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Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées le 19 janvier à Lima, la capitale du Pérou, pour tenter de renverser la présidente Dina Boluarte. Celle-ci est arrivée au pouvoir lors du coup d’Etat qui, le 7 décembre, a destitué et incarcéré le président démocratiquement élu, Pedro Castillo. Malgré les barrages routiers de la police et l’état d’urgence proclamé par le gouvernement, des colonnes de manifestants ont déferlé sur la capitale, tandis que des manifestations se déroulaient dans de nombreuses autres villes du pays.

Répression sanglante

Au Pérou, le mouvement des masses en est arrivé au stade que redoute toute classe dirigeante : la répression ne fait plus reculer le peuple. Près de 50 personnes ont déjà été tuées par la police et l’armée, sans que la lutte ne reflue.

Un épisode symptomatique de ce processus s’est produit le 18 janvier à Macusani, dans la province de Carabaya. Après une manifestation contre le régime, des policiers embusqués ont ouvert le feu sur les membres d’un collectif de paysans qui se préparaient à retourner dans leurs villages. Sonia Aguilar, une militante paysanne de 35 ans, est morte sur le coup. Un autre militant, Salomón Valenzuela Chua, est mort de ses blessures le lendemain.

Loin d’effrayer les masses, cette attaque a attisé leur colère. Des manifestants ont résisté avec des lance-pierres contre les fusils d’assaut des policiers. Malgré cette inégalité de moyens, les manifestations ont chassé la police de la ville, puis ont incendié son tribunal et son commissariat.

A Lima, les manifestants venus de la province, le 19 janvier, ont pu compter sur l’accueil des travailleurs et des étudiants de la capitale, qui ont manifesté en très grand nombre. La manifestation s’est ébranlée le matin pour marcher vers le Congrès (l’Assemblée nationale) et le Palais présidentiel.

Le gouvernement avait mobilisé 12 000 policiers et des blindés. La police s’est livrée à une véritable orgie de violences contre les manifestants. L’une des grenades lacrymogènes a même déclenché un incendie dans le centre-ville.

La répression a fait éclater la marche en cinq grands cortèges, mais n’est pas parvenue à disperser les manifestants. Des groupes d’auto-défense équipés de boucliers improvisés ont été organisés par de jeunes manifestants, avec l’aide de soldats réservistes ayant rejoint le mouvement.

En fin de journée, Dina Boluarte a pris la parole lors d’une allocution télévisée. Elle a qualifié les manifestants de « mauvais citoyens » et a proclamé qu’elle n’avait aucune intention de quitter le pouvoir. Elle en a profité pour annoncer l’extension de l’état d’urgence à plusieurs nouvelles régions – ce qui confirmait, au passage, que le mouvement continue de s’étendre à travers le pays.

La classe dirigeante s’inquiète

Malgré la fermeté et la confiance qu’affiche Boluarte, la classe dirigeante péruvienne est inquiète. La répression sanglante n’entame pas la détermination du mouvement, et tous les sondages soulignent le rejet massif du Congrès et de la présidente. Une partie de la classe dirigeante se demande ouvertement s’il ne vaudrait pas mieux que Boluarte se retire pour gagner du temps et tenter de désamorcer la contestation.

Cependant, du point de vue de la bourgeoisie, une telle solution pose un sérieux problème : elle marquerait une victoire du mouvement, qui pourrait l’encourager à aller plus loin. La démission de Boluarte poserait la question d’une Assemblée constituante et de la libération de Castillo : autant de choses qui effrayent la bourgeoisie.

L’oligarchie capitaliste et les multinationales minières redoutent qu’une Assemblée constituante prenne des mesures économiques « radicales ». La nationalisation du gaz et de l’industrie minière était l’une des promesses de campagne de Castillo. Or les mêmes sondages qui signalent le rejet massif de Boluarte soulignent aussi la popularité d’un programme d’extension du secteur public.

Ceci étant dit, face à la puissance du mouvement, la classe dirigeante pourrait quand même tenter de détourner la colère des masses vers la voie plus tranquille du parlementarisme constitutionnel. Une Assemblée constituante pourrait jouer ce rôle si elle était convoquée dans de nombreux mois, conditionnée à un référendum et à d’autres finasseries parlementaires, dans le but de maintenir ce processus sous le contrôle de l’oligarchie.

Lutter jusqu’au bout !

La résilience des masses péruviennes est impressionnante. Elles ont montré qu’elles étaient prêtes à lutter jusqu’au bout. Cependant, rien n’est encore gagné. Pour aller de l’avant, le mouvement doit se doter d’une direction centralisée et démocratique.

Jusqu’ici, le syndicat CGTP et l’Assemblée Nationale du Peuple (ANP) ont donné au mouvement un certain degré de coordination, en lien avec les nombreuses organisations populaires qui existent dans le pays. Une Assemblée Générale révolutionnaire doit être convoquée sur la base de délégués élus et révocables, pour diriger le mouvement et balayer les institutions corrompues de la bourgeoisie.

Qui doit diriger la société ? A cette question, les travailleurs du Pérou doivent répondre en menant la lutte jusqu’au bout, jusqu’à la conquête du pouvoir.

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