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L’usine Lubrizol qui a subi un énorme incendie, le 26 septembre dernier à Rouen, produisait des additifs pour lubrifiants industriels et carburants. Depuis 2009, elle était classée Seveso « seuil haut » : ses activités impliquaient des substances chimiques très dangereuses.

Pourtant, lors de l’incendie, le préfet a déclaré que les épaisses fumées ne présentaient « pas de toxicité aiguë ». A en croire les autorités, les additifs d’hydrocarbures qui brûlaient ne présentaient pas de risque majeur. Or, outre leurs effets immédiats (toux, maux de tête, etc.), les hydrocarbures, les poussières et les suies sont des substances cancérogènes. Mais pas de quoi inquiéter la préfecture de Seine-Maritime et le gouvernement, qui ont invité les habitants de Rouen à nettoyer eux-mêmes les retombées, à condition de se protéger avec un masque et des gants ! Ces « précautions » homéopathiques n’ont pas empêché les Rouennais d’être malades. Ils sont inquiets pour leur santé, à juste titre.

L’Etat complice de Lubrizol

Comme l’a rappelé l’Union Départementale CGT 76, « nous savons d’expérience qu’il est impossible de faire confiance à cette communication étatique, qui se veut rassurante ». En 2013, après un incident sur le même site industriel de Lubrizol, la préfecture de Rouen et la ministre de l’Ecologie de l’époque, Delphine Batho, avaient dissimulé des informations sur la composition du nuage qui s’était dégagé – et sur les risques sanitaires qu’il présentait.

Cette année, il a fallu attendre une semaine – et passer par plusieurs mensonges – avant que la liste des produits consumés dans l’incendie soit diffusée. Fin octobre, près d’un mois après l’incendie, le PDG américain du groupe, Eric Schnur, a osé affirmer aux médias que ces produits ne présentaient « aucune menace sur la santé ». En réalité, les agriculteurs ont été obligés de confiner ou interrompre leur production, face à un risque écologique encore indéterminé, mais certainement très élevé : empoisonnement des sols et des nappes phréatiques, animaux malades, etc.

La sincérité des pouvoirs publics est remise en cause par la population. De fait, l’Etat est incapable d’assumer ses responsabilités. Après l’explosion d’AZF à Toulouse, en 2001, le gouvernement de l’époque avait fait adopter un nouveau régime d’indemnisation des victimes de « catastrophes technologiques ». Ce régime prévoyait notamment que les assurances couvrent les frais de relogement ou de réhabilitation des logements exposés. Mais dans le cas de Lubrizol, le gouvernement n’a pas déclaré l’état de catastrophe technologique. Les expertises exigées par les assurances sont donc bloquées ; ce sont les habitants eux-mêmes qui doivent s’en acquitter pour résoudre leurs problèmes de logement (lorsqu’ils en ont les moyens !). Et, bien sûr, aucun plan d’évacuation de la population vivant près du site n’avait été prévu.

L’austérité nuit à la santé

Les politiques d’austérité rendent le gouvernement directement responsable : du fait du manque de moyens et d’effectifs, les inspecteurs de la DREAL [1] ne pouvaient pas accomplir correctement leur mission de contrôle des sites à risque. Il en allait de même pour l’inspection du travail, alors que, pourtant, le site de Lubrizol nécessitait l’application de règles strictes. Même les pompiers qui sont intervenus sur le site ont été victimes d’un manque de moyens.

Au lieu de s’améliorer, la réglementation s’est assouplie : en 2018, la préfecture de Rouen s’est vue confier la responsabilité de l’évaluation environnementale des projets du site, alors qu’elle était jusqu’alors réalisée par une autorité indépendante (dans le cas d’une modification des installations). Cette souplesse a permis à la direction de Lubrizol d’augmenter le stockage de substances dangereuses en 2019, sans évaluation environnementale préalable, considérée comme inutile par le préfet.

Les salariés payent les pots cassés

La suppression des CHSCT [2] dans les entreprises, l’absence d’autorités indépendantes et le faible financement des contrôles ont préparé le terrain à ce type d’accidents. En gardant le silence et en refusant de prendre leurs responsabilités, l’Etat et la direction de l’usine se déchargent sur les employés du site, ce qui renforce leur sentiment d’insécurité au travail – et d’injustice. En outre, la question se pose : quel sera le sort des salariés de Lubrizol ? Trouveront-ils un emploi sur un nouveau site ? Eric Schnur l’a promis, mais comment le croire ?

La course aux profits des propriétaires de Lubrizol et les politiques d’austérité du gouvernement sont les véritables responsables de la catastrophe. Mensonges d’Etat, destruction de l’environnement, insécurité et précarité croissantes des travailleurs et des habitants : à Rouen, Lubrizol a résumé le bilan du capitalisme.

On ne doit pas laisser des sites industriels dangereux entre les mains des capitalistes. La course au profit est incompatible avec la sécurité. Le mouvement ouvrier doit tirer les leçons de cette catastrophe et mener campagne pour la nationalisation de toutes les entreprises Seveso, sous le contrôle démocratique des travailleurs, des syndicats et de spécialistes disposant de tous les moyens nécessaires.


[1] Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement

[2] Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail

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