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Gattaz Macron

Depuis son entrée au gouvernement, Emmanuel Macron, coqueluche des médias, semble accumuler les impairs. La multiplication de ses « maladresses » assumées pose la question de son rôle au sein du gouvernement.

Ex-banquier chez Rothschild, Emmanuel Macron est loin de sortir de l’œuf. Ou plutôt, si sa carrière politique ne fait que commencer, il s’intéresse au sujet depuis longtemps et a élaboré sa petite théorie. Dans plusieurs interviews, il expose ses idées. Se définissant comme « progressiste », il précise immédiatement « qu’on ne peut plus présenter la gauche comme l’extension infinie des droits » [1]. Il soutient au contraire « l’émancipation individuelle par le travail ». Pour Macron, « si on reste dans un critère classique de lutte de classes […] alors on continuera à creuser l’impasse dans laquelle on se trouve » [2].

On connaissait le réformisme progressiste qui, certes, ne remettait pas en cause la propriété privée des moyens de production et l’Etat bourgeois, mais se rangeait tout de même du côté de la classe ouvrière (les salariés) et défendait des réformes améliorant les conditions de vie et de travail (en théorie du moins). Aujourd’hui, nous avons avec Macron – qui ne fait que relayer les idées de Valls et Hollande – un nouveau type de « réformisme », appelé « social-réformisme » [3] ou « libéralisme de gauche » [4] et qui, sous couvert de « dépoussiérer » les idées socialistes, achève de dépouiller idéologiquement le PS de ses vagues restes de réformisme progressiste.

Avec sa formule sur le travail, mentionnée ci-dessus, Macron réussit à renverser l’objectif du socialisme qui, contrairement à ce monsieur, défend l’émancipation du travail (et non par le travail). Faut-il rappeler que la majorité de l’humanité est contrainte, pour survivre, de louer sa force de travail au profit d’une minorité qui vit de cette exploitation ? L’appropriation sociale des moyens de production, sous contrôle démocratique des travailleurs et de la population, avec une planification rationnelle de la production au bénéfice de l’ensemble de la société, est la réponse du socialisme scientifique, que Macron renie.

Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’il réduise la lutte des classes à un simple « critère classique » – dont on pourrait se passer. Or c’est l’existence effective et objective de la lutte des classes qui est à l’origine du socialisme. Le socialisme moderne est l’expression scientifique, sous forme d’idées, de la lutte des classes. Ces idées trouvent leur base dans la classe ouvrière, celle qui souffre directement du conflit de classe. Elles expriment ses intérêts et soulignent sa mission révolutionnaire. C’est cela que Macron vise à travers son rejet hypocrite de la « lutte des classes ». Hypocrite, car en réalité il joue un rôle de premier plan dans la lutte des classes – du côté de la bourgeoisie (loi Macron, etc.).

Les « frondeurs » gesticulent

Face à cette politique, les « frondeurs » du PS gesticulent. Ils déclarent que Macron aurait sa place dans un gouvernement de droite. C’est exact. Mais l’actuel gouvernement ne fait-il pas déjà une politique de droite ? Pourquoi se focaliser sur Macron ? C’est l’action du gouvernement dans son ensemble – sur laquelle les « frondeurs » votent diversement, à l’Assemblée nationale – qu’il faut critiquer, mais aussi la dégénérescence idéologique du PS. Car le virage à droite du PS engagé lors du « tournant de la rigueur » de 1983, sous Mitterrand, ne s’est jamais véritablement terminé ; il s’est juste accéléré.

Gérard Filoche, de la gauche du PS, a lancé une pétition contre Macron et a appelé le peuple de gauche à se mobiliser pour exiger sa démission. Pierre Laurent, du PCF, lui emboîte le pas. Mais là encore, on est en droit de se demander : en quoi le départ de Macron pourrait bien changer la politique du gouvernement ? Au final, en concentrant toutes ces attaques de gauche, Macron joue un rôle de paratonnerre politique. On en oublierait presque Valls et Hollande, qui sont tout d’un coup situés (à tort) sur la gauche de Macron.

Au final, le ministre de l’Economie joue le rôle de poste avancé de la politique réactionnaire du gouvernement. Si Valls et Hollande le « recadrent » de temps à autre, c’est uniquement à des fins tactiques et de communication. Ils soutiennent totalement sa politique. Au lieu de se focaliser sur les déclarations provocatrices de Macron sur « les 35 heures » et le « statut des fonctionnaires », l’aile gauche du PS devrait tirer les leçons de ce qu’il se passe dans le Parti travailliste de Grande-Bretagne. Si Jérémy Corbyn est parvenu à prendre la tête du Labour, c’est parce qu’il a défendu une position d’opposition ferme et systématique aux politiques d’austérité. Aux antipodes de l’opportunisme des « frondeurs » du PS, qui s’abstiennent souvent sur les mesures réactionnaires du gouvernement Hollande, ne présentent aucune alternative claire à la politique actuelle, et hésitent même à se lancer dans la primaire interne au PS pour 2017, Corbyn a démontré qu’un discours clair et offensif (malgré ses limites réformistes) trouve un écho de masse, dans le contexte actuel.

Macron est souvent comparé à Tony Blair, ex-dirigeant droitier du Labour. Mais où est le Corbyn français du PS ? Il n'y en a pas l'ombre.


[1Mediapart, octobre 2013

[2] Macron veut « revisiter » la gauche en effaçant la lutte des classes (L'Humanité, 28 août 2014)

[3] Valls donne un nom à son action : "social-réformisme" (La Tribune, 27 septembre 2015)

[4] Quand la gauche était libérale... (Libération, 1er octobre 2015)

 

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