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Clara Zetkin

Le 8 mars est reconnu « journée internationale des femmes » par l’ONU depuis 1977. Elle célèbre les droits des femmes et leurs accomplissements. Cette institutionnalisation du 8 mars vise à faire oublier ses origines révolutionnaires.

Journée internationale des travailleuses

Dès 1910, la révolutionnaire Clara Zetkin, alors membre du parti social-démocrate allemand, propose l’instauration d’une « Journée internationale des travailleuses ». Comme son nom l’indique, cette journée s’adresse aux femmes travailleuses. Elle se distingue clairement des mouvements féministes libéraux qui se développent à l’époque (notamment celui des « suffragettes » au Royaume-Uni), et dont les revendications concernent surtout les femmes des classes supérieures.

Le mouvement socialiste international est alors convaincu que l’oppression des femmes plonge ses racines dans la société de classes elle-même. A partir de 1907, l’Internationale socialiste (la IIe Internationale) organise des « Conférences des femmes socialistes » pour définir les objectifs et revendications de la lutte pour l’émancipation complète des femmes, aussi bien sur le plan social que politique. C’est lors d’une de ces conférences qu’est adopté le principe d’une journée consacrée à ces luttes. Elle a pour but de promouvoir l’égalité des droits (dont le droit de vote), de s’élever contre toute discrimination de genre, mais aussi d’unir cette lutte au combat pour le renversement du capitalisme.

En 1911, plus d’un million de personnes à travers l’Europe se mobilisent pour la première « Journée internationale des travailleuses ». A Vienne, des femmes rendent hommage aux femmes de la Commune de Paris, première Révolution ouvrière de l’histoire. Ainsi, elles revendiquent l’héritage des Parisiennes qui ont défendu héroïquement leur révolution. Pendant quelques semaines, elles ont formellement obtenu la reconnaissance des unions libres, la séparation de l’Eglise et de l’Etat – et le début d’une égalité salariale.

Femmes révolutionnaires

En 1917, la Révolution russe débute lors de la Journée internationale des travailleuses. Les ouvrières de Petrograd manifestent contre la guerre, contre les pénuries alimentaires et contre le régime tsariste. Les travailleuses du textile quittent leurs usines et envoient des déléguées chercher des soutiens pour leur grève. Cela mène à une grève massive et, cinq jours plus tard, à la chute du tsarisme.

Après la révolution d’Octobre 1917, la jeune Russie soviétique permet la conquête rapide de droits civils que les régimes capitalistes refusaient de garantir, à la même époque. En quelques années, la Russie adopte le droit de vote pour les femmes, l’égalité juridique entre époux et la facilitation des procédures de divorce. Elle décriminalise la prostitution tout en mettant en place un programme de services sociaux dont les femmes sont les premières bénéficiaires. C’est aussi le premier pays au monde à légaliser l’avortement et l’homosexualité. Dans le même temps, la participation des travailleuses à la gestion de la production ouvre la possibilité d’une véritable émancipation des femmes.

Ces avancées ne sont pas le seul travail de quelques militantes combatives. Conscients du rôle décisif des femmes dans la Révolution, les bolcheviks créent les « Genotdel », des comités mandatés pour contribuer à la mobilisation des femmes et à leur éducation politique.

Cependant, à partir de la fin des années 20, la dégénérescence bureaucratique (stalinienne) de la Révolution russe aboutit à la suppression des Genotdel et à l’abrogation des lois émancipatrices, les unes après les autres – sous prétexte que « l’égalité est acquise » en URSS ! Le 8 mars y devient une journée de célébration apolitique : les femmes ont droit à des fleurs ou des chocolats.

Dépolitisation du 8 mars

Depuis, les classes capitalistes se sont appropriées le 8 mars. Elles ont effacé ses origines socialistes et l’ont transformé en « Journée des femmes ». Au-delà de son détournement commercial détestable, le 8 mars est trop souvent une célébration consensuelle des luttes passées, comme si aujourd’hui les femmes étaient émancipées (ou presque).

Les médias mettent en avant les accomplissements individuels de femmes, leurs qualités personnelles ou les hautes responsabilités qu’elles occupent. On prétend que la première (sinon unique) barrière à la réussite des femmes est le manque de figures « inspirantes » – et qu’un plus grand nombre de femmes PDG changerait la face du monde.

Cette vision aseptisée des luttes féminines est mensongère et réactionnaire. Ce ne sont pas les stéréotypes sexistes qui entravent la réussite des femmes, car ces normes ne sont elles-mêmes que le reflet de conditions matérielles et concrètes. Par exemple, en France, l’écart de salaire entre hommes et femmes est de 22,8 %. Les mères sont contraintes aux temps-partiels pour compenser le manque de services publics de l’enfance et de la petite-enfance. Une mère célibataire sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Les politiques d’austérité aggravent sans cesse les inégalités – et les femmes les plus pauvres en sont les premières victimes.

Fondé sur l’exploitation, le système capitaliste est en contradiction complète avec les aspirations à l’égalité. Les origines socialistes du 8 mars nous rappellent que pour triompher, les luttes des femmes doivent se combiner avec un programme socialiste, seul capable de mettre fin à toutes les oppressions.

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