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Je travaille dans un McDonald’s en Ile-de-France depuis un an. Je suis équipier au comptoir et parfois en cuisine. En même temps, j’assure des tâches de formateur.

J’arrive aux alentours de 19 heures. Je me poste au comptoir ou en cuisine. Pendant deux heures, c’est le rush, ce moment de la journée où les clients sont plus nombreux. On est une dizaine d’équipiers, chacun a un seul poste à tenir. C’est du vrai travail à la chaîne. La tension est à son maximum.

Dans le même temps, je dois « coacher » mes collègues, autour de moi, et faire attention à ce que les nouveaux ne coulent pas, c’est-à-dire ne créent pas des retards dans la chaîne de production. S’il y a trop de tensions sur un seul des points de la chaîne, c’est l’effet domino et tout est ralenti.

A 21h30, c’est la fin du rush, mais la tension augmente encore, car petit à petit les effectifs diminuent, jusqu’à ce que je me retrouve seul au comptoir. Mais les clients, eux, arrivent toujours.

Le comptoir est adapté pour 5 à 10 salariés, pas pour un seul. Je dois donc courir pour passer les commandes et préparer en avance des frites et des boissons. En même temps, d’autres clients sont à la fenêtre pour commander à emporter, et les livraisons pour Uber et Deliveroo s’accumulent. C’est infernal.

Malgré tout, je dois aussi commencer à préparer la fermeture du restaurant. Il faut nettoyer le matériel, vérifier les DLC [1], cellophaner des produits, les stocker dans des frigos et entretenir certaines machines. On doit faire ces tâches en même temps que les commandes arrivent ; sinon, il est impossible de fermer le restaurant à l’heure prévue.

A minuit ou 2 heures (selon les jours), on ferme le restaurant. Il faut rapidement terminer tout ce qu’on a commencé et « dépointer », car le manager nous met la pression : il veut rentrer chez lui. Il n’est pas le seul…

Travail de nuit et sous-effectif chronique

Dans la restauration, la rémunération du travail de nuit n’est majorée qu’à partir de minuit. Entre minuit et 2 heures du matin, le salaire est majoré de 10 %, et de 25 % à partir de 2 heures du matin. Ce n’est pas beaucoup, d’autant que le travail de nuit est parfois encore plus dur qu’un rush de 19 à 21 heures ou de 12 à 14 heures.

La direction de l’entreprise joue sur les effectifs : elle fait en sorte qu’il y ait tout juste assez d’équipiers pour répondre aux commandes – mais pas un salarié de plus, car il s’agit de réduire autant que possible la masse salariale. C’est pour cela qu’on est constamment sur la corde raide.

En France, la très grande majorité des McDo sont franchisés. C’est le cas de celui où je travaille. Cela signifie que McDo récupère un pourcentage sur le chiffre d’affaires, pourcentage qui correspond au loyer, à l’utilisation de la marque, etc. Même lorsque le restaurant est en déficit, McDo France touche de l’argent. Cela exerce une pression à la baisse sur toutes les conditions de travail, car dès que des franchisés doivent faire des économies, ils le font sur le nombre d’équipiers. Il y a un an, on était 20 lors du rush du vendredi soir. Cette année, on est seulement 12, parfois 13. La direction normalise le sous-effectif, qui devient chronique, parce qu’il est calculé. A terme, c’est la santé des salariés qui en prend un sacré coup.

Cadences et hygiène

A cause du sous-effectif chronique, il n’y a pas assez de formateurs, et les managers sont eux-mêmes débordés. Il n’y a donc jamais de véritable formation initiale. Quand tu commences à travailler chez McDo, on te lâche dans la fosse aux lions. On te dit vaguement ce qu’il faut faire, après quoi tu te débrouilles seul. Cela entraîne plein d’erreurs qui sont dangereuses pour la sécurité alimentaire des clients, mais aussi pour nous, les salariés.

On ne peut pas respecter toutes les procédures d’hygiène, car il faut aller vite. On n’a pas le temps de faire chaque burger correctement, ou de se laver les mains toutes les 30 minutes. On essaie de le faire le plus régulièrement possible, mais souvent, si tu quittes ton poste pendant 30 secondes, tu coules. Même en ne respectant pas les procédures, même en se dépêchant, on est parfois en retard.

La plupart du temps, les restaurants passent les contrôles d’hygiène sans problèmes. La veille, on est prévenu. Donc, on nettoie de fond en comble tout le restaurant. Le jour du contrôle, la direction prévoit beaucoup plus d’équipiers. Forcément, tout se passe bien. Mais une fois que le contrôle est passé, tout recommence comme d’habitude.


[1] Dates limites de consommation

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