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Le gouvernement et le MEDEF poursuivent leur offensive contre les droits et les conditions de vie des travailleurs. Après l’échec de la grève pour défendre les régimes spéciaux, ils deviennent toujours plus arrogants, plus acharnés. D’ores et déjà, le gouvernement prépare une nouvelle réforme des retraites, qui vise à porter la période de cotisation à 41 ans, voire 42. Un « agenda de négociations » avec les dirigeants des confédérations syndicales a été arrêté pour l’année en cours.

Sarkozy veut donc renouveler la stratégie qu’il a adoptée vis-à-vis des régimes spéciaux, cette fois-ci pour « assouplir » davantage les 35 heures et lancer toute une série de contre-réformes. De son point de vue, il a entièrement raison, puisque la stratégie a fonctionné à merveille. Il s’agit d’engager les dirigeants syndicaux dans des « négociations » sur la mise en place des mesures de régression sociale. Les confédérations présenteront comme une victoire le fait qu’il y ait des discussions avec le gouvernement, plutôt qu’un « passage en force ». En même temps, elles chercheront à entraver une extension des mouvements de grève autour d’une plate-forme revendicative générale, pour que chaque recul social voulu par le gouvernement soit traité séparément. De cette façon, comme l’explique très cyniquement François Chérèque, qui se comporte comme le conseiller stratégique de l’UMP, « on évite des blocages », et les contre-réformes passent dans les meilleures conditions possibles.

La liberté selon Parisot

Concernant les 35 heures, par exemple, le gouvernement veut permettre, dans le cadre d’entreprises individuelles, des « négociations » pour les supprimer. L’horrible réactionnaire qui dirige le MEDEF, Laurence Parisot, veut aller encore plus loin, et prône la suppression pure et simple de toute limitation de la durée du travail. Il faudrait, dit-elle, que l’employeur et le salarié « puissent se mettre d’accord en toute liberté ». Cela signifierait la réduction du salarié à une condition proche de l’esclavage.

L’employeur et l’employé ne sont pas « égaux ». Dans un contexte de chômage de masse et de misère généralisée, l’employeur trouvera toujours un être suffisamment désespéré pour accepter les conditions qu’il veut lui imposer. Le travailleur qui s’y refuserait deviendrait à son tour – et « en toute liberté » – un chômeur.
Face à ces objectifs ultra-réactionnaires, quelle est l’attitude des directions confédérales ? Elles veulent encore discuter des « modalités » de la réforme, c’est-à-dire, en langage clair, de la manière dont cette nouvelle attaque contre les travailleurs sera mise en application ! Et Sarkozy précise : qu’il y ait ou non un accord entre les « partenaires sociaux », un projet de loi sur la « modernisation du marché du travail » sera soumis au Parlement à la fin du premier semestre de 2008.

Chérèque prêt à marchander

Sur cette question, la direction de la CFDT prépare une nouvelle trahison aussi flagrante que celle destinée à casser le mouvement contre la réforme des régimes spéciaux. Chérèque a déclaré qu’il « n’est pas question d’aller sur des négociations d’entreprise par accord majoritaire sur le thème des 35 heures tant que le problème global de la représentativité et de l’organisation des négociations n’est pas traité ». Autrement dit : faites une concession sur la question de la représentativité syndicale, et la CFDT acceptera la remise en cause des 35 heures par des négociations d’entreprise.

Visiblement, les directions confédérales sont très friandes de discussions avec nos ennemis. L’idée que le gouvernement puisse légiférer sans les consulter au préalable les horripile. Il faut prendre son temps, disent-elles, sans « passage en force », en traitant une question à la fois, pour ne pas trop alarmer la base syndicale et les travailleurs en général. « On a demandé très sérieusement et très fermement au président de la République de ne pas mélanger les sujets », précise Chérèque. Pour Mailly, de FO, « ce n’est pas une marche militaire avec des coups de canon. On a nos rythmes aussi ».

« L’agenda est utile, enchaîne Jacques Voisin, de la CFTC. Le problème, ça va être le rythme des réformes ». Il demande à Nicolas Sarkozy de « laisser aux syndicats le temps de réussir les négociations ».

Bernard Thibault, de la CGT, a formellement une attitude plus réservée vis-à-vis de la démarche du gouvernement. Mais comme le montre le comportement de Thibault et de Le Reste vis-à-vis des régimes spéciaux, le résultat est sensiblement le même. Au lendemain de l’arrêt de la grève des cheminots, nous avons écrit que Thibault avait fait une concession impardonnable lorsque, quelques heures avant le début de la grève et sans consulter les grévistes, il avait accepté des négociations séparées, au niveau de chaque entreprise, sur les régimes spéciaux [1] Cette initiative de Thibault, qui agissait sans consulter sa base, ne pouvait que semer la confusion chez les travailleurs et affaiblir la mobilisation.

Nous avons également dénoncé la tentative de Thibault [2] de présenter cette concession comme si elle était le véritable but de la grève, de sorte que le fait d’accepter des négociations séparées constituait une victoire importante. Plusieurs responsables de la CGT nous ont écrit, par la suite, pour critiquer notre position dans les termes les plus sévères. Mais nous sommes loin d’être les seuls à désapprouver le comportement de Thibault et de Le Reste.

Le sentiment d’avoir été trahi

Par exemple, une lettre ouverte en date du 7 décembre 2007 et signée par les sections CGT des dépôts de bus de Croix-Nivert, Point-du-Jour, Flandre, Saint-Maur, Thiais, Charlebourg et Bords de Marne, en région parisienne, a été adressée aux directions syndicales de la CGT-Bus, de l’Union CGT-RATP, de la Fédération des Transports et de la Confédération CGT. Les syndicalistes y déclarent : « La CGT doit sortir du piège des négociations.[…] Les agents de la RATP ont fait dix jours de grève sur un objectif clair : refuser la casse de leur régime de retraite voulue par le gouvernement. Précisément contre quatre points fondamentaux, tous inacceptables : la remise en cause des 37,5 annuités de durée de cotisation, l’instauration d’une décote, l’instauration d’un double statut et la remise en cause de la prise en compte de la pénibilité et des contraintes de service public, et enfin l’indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires.

Cette position est celle qui a été actée par notre syndicat CGT-Bus à son congrès, le 16 octobre. Elle a été réaffirmée par l’Union syndicale CGT-RATP, le 24 octobre, lors de sa rencontre avec Xavier Bertrand. Elle reste plus que jamais la nôtre.

Suite à l’acceptation par les organisations syndicales de participer aux négociations, la grève a été suspendue à partir du 23 novembre. Nous rappelons que la CE de notre syndicat avait rejeté le principe des négociations “tripartites”, entreprise par entreprise. Le haut niveau de conscience des enjeux, le rapport de force et la détermination des salariés à s’opposer à la “réforme” sont demeurés intacts. Les grévistes dans les assemblées générales, en premier lieu les militants et les syndiqués CGT, n’ont pas donné de mandat à leurs directions syndicales pour négocier sous les conditions du gouvernement.

Au bout de quatre journées de négociations, un constat s’impose : le gouvernement et la direction de l’entreprise refusent de modifier le cadre de leur contre-réforme. Les représentants de la CGT le reconnaissent eux-mêmes. Il est aujourd’hui de la responsabilité de la CGT et de toutes ses organisations de déjouer le piège des “négociations”. C’est pourquoi nous désapprouvons totalement la stratégie des directions à qui s’adresse cette lettre.

Continuer à négocier des points annexes revient à entériner cette contre-réforme, à accepter la mise à mort de notre régime spécial. Appeler à reprendre la grève, sur une seule journée, le 12 décembre, pour “faire pression” sur les détails et les modalités de la casse de nos retraites, c’est irresponsable vis-à-vis des agents. C’est aller complètement à l’encontre de ce pourquoi nous avons fait grève pendant dix jours. Pour notre part, nous n’appellerons pas à cette journée de grève.

Sur cette base, nous rejetons le texte du préavis de grève, d’autant plus que la CE de notre syndicat, organe dirigeant statutaire, n’a même pas été consulté. Depuis le départ, les positionnements des directions syndicales de bus, de l’Union, de la fédération et de la confédération, ont suscité du désarroi et de la colère parmi les syndiqués et les salariés en général, notamment depuis la proposition de la tenue de “négociations tripartites”. Comment ne pas voir le calcul de Sarkozy pour diviser le mouvement entreprise par entreprise ? Depuis quand la négociation est-elle devenue une revendication en soi ?

Les syndiqués, les agents ont le sentiment d’avoir été trahis. Il est temps de corriger le tir ! La situation nous l’impose. La CGT, syndicat largement majoritaire, avec tout ce qu’elle représente dans nos entreprises, a un rôle majeur, historique à jouer contre une attaque historique contre nos services publics, contre l’ensemble des acquis sociaux des salariés de notre pays. Nous savons tous quel est le but du gouvernement. La fin de notre régime spécial vise à faire sauter un verrou à la mise en concurrence et à la privatisation, à lever un obstacle à la suite du démantèlement de l’ensemble du système de retraite solidaire par répartition. »

Les travailleurs attaqués sur tous les fronts

Ce document démontre que bon nombre de syndicalistes CGT tirent les mêmes conclusions que nous en ce qui concerne le comportement de la direction confédérale de la CGT. Nous ne connaissons pas les auteurs de cette lettre. Et nous ne savons pas non plus s’ils connaissent nos idées. Mais chaque mot, chaque ligne de leur texte est complètement en phase avec ce que nous avons écrit.

Dans le contexte actuel, avec un gouvernement qui a déclaré la guerre aux travailleurs sur tous les fronts, la « négociation » n’est qu’un leurre, un moyen de semer la confusion et de diviser les travailleurs. Le gouvernement et le MEDEF le savent bien. Et les dirigeants syndicaux tombent dans le piège – au pire par connivence, au mieux par stupidité. De « tables rondes » en réunions de travail, de consultations en négociations, les acquis sociaux et les droits des salariés sont en train d’être discutés… jusqu’à ce que mort s’ensuive. La lutte pour défendre les acquis de travailleurs va nécessairement de pair avec la lutte pour « corriger le tir » de la confédération CGT, comme le disent les camarades qui ont écrit cette admirable lettre ouverte.


[2Nouvelle Vie Ouvrière, 23 novembre 2007.

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