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Fin octobre, une tribune signée par plus de 4000 soignants en pédiatrie alertait sur la situation catastrophique dans leurs services, qui sont confrontés notamment à l’épidémie de bronchiolite hivernale [1]. Adressé à Macron, ce texte s’ajoute à la très longue liste des lettres de soignants tirant la sonnette d’alarme sur la crise de l’hôpital public. Il finira dans la même poubelle.

Naufrage

Cette année, l’épidémie de bronchiolite accélère plus vite et touche davantage d’enfants que les années précédentes. Durant la semaine du 24 au 30 octobre, plus de 6000 enfants ont été admis aux urgences pour bronchiolite, soit près de 50 % de plus que la semaine précédente. Le tiers des admis doivent être hospitalisés.

Cette épidémie vient frapper des services de santé très affaiblis. Résultat : on déprogramme des soins, on transfère des patients en réanimation d’une région à une autre (faute de places), et l’attente aux urgences pédiatriques devient beaucoup trop longue. Il arrive fréquemment que des cas nécessitant des soins prioritaires attendent un médecin pendant plus d’une heure, tandis que des cas moins urgents s’agglutinent pendant cinq, six, voire neuf heures dans des salles d’attentes bondées.

Du côté des soignants, les cadences infernales et l’impuissance face au mal-être des patients nous affectent physiquement et moralement. Il n’est pas rare de voir des collègues fondre en larmes dans un couloir, ou de devoir attendre plus de dix heures avant de manger et d’aller aux toilettes. Exaspérés d’être traités comme du bétail, des parents nous crient dessus. Ces scènes ubuesques sont notre lot quotidien. Ceux qui ne peuvent plus encaisser quittent le navire ; les autres souffrent en silence.

Pour se défausser de ses responsabilités, le gouvernement explique la crise de nos services par l’intensité de l’épidémie, cette année. Mais cette épidémie n’est pas un tsunami imprévisible et auquel rien ne pourrait résister. Si l’hôpital est au bord du gouffre, c’est d’abord à cause des politiques d’austérité qui, ces deux dernières décennies, n’ont cessé de l’abîmer.

Homéopathie

Depuis la crise du Covid, le gouvernement se targue d’avoir « investi » dans l’hôpital public. Après la mauvaise farce du « Ségur de la santé » [2], il a récemment annoncé qu’une enveloppe de 400 millions d’euros allait permettre de « revaloriser la rémunération » du travail de nuit et des soignants de services « sous tension ». Reste à voir ce qu’il en sera sur les fiches de paie – et qui sera concerné : entre les annonces publiques et les actes de ce gouvernement, il y a souvent un gouffre. Dans tous les cas, le problème est trop profond pour être réglé par quelques augmentations de salaire ciblées. On ne traite pas un cancer avec des mesures homéopathiques.

Pour répondre aux revendications salariales formulées par les syndicats de soignants, compte tenu de l’inflation, il faudrait beaucoup plus que 400 millions d’euros. Mais surtout, si on veut soigner notre système de santé, il faut en finir avec toutes les mesures d’austérité, à commencer par les suppressions de lits – qui continuent – et le système de tarification à l’activité (T2A), qui depuis 2004 organise une véritable marchandisation des soins.

Contrôle ouvrier

L’heure n’est plus seulement aux pétitions et doléances adressées aux directions d’hôpitaux et au gouvernement. Contrairement à ce qu’on entend souvent, à gauche, les politiques d’austérité ne relèvent pas de l’« idéologie ». Elles découlent d’un fait objectif : Macron défend les intérêts de la bourgeoisie, qui en période de crise exige des coupes franches dans les services publics – au profit du secteur privé. Et si la population en souffre, les millionnaires s’en lavent les mains, car ils seront bien soignés, eux.

 Face au chaos général, seuls les travailleurs de la santé eux-mêmes peuvent remettre de l’ordre. Des mesures immédiates doivent être prises pour, au minimum, sauver l’hôpital du naufrage. Les soignants connaissent la réalité de leurs services et savent ce dont ils ont besoin. Aussi doivent-ils prendre en main l’organisation du travail, les commandes de matériel dans les services, et même l’embauche de soignants et d’autres personnels (ASH [3], logisticiens, secrétaires…). Ils doivent mettre leur véto aux licenciements abusifs, avoir un droit de regard sur toutes les informations et décisions internes aux services. Ces mesures de « contrôle ouvrier », qu’impose l’urgence de la situation, doivent être promues et défendues par les syndicats et collectifs de soignants.

Dans le même temps, la gauche et le mouvement ouvrier doivent passer à l’offensive et lutter pour la nationalisation de l’ensemble du secteur privé – cliniques et hôpitaux privés, industrie pharmaceutique, etc. – sous le contrôle démocratique des travailleurs. C’est le seul moyen d’en finir avec le scandale d’une santé publique rongée par la course aux profits.


[1] Maladie respiratoire fréquente, chaque hiver, chez les nourrissons et les enfants de moins de 2 ans.

[2] Lire notre article : Ségur de la santé : des miettes, des promesses et des menaces.

[3] Agents de service hospitalier : ils réalisent toute une série de tâches logistiques.

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