plans sanitaire et économique. Il y a aussi des situations familiales difficiles. Il y a de vrais risques psychosociaux. On a averti la direction du risque de rajouter une crise à la crise, avec le PSE.

Avant même d’organiser des mobilisations, le syndicat est le reflet de la température salariale. En présentiel, les gens viennent nous voir, on a des échanges, on sait comment ils vont. En 2020, on s’est pris toute l’anxiété en pleine face. On a fait beaucoup d’écoute, de suivi, on essayait de nous rassurer nous-mêmes. Mais depuis l’annonce du PSE, il y a une sorte de mutisme, une résignation. Quand les annonces vont se concrétiser, quand les salariés se sentiront vraiment menacés, ils vont se réveiller.

C’est là où le rôle du syndicat est crucial. On doit permettre aux travailleurs de s’exprimer. On organisera des Assemblées générales pour décider des actions à engager. Ça pourra aller jusqu’à la grève ou au blocage de site. Mais aujourd’hui, on n’en est pas là. On en est encore à discuter et à essayer de mobiliser un maximum de salariés.

Révolution revendique la nationalisation de l’industrie aéronautique, sous le contrôle démocratique des salariés. Qu’en penses-tu ?

Je suis d’accord à 200 % ! Ça va complètement dans le sens de la coordination CGT aéronautique. Depuis la privatisation d’Airbus et son abandon par l’Etat, c’est vraiment la course aux profits. Si on nationalise, ça change complètement la donne, bien sûr.


 Le programme de Révolution :

Pour la nationalisation du secteur !

Le patronat de la filière aéronautique procède à une casse sociale systématique à travers des plans sociaux, parfois déguisés (APC, etc.), et ce malgré les milliards d’euros de soutien que l’Etat distribue aux grandes entreprises.

Les carnets de commandes sont pleins, mais la crise aggrave la concurrence. Le secteur est en train de se restructurer pour rester compétitif. De son côté, l’Etat est complice de cette restructuration : via la Banque Publique d’Investissement, le gouvernement finance Airbus, Thalès, Dassault et Safran pour les aider « à investir et à se concentrer ». En clair, il aide les gros capitalistes à faire de la casse sociale. Par exemple, les avionneurs exercent une pression sur leurs sous-traitants – et décident lesquels vont vivre et lesquels vont mourir.

Les salariés de l’aéronautique, qu’ils soient chez Airbus ou chez des sous-traitants, participent tous à l’élaboration d’un même produit. Depuis la privatisation d’Aérospatiale (aujourd’hui Airbus), en 1999, les intérêts des actionnaires entrent en contradiction avec l’avenir industriel de la filière. Non seulement ils soumettent les salariés à une concurrence de plus en plus féroce (et les précarisent, au passage), mais en plus ils menacent leurs emplois. Les différents actionnaires choisissent de saboter la pérennité de l’outil industriel pour maximiser les profits à court terme. Pour Révolution, il faut impérativement renationaliser l’industrie aéronautique, y compris les sous-traitants, et placer l’ensemble sous le contrôle et la gestion démocratiques des salariés.

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