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Depuis 1991 et la restauration du capitalisme dans les pays de l’ex-URSS, il n’y avait pratiquement pas eu de luttes de la classe ouvrière dans les pays baltes. Cela commence à changer, comme l’a montré l’annonce d’une grève nationale de trois jours en Lettonie.

La « vieille taupe »

Selon les chiffres de l’OCDE, entre l’an 2000 et 2010, la Lettonie a connu chaque année une moyenne de zéro jour de grèves pour 1000 travailleurs. Si ce chiffre est à prendre avec des pincettes, notamment parce qu’il n’inclut pas les grèves illégales et celles du secteur public, il reste néanmoins frappant.

Ni l’effondrement de l’économie après la dislocation de l’URSS (en 1992, le PIB letton a chuté de 32 %), ni le départ de près du tiers de la population depuis 1991, ni la crise de 2008 n’avaient eu d’impact sur la lutte des classes. C’était principalement le résultat de l’intense vague nationaliste que la bourgeoisie a suscitée pendant et après le processus d’indépendance du pays. Cette vague s’est notamment manifestée par une virulente campagne de propagande contre l’importante minorité russophone.

Sous la surface, la « vieille taupe » de l’histoire n’en sapait pas moins les fondations de la société lettone. La crise économique, la pandémie et la guerre en Ukraine – trois conséquences de la crise organique du capitalisme – ont bouleversé la situation.

Outre la flambée des prix de l’énergie, les travailleurs et la jeunesse du pays sont frappés de plein fouet par une inflation généralisée. Les prix des biens de consommation ont augmenté de 20,3 % entre février 2022 et février 2023. Inévitablement, cette situation a poussé une fraction de la classe ouvrière à entrer dans la lutte.

Manœuvres gouvernementales

En septembre 2022, le principal syndicat des enseignants du pays, LIZDA, avait annoncé une grève pour protester contre l’aggravation continue des conditions de travail et la chute du salaire réel des enseignants. Quelques jours avant le début de la grève, le gouvernement a conclu un accord avec la direction de LIZDA, qui a renoncé à la mobilisation en échange d’un certain nombre de concessions, dont une promesse de hausses des salaires.

Mais début février, lorsque le Premier ministre Krisjanis Karins a présenté son budget pour 2023, il a annoncé que cette hausse des salaires serait doublée d’une « optimisation du réseau scolaire », c’est-à-dire des coupes budgétaires et une aggravation des conditions de travail. Par ailleurs, ces augmentations seront inférieures à l’inflation et ne concerneront qu’une partie des enseignants. LIZDA a calculé que près d’un quart d’entre eux n’en bénéficierait pas du tout. Cerise sur le gâteau, Karins a ajouté que ces hausses de salaire ne seront pas immédiates, mais s’étaleront sur trois ans, jusqu’en décembre 2025.

C’était une violation des promesses faites aux dirigeants de LIZDA. Ceux-ci ont répondu par un ultimatum : ils laissaient au gouvernement jusqu’au 15 mars pour amender le budget dans le sens de l’accord de septembre.

Le gouvernement a alors prétendu qu’il était prêt à augmenter les salaires des enseignants, mais qu’il faudrait, dans ce cas, augmenter la TVA ou couper dans le budget militaire, dans les pensions de retraite ou dans le budget de la santé. C’est une tentative évidente de monter les travailleurs les uns contre les autres. Par ailleurs, en mettant le budget de la défense dans l’équation, le gouvernement agite l’épouvantail de la « menace russe », au nom de laquelle les travailleurs devraient se serrer la ceinture.

Traditions révolutionnaires

Le gouvernement n’a jamais eu l’intention de respecter ses engagements vis-à-vis de LIZDA. Son objectif était de gagner du temps pour manœuvrer et monter une campagne de propagande présentant les enseignants comme des « profiteurs » et des « privilégiés ». Par conséquent, LIZDA a appelé à une grande manifestation, le 24 avril, et à trois jours de grèves à la fin du mois. Signe de l’échec de la propagande gouvernementale, le syndicat des travailleurs de la santé, LAB, a appelé à la grève aux côtés des enseignants.

A l’heure où nous écrivons ces lignes (20 avril), la grève n’a pas encore commencé, mais sa simple annonce marque déjà un profond changement. La « paix entre les classes » qu’a connue le capitalisme letton – c’est-à-dire, en réalité, la guerre unilatérale du patronat contre les travailleurs – était le fruit de l’effondrement du stalinisme. Cette période touche à sa fin.

La crise du capitalisme force des couches croissantes de la classe ouvrière lettone à lutter pour défendre leurs conditions de vie. Dans la lutte, elles seront progressivement amenées à renouer avec les grandes traditions révolutionnaires du mouvement ouvrier letton – et à tirer des conclusions radicales : les ressources qui sont nécessaires à leur bien-être existent, mais elles sont accaparées par une petite minorité d’exploiteurs. Il faut donc arracher les grands moyens de production des mains de ces profiteurs !

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