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Il fut un temps où obtenir un doctorat en sciences permettait d’accéder à un poste de statutaire (CDI) dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR). Progressivement, avec la réduction des effectifs de la fonction publique et du budget de l’ESR, les postes de statutaires sont devenus rares et la sélection s’est accrue. Ainsi, on a exigé des docteurs en science une « mobilité post-doctorale », c’est-à-dire une expérience professionnelle, avant d’obtenir un poste fixe à l’ESR.

Avant 2008, la plupart des jeunes docteurs ne considéraient pas cette sélection comme un gros problème. Ils trouvaient logique, dans une certaine mesure, d’avoir à prouver leur valeur par l’accumulation d’expériences professionnelles, souvent à l’étranger, avec publication de leurs travaux dans des revues scientifiques. L’obtention d’un poste fixe se faisait « au mérite », en quelque sorte. Mais avec la crise économique et la cure d’austérité en France, les réductions de postes sont devenues tellement drastiques (–15 % entre 2008 et 2011) que les illusions des jeunes docteurs en CDD sur leur avenir professionnel sont en train de voler en éclat.

En 2011, les chercheurs contractuels constituaient près de 20 % de la totalité des chercheurs (hors doctorant) en France. La loi Sauvadet (mars 2012), qui « oblige » à titulariser tout contractuel de la fonction publique qui a passé plus de 5 ans sur un même poste, n’a rien changé au problème. En un sens, elle l’a aggravé. Au lieu de limiter le recours aux CDD dans la fonction publique (jusqu’à une dizaine d’années de CDD dans certains laboratoires de recherche), cette loi a ouvert une vaste chasse au personnel contractuel correspondant aux conditions de titularisation définies par la loi.

Conséquence directe de cette situation, les jeunes docteurs en science, dont beaucoup sacrifient leur vie personnelle pour construire leur CV, se retrouvent dans des impasses professionnelles. Ils sont soit bloqués à l’étranger faute de laboratoire d’accueil en France, soit condamnés à alterner sans cesse les CDD et les périodes de chômage. La France a le plus fort taux de chômage chez les docteurs de l’OCDE. C’est toute une génération de chercheurs à qui on refuse du travail et qui, par désespoir, choisit de fuir la recherche publique ou privée.

Face à la crise, les gouvernements ne cessent de proclamer que l’innovation et l’invention sont des leviers de la reprise économique. Mais c’est surtout un prétexte pour inonder les entreprises d’argent au moyen du « crédit impôt recherche ». Sur le terrain, les jeunes docteurs sont de plus en plus précaires – et l’ESR français se meurt.

Cette situation montre que la crise frappe des couches de travailleurs autrefois « privilégiés », ou qui du moins se considéraient comme tels. Confrontés à l’immense gâchis économique et humain que provoque le capitalisme, les jeunes chercheurs accumulent colère et amertume. Elles se sont déjà exprimées à travers le « collectif des précaires de la recherche ». Cependant, du fait de leur précarité et de leur mobilité forcée, peu de chercheurs contractuels se syndiquent. A cela s’ajoute la tendance des syndicats à se contenter de défendre et organiser les titulaires. Il faut que cela change. Il faut organiser les précaires de l’ESR et les mobiliser dans la lutte contre les coupes, les réductions des budgets, l’enfer de la précarité – et contre le système capitaliste sur lequel tout ceci repose.

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