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La fonderie MBF, basée à Saint-Claude dans le Jura et spécialisée dans la construction de pièces de moteur pour Renault et PSA, est menacée de liquidation judiciaire. Les 280 salariés sont en grève totale depuis le 30 mars.

Interview avec Nail Yalcin, délégué syndical CGT et membre de l’intersyndicale MBF.


Révolution : Quelle est la cause du redressement judiciaire ?

Nail Yalcin : La filière automobile française a commencé à décliner lorsque, à la fin des années 90, les constructeurs se sont mis à délocaliser leur activité dans les pays low cost tels que la Turquie, les pays de l’Est ou même l’Espagne. A partir de là, l’activité n’a fait que décroître.

Dans les années 2000, l’entreprise MBF comptait 1200 salariés. Après la crise de 2008, les effectifs ont été réduits à 500 salariés, puis à 250 en 2011. La volonté de ces grands groupes est simple : soumettre cette filière à la plus grande rentabilité à court terme, de façon à pouvoir gaver les actionnaires.

Comment s’est déroulée votre lutte ?

Fin mars, on a compris que la volonté des constructeurs était de liquider l’entreprise. Dès qu’on a eu ce sentiment-là, on a organisé des AG et on a décidé, collectivement, de bloquer l’entreprise, d’arrêter les livraisons en direction de ceux qui veulent notre mort. Il fallait se mobiliser pour montrer que d’autres choix étaient possibles.

Depuis, toute initiative est prise collectivement, dans des assemblées que l’on tient en moyenne deux fois par semaine. Aujourd’hui, on est au 54e jour de grève et beaucoup de leviers ont été mis en place. On a interpellé les élus, du maire au Président de la République. Au bout d’un mois, en l’absence de réponse, on a même organisé une grève de la faim avec trois camarades. On a finalement réussi à être reçus par l’un des conseillers du Président. Sauf que cette rencontre n’a rien donné.

Au bout de quatre jours sans manger, on a arrêté, à la demande des salariés. On a compris que mettre en danger notre santé et notre vie pour les interpeller n’était pas utile, qu’il fallait mener la bataille collectivement. En parallèle, on a fait des actions chez les constructeurs : le 6 avril, on a bloqué le site de PSA, et le 8 avril on est montés avec une centaine de salariés devant le siège de Renault à Boulogne. Après 52 jours de lutte, les salariés sont fatigués, bien sûr, mais toujours déterminés. D’autres actions sont à venir.

Peux-tu nous parler de votre « tour de France des fonderies en difficulté », que vous avez organisé du 3 au 6 mai ?

On est partis de Saint-Claude, on est allés à Châteauroux, Decazeville, et on a fini le 6 mai au Mans et à Douai. L’objectif était de faire converger l’ensemble des luttes dans une grande lutte commune nationale.

De cette initiative a découlé l’action du 20 mai, pendant laquelle, avec toutes les fonderies en lutte, on a bloqué le site de Renault de Villeroy. Cette journée était faite pour qu’on lutte ensemble contre le grand capital : Renault. Cela n’a évidemment pas changé la face du monde, mais ce n’est qu’une première étape qui a déjà permis que les salariés se réunissent, échangent. Jusqu’alors, ils avaient toujours réussi à nous diviser, mais on le sait : quand les salariés s’organisent, en face les patrons flippent.

Quel avenir envisages-tu pour l’entreprise ?

Le 25 mai, le tribunal de commerce a encore repoussé la possible liquidation judiciaire. On espère la reprise. La liquidation serait catastrophique pour le secteur et pour les salariés. Or les études montrent que c’est une entreprise qui a de l’avenir : nous travaillons l’aluminium, et nous avons une technologie prometteuse. Mais du fait de l’immobilisme de l’Etat et du choix des constructeurs, on se retrouve en procédure collective, à compter les jours avant de se faire saigner.

Révolution revendique la nationalisation des grands leviers de l’économie, y compris la métallurgie, sous le contrôle démocratique des salariés. Qu’en penses-tu ?

On a porté cette mesure, au niveau de Bercy, au niveau des acteurs locaux… Il y a d’autres fonderies en difficulté qu’il faudrait nationaliser, même temporairement, le temps de trouver une solution. On nous a ri au nez en nous disant que la nationalisation était impossible. Mais pour nous, il est clair que l’on ne peut pas laisser le contrôle total de l’entreprise à une seule personne.

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