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Le conflit qui a éclaté dernièrement, en Macédoine, entre l’armée macédonienne, appuyée par des troupes américaines, et les milices de l’UCK, la branche armée de la mafia albanaise, réveille le spectre de la guerre dans les Balkans. Pour l’heure, l’UCK a été repoussée vers le Kosovo, mais les tensions nationales en Macédoine persistent et s’aggravent. Une nouvelle flambée de violence paraît inévitable dans les mois et les années à venir.

Au fond, ce sont les conditions sociales et économiques catastrophiques, en Macédoine, qui expliquent ces tensions. Lénine, le dirigeant de la révolution soviétique, de 1917, expliquait que la question nationale était "avant tout une question de pain". A juste titre. Les problèmes de la Macédoine sont comparables à ceux qui sévissent à travers l’ex-Yougoslavie. Le démembrement de l’ancienne confédération yougoslave et le retour du capitalisme a eu des conséquences sociales dramatiques dans toute la région. La Macédoine a été particulièrement touchée puisque, comme le Kosovo, elle faisait partie des zones les plus défavorisées dès avant la chute de l’économie planifiée. L’infrastructure sociale du pays est en ruine. Le taux de chômage s’élève à 40%, et se situe à un niveau plus élevé encore dans la population d’origine albanaise.

Aujourd’hui, la Macédoine est sous la botte d’une nouvelle classe de spéculateurs mafieux, qui se sont emparés des ressources économiques du pays. De l’intérieur, les Macédoniens sont opprimés par un régime fondé sur la corruption, le clientélisme et la violence. De l’extérieur, ils souffrent de la domination des États-Unis et des grandes puissances européennes, qui veulent eux aussi leur part du gâteau. De plus, aucun des pays voisins - ni la Serbie, ni la Bulgarie, ni la Grèce - n’acceptent l’indépendance de ce petit État. Tous ces pays se déclarent prêts à intervenir militairement en Macédoine - pour la "protéger", bien sûr ! La Turquie, qui accueillera toujours favorablement un affaiblissement de la Grèce, a reconnu immédiatement l’indépendance de la Macédoine. Dans ce contexte, on comprend aisément que la Macédoine fasse figure d’une mèche qui pourrait finir par allumer une nouvelle conflagration meurtrière à travers toute la région.

Aucun des partis politiques en présence, que ce soit du côté de la communauté macédonienne (c’est-à-dire parlant la langue macédonienne) ou du côté de la communauté albanaise, ne représente les intérêts du peuple. Ces partis ne sont plus que des cliques rivales dans la lutte pour s’approprier les ressources naturelles et productives du pays. Le gouvernement est détesté par la vaste majorité de la population, mais il n’existe actuellement aucune alternative organisée. Les dirigeants des organisations syndicales manquent totalement d’efficacité, quand ils n’ont pas été directement achetés par les capitalistes. Et pourtant, la grève récente et massivement suivie des salariés du Ministère de la Justice donnait un aperçu de la puissance potentielle des travailleurs du pays. Pendant trois mois, les grévistes ont tenu tête à l’hostilité du gouvernement, de la presse et de toute la classe dirigeante. La tragédie de la Macédoine, c’est qu’en l’absence d’un parti socialiste et internationaliste capable d’organiser la lutte contre le capitalisme, le vide est comblé par le nationalisme, et ce dans les deux communautés.

Les but des pays impérialistes européens - notamment la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne et l’Italie - et des États-Unis est de conserver leurs intérêts stratégiques et économiques dans la région. A cette fin, ces puissances jouent les peuples les uns contre les autres, afin de les rendre tous totalement dépendants du bon vouloir de ce que l’on appelle courtoisement la "communauté internationale". En 1999, l’OTAN se présentait en champion des Albanais du Kosovo et des "libérateurs" qu’étaient, selon les médias, les milices de l’UCK combattant Belgrade. Aujourd’hui, l’OTAN s’appuie sur Belgrade et le gouvernement macédonien pour porter un coup à l’UCK, dont on feint de découvrir le côté racketteur et mafieux. L’OTAN, comme nous l’avons dit pendant le bombardement de la Serbie, n’acceptera jamais l’indépendance du Kosovo, précisément pour éviter l’émergence d’une "Grande Albanie", qui déstabiliserait immédiatement la Macédoine. Ainsi, les "amis" d’hier de l’OTAN sont devenu ses ennemis d’aujourd’hui, et, dans les secteurs du Kosovo sous contrôle américain, on assiste à une vague d’arrestations de "terroristes albanais" qui étaient autrefois accueillis à bras ouverts dans les camps d’entraînement militaire de l’armée américaine.

La dernière guerre menée par l’OTAN contre la Serbie n’a strictement rien résolu, ni du point de vue des peuples de l’ex-Yougoslavie, ni même du point de vue des grandes puissances. L’OTAN, qui se trouve aujourd’hui englué dans une région encore plus instable et explosive qu’elle ne l’était avant le bombardement de la Serbie, cherche à "contenir" les tensions nationales de la Macédoine. Dans un premier temps, elle pourra sans doute le faire. Cependant, les problèmes sociaux et économiques ne cessent de s’aggraver. Les "mini-états" comme la Macédoine, tout comme la Bosnie, la Croatie ou encore la Serbie, ne sont pas viables. Morcelés, dominés par des cliques mafieuses, ils sont une proie facile pour les grandes puissances, et leur "indépendance" n’est qu’une farce. Puisque la "question de pain" ne peut être réglée de cette façon, le nationalisme ressurgira prochainement en Macédoine et ailleurs dans les Balkans avec une violence redoublée.

La seule solution possible pour les Balkans est celle d’une nouvelle fédération des États de la région, et ceci, à son tour, n’est possible que sur la base du socialisme. Qui, dans toute l’ex-Yougoslavie, sauf la petite minorité criminelle qui occupe les postes gouvernementaux et les mafieux, n’a pas terriblement souffert du démembrement du pays et du retour du capitalisme ? Qui n’a pas souffert de ces guerres fratricides insensées ? Il est nécessaire de réunir les ressources des Balkans et de les mettre au service de l’ensemble de la société, indépendamment des questions de nationalité et de religion, et selon un plan de production démocratiquement élaboré dans l’intérêt de tous. Ceci permettrait d’éloigner les prédateurs capitalistes européens et américains, et jetterait les bases d’une ère de prospérité pour les peuples balkaniques. Tôt ou tard, les travailleurs et les jeunes yougoslaves trouveront le chemin vers ce programme socialiste et internationaliste, le seul qui puisse leur offrir un avenir digne de leur culture et de leur histoire.

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