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Nous avons reçu cette lettre de Robert Schley, membre du PS à Orly et président de la Gauche Socialiste dans le Val de Marne, à propos de notre document Perspectives pour la France, suivie de nos commentaires

Chers camarades,

Les Perspectives pour la France, texte publié par La Riposte, présente une analyse - d’ailleurs pertinente - du contexte économique passé et actuel, une critique des forces politiques françaises, de gauche comme de droite et d’extrême droite, ainsi qu’une ligne d’action pour La Riposte au sein de la gauche politique et syndicale.

Concernant l’analyse de la situation économique, on l’a dit, elle est pertinente, mais toutefois la présentation qui est donnée de la succession des cycles croissance-récession est discutable. S’il est vrai que La Riposte avait prévu l’arrêt de la croissance en France qui s’est produit en 2001, alors que la Gauche Socialiste, notamment, s’attendait à un cycle long de croissance, cet effet n’était pas mécanique, car l’économie n’est pas une science exacte et ses évolutions sont aléatoires. Les événements du 11 septembre 2001 n’étaient pas à priori prévisibles et s’ils n’avaient pas eu lieu, la face des choses aurait changé, la guerre entre Israël et Palestine n’aurait pas pris le caractère aigu actuel, etc...

L’affirmation que la gauche plurielle a plus privatisé que Juppé et Balladur réunis n’est pas étayée par des chiffres précis et incontestables ; à l’inverse, la Gauche Socialiste avance que les entreprises privatisées par la droite entre 1986 et 1995 représentent 36% du CAC 40 contre 5% pour les opérations effectuées depuis 1997. A capitalisation boursière constante, les privatisations effectuées par la droite ont été six fois plus importantes que les diverses ventes d’actifs opérées depuis 1997. Qui dit vrai ? La Riposte ou la GS ? La polémique ne suffit pas, il faut débattre sur des bases vérifiables.

Certes, le gouvernement de gauche mérite de sévères reproches pour s’être par trop éloigné d’une politique socialiste. Toutefois, ne lui reconnaître comme éléments positifs que la CMU et les emplois jeunes est quelque peu réducteur. Vous avez occulté les réformes pour le moins progressistes, sinon révolutionnaires, instituées par le gouvernement de gauche telles que les 35 heures, la loi de modernisation sociale, la loi sur l’indépendance de la justice et la responsabilité des magistrats, la loi sur le cumul des mandats, la loi sur la présomption d’innocence, la loi sur le PACS, ou encore la loi d’orientation contre les exclusions ...

Fraternellement,

Robert Schley


La lettre de Robert Schley, pour laquelle nous le remercions, appelle quelques précisions et explications de notre part.

Tout d’abord, concernant le cycle économique, Robert Schley a parfaitement raison de souligner que l’économie n’est pas une science exacte et qu’il était impossible de prévoir précisément et avec certitude quand la récession actuelle allait commencer. Toutes sortes de facteurs interviennent dans le processus économique, à l’échelle nationale et internationale, qui excluent la possibilité de faire de telles prévisions. Cependant, la différence entre La Riposte et la Gauche Socialiste portait davantage, dans le fond, sur la viabilité à long terme du système capitaliste. Se laissant impressionner par les taux de croissance conjoncturels, la Gauche Socialiste prétendait que l’économie mondiale était dans une "onde longue" de croissance comparable aux "trente glorieuses". Nous expliquions au contraire - sur la base d’un certain nombre d’indices, comme par exemple l’endettement massif des ménages américains - qu’une nouvelle récession était inévitable à court terme, aux États-Unis et à l’échelle mondiale. Nous avons émis l’hypothèse - forcément approximative - que la récession en France pourrait intervenir vers le milieu de l’année 2001. Cette prévision s’est avérée exacte. Quoiqu’il en soit, la récession, aux États-Unis comme en France, a commencé plusieurs mois avant les attentats du 11 septembre 2001, qui n’en étaient pas la cause. Fondamentalement, l’actuelle récession mondiale est une crise de surproduction, qui s’est produite pour les raisons mises en lumière dans la théorie économique de Marx.

Concernant les privatisations réalisées par Jospin, personne ne devrait s’étonner que les dirigeants nationaux de la Gauche Socialiste cherchent à minimiser l’étendue de cet aspect de l’action du gouvernement de gauche. En échange de postes gouvernementaux et autres "reconnaissances", ils ont accepté de ne pas contester les privatisations en question. Disons d’emblée que, quelle que soit l’ampleur du démantèlement du secteur public par un gouvernement de gauche, ceci doit être résolument condamné et combattu, ce que la direction de la Gauche Socialiste n’a pas fait. Mais venons-en aux chiffres. Dans La Riposte, nous avons dit que les privatisations réalisées par Jospin étaient plus importantes, en valeur, que celles réalisées par les gouvernements de Balladur et de Juppé réunis. Ceci est tout à fait incontestable. Les ventes d’entreprises publiques sous Balladur ont représenté 17 milliards d’euros ; celles sous Juppé 9,4 milliards d’euros, et celles sous Jospin 31 milliards. Les chiffres du Ministère des Finances, de l’Union Européenne, et des enquêtes menées par Le Monde en France et l’Observateur en Grande-Bretagne, s’accordent, à quelques centaines de millions d’euros près, sur ces estimations.

Enfin, sur le dernier points soulevés par Robert, nous ne nions pas qu’il y a eu quelques réformes positives sous Jospin, mais nous disons que celles-ci ont été trop superficielles pour empêcher une dégradation générale des conditions de vie de la majorité de la population, sans oublier que d’autres mesures du gouvernement, dont les privatisations, ont directement contribué à cette dégradation. "Le réformiste, de nos jours, écrivions-nous dans nos Perspectives pour la France, ressemble à un homme qui tente de monter, lentement et péniblement, un escalier automatique descendant. A notre époque, le capitalisme - en temps de reprise et plus encore en temps de récession - constitue un obstacle à tout progrès social durable, et annule les progrès antérieurs."

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