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Le 22 février, Olivier Véran a levé une partie du voile qui recouvre la « Loi Plein Emploi » concoctée en coulisses par le gouvernement. Après avoir diminué de 16 % l’allocation chômage, en moyenne, et nettement réduit la durée d’indemnisation des chômeurs, le gouvernement compte une nouvelle fois s’attaquer aux travailleurs privés d’emploi.

« France Travail »

Cette contre-réforme, dont le détail est annoncé pour le printemps, est censée instituer « France travail » par la fusion de la plupart des services publics de l’emploi : Pôle emploi, les missions locales, l’AFPA, Cap emploi, etc. Bien que le contenu précis de la réforme reste flou, à ce stade, ses objectifs sont déjà clairs : faire des économies, augmenter le contrôle des chômeurs et les orienter de force vers les secteurs qui peinent à recruter du fait de mauvaises conditions de travail et de rémunération.

La volonté initiale du gouvernement était d’aller vers un guichet unique pour toutes les structures liées à l’emploi. Mais à cause des difficultés liées à la fusion (regroupement et formation des agents, réorganisation, locaux), les syndicats craignent que la mesure consiste plutôt dans la mise en place d’une plateforme numérique commune, ce qui éloignerait encore plus les usagers de leur service public. Pôle emploi contraint déjà les usagers à utiliser ses services en ligne pour toutes leurs démarches. En conséquence, de nombreux chômeurs ont des difficultés d’accès à leurs droits.

Avec cette réforme, tous les bénéficiaires du RSA devront s’inscrire à Pôle emploi, ce qui provoquera un afflux supplémentaire dans les agences, dans un contexte où les conseillers dénoncent déjà un manque de moyens humains et financiers. Pour ne rien arranger, la fusion permettra vraisemblablement la suppression de postes « doublons », et donc le licenciement d’une partie du personnel des infrastructures préexistantes.

Un RSA sous condition

L’une des missions de « France Travail » sera de contrôler les bénéficiaires du RSA et de conditionner le versement de leur allocation à la réalisation de 15 à 20 heures d’activités hebdomadaires. Il sera demandé aux bénéficiaires du RSA d’assister à des ateliers collectifs, à des réunions avec un conseiller, ou encore d’effectuer des périodes d’immersion professionnelle. Par conséquent, la CGT redoute que des collectivités ou des entreprises utilisent les allocataires du RSA comme main d’œuvre d’appoint gratuite, au lieu d’embaucher. La mesure est d’ores et déjà en test dans une vingtaine de territoires.

Le RSA constitue le dernier filet de secours avant de tomber dans l’extrême pauvreté. Conditionner son attribution, c’est mettre un couteau sous la gorge de nombreuses personnes qui n’ont que cela pour survivre.

Contrôle accru

Selon Le Figaro, il y aurait eu 500 000 contrôles en 2022, contre 400 000 en 2019. Le nombre de radiations est passé de 42 000 par mois (en moyenne) en 2021 à 50 000 en 2022. Avec « France Travail », le gouvernement veut encore renforcer la surveillance de tous les sans-emplois (chômeurs et bénéficiaires du RSA), notamment au nom de la lutte contre la « fraude sociale ».

En 2019, un rapport de Pôle emploi chiffrait la fraude aux allocations chômage à 212 millions d’euros, soit 0,57 % des 37 milliards d’euros versés par la structure. Pendant ce temps, des milliards d’euros d’argent public sont versés, chaque année, dans les coffres des grands capitalistes !

Plein emploi ?

Le porte-parole du gouvernement prétend que la réforme permettra d’accélérer « la réinsertion vers l’emploi de tous ceux qui le peuvent à l’heure où notre pays connaîtra bientôt le plein emploi ». En réalité, comme nous l’écrivions récemment dans ce journal, « le “plein emploi” n’est pas le véritable objectif du gouvernement. Ce n’est qu’un prétexte pour : 1) forcer une petite minorité des chômeurs à accepter des emplois à la fois pénibles et mal payés ; 2) réaliser des milliards d’euros d’économie en aggravant la misère de tous les autres chômeurs. »

Ces dernières années, la baisse du taux de chômage officiel s’est accompagnée d’une augmentation du nombre d’emplois précaires et « ubérisés ». Selon l’INSEE, le taux d’emploi en CDI a baissé de 0,2 % par rapport à son niveau d’avant la crise sanitaire, tandis que l’emploi en CDD ou en intérim a augmenté de 0,4 %, et l’emploi des « indépendants » de 0,6 %.

Pour faire passer la pilule, le gouvernement compte enrober sa réforme avec des mesures « en faveur des salariés ». Véran évoque la semaine de quatre jours « là où c’est faisable », même s’« il n’est pas question de l’ériger en loi ou en règle », insiste-t-il. Autrement dit : sa mise en place dépendra du bon vouloir des patrons. Mais surtout, sans baisse du volume horaire global, cette mesure reviendrait dans les faits à augmenter le nombre d’heures travaillées chacun des quatre jours…

Le ministre évoque aussi la généralisation de l’intéressement et de la participation. Or bien souvent, ces primes sont conditionnées à l’atteinte d’objectifs nuisant aux conditions de travail – et constituent un prétexte pour ne pas augmenter les salaires.

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