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Nous nous sommes rendus à Paris la semaine dernière, pour prendre part au mouvement contre la modification du Code du travail. Cette loi, appelée loi « El Khomri » (nom de la ministre du Travail) est présentée dans le but de généraliser les mauvais contrats à tous les travailleurs débutants, sur le modèle des intérimaires. Les licenciements collectifs seraient également rendus plus faciles. Nous avons participé à la journée nationale d'action du jeudi 31 mars. Le lendemain, nous avons fait part de notre solidarité lors dans l’assemblée générale de Paris 8 à Saint Denis.

A l’origine des mobilisations

Compte tenu du contexte des attentats terroristes et de la déclaration de l'état d'urgence qui a suivi, le gouvernement pensait avoir le champ libre. Il voulait utiliser le moment pour voter une loi largement rejetée par les Français (autour de 70 % de la population française rejetterait la loi). Mais le pari du gouvernement n’a pas pris en compte l’humeur électrique régnant plus particulièrement au sein de la jeunesse. Dès le début, les jeunes ont bravé l'interdiction de manifester imposée par l'état d'urgence, notamment lors des manifestations pendant le sommet climatique à Paris en novembre-décembre.

Dès que la ministre du Travail El Khomri a annoncé la loi, les étudiants, lycéens et jeunes travailleurs ont appelé à la résistance. Par le biais des médias sociaux, ils appelaient à faire du 9 mars une journée d’action à travers le pays. Ils ont organisé des réunions et des assemblées générales d’étudiants. Un appel a également été lancé à l'intention de la population active pour y participer.

Le 31 mars

La journée d'action du jeudi 31 mars était ainsi la quatrième journée nationale d'action. Ce fut un grand succès, d'autant que 1,2 million de personnes sont descendues dans les rues de tout le pays. Ce chiffre est le double de celui de la dernière journée d’action une semaine avant. Cela montre que le mouvement gagne en force. A Marseille, il y avait 120 000 manifestants et à Toulouse 100 000, selon la CGT. A Paris, une masse décidée défilait sous la pluie battante. Parallèlement à ces manifestations, différents secteurs se sont mis en grève : les cheminots, les métallos et les dockers prenant l’initiative d'arrêter le travail.

Dès le début des mobilisations, les réunions et les rassemblements d'étudiants et des lycéens ont été perturbés par des démonstrations de force et de violence de la part des forces de l’ordre. Les heures précédant la manifestation, plusieurs départs collectifs d’étudiants et de lycéens ont été entravés par la police qui a encerclé des jeunes en les menaçant d'arrestation et de coups de bâton. Lors de la manifestation elle-même, il y avait des provocateurs de la police pour donner une excuse afin de charger le défilé de jeunes en tête de la manifestation. Cette répression systématique a pour but d’intimider les jeunes. Elle a cependant eu l'effet inverse : les étudiants sont encore plus déterminés et des vidéos de violences policières font le tour du pays et ne laissent personne indifférent.

Quelles suites ?

Les semaines passées, tous les efforts entrepris avaient pour but de faire du 31 mars une journée d’action réussite. Comme prévu, le gouvernement n'a pas bougé malgré l’ampleur du mouvement. En conséquence, malgré le succès, on doit se poser la question : « quelle suite pour le mouvement ? » La direction du plus grand syndicat, la CGT, a immédiatement annoncé de nouvelles journées d'action le 5 et le 9 avril. Bien que tout le monde reconnaisse la nécessité de nouvelles actions, cette proposition a été accueillie avec une certaine suspicion.

Après tout, depuis le début, la direction de la CGT n’a pas joué son rôle de meneur du mouvement. Au contraire, au début, elle n’a même pas appelé à l'action. Il a fallu la pression des étudiants qui se sont mobilisés, permettant par la suite aux militants de la CGT et d'autres syndicats de se mobiliser, conduisant les directions syndicales à vraiment exprimer leur soutien. Même quand elle donnait ouvertement son appui, ce n’était pas avec détermination. Les grèves n’étaient pas soutenues pleinement d’en haut. Elles ont été obtenues par la force de persuasion des militants syndicaux et des comités d’étudiants qui sont intervenus sur les lieux de travail.

En ce sens, la proposition de journées d'action des 5 et 9 avril est un nouveau signe que le sommet de la CGT agit comme un frein au développement du mouvement plutôt que comme un accélérateur nécessaire. Après tout, avec l’autorité et l’organisation dont il bénéficie, il a toutes les clés en main pour renforcer les mobilisations. Le meilleur moyen d’action à ce stade serait de préparer une grève reconductible jusqu’au retrait de la loi. Ce n’est pas ce que propose la direction de la CGT.

Cette critique est – plus ou moins explicitement – à la base de l'initiative d'occuper des places dans la soirée du 31 mars. L'appel a été suivi dans plusieurs grandes villes. A Paris, 2 à 3000 personnes étaient présentes place de la République. Les participants ont échoué dans leur objectif immédiat d'effectivement occuper les places en raison du manque de soutien de masse et de l'intervention de la police. Cependant, l'action est le signe que la direction de la CGT, qui semble vouloir ralentir le mouvement, ne « contrôle » pas nécessairement tout le mouvement. Tout comme le mouvement a commencé, il pourrait nous fournir encore plus de surprises…

L'AG de Paris 8

De nouvelles assemblées générales ont été organisées dans de nombreuses facultés parisiennes le lendemain de la manifestation afin d’évaluer la journée d'action et de décider de la poursuite du mouvement. Le 1er avril, nous sommes allés à l’AG de Paris 8, un campus situé dans le quartier populaire de Saint-Denis. Ce campus est l'un des épicentres du mouvement : l’amphi était rempli de plus de 500 étudiants et de personnels salariés. Un tour de parole nous a été accordé au début de la réunion pour exprimer notre solidarité. Ci-dessous, nous publions la contribution écrite. Toutes les prises de parole y sont limitées à une minute, une mesure qui veille à ce que tout le monde ait la possibilité de prendre la parole.

« Bonjour,

Nous sommes ici en solidarité avec votre lutte. On vient de la Belgique, nous sommes des étudiants de l'université de Gand et de Bruxelles. Nous faisons partie des Etudiants Marxistes, qui est l’organisation étudiante de la Tendance Marxiste Internationale en Belgique. Voici notre journal que nous publions. On est également présent en France, où on publie le journal Révolution, puisque c’est cela qu’il nous faut !

On est venu pour soutenir, prendre part et de s’inspirer de votre lutte. D’ailleurs, on n’est pas les seuls à venir de la Belgique : hier à la manifestation on a vu d’autres venant de Bruxelles en soutien. Déjà, votre lutte résonne au-delà des frontières.

On suit votre lutte de près. Vu l’atmosphère lourde et paralysante après les attentats de novembre, l’avancée électorale du FN, etc., c’est extrêmement encourageant de voir que la pendule politique s’est de nouveau tournée formidablement à gauche ! On espère qu’on verra la même chose en Belgique.

Pour finir, c’est extrêmement inspirant de voir votre lutte. Vous aviez de formidables traditions de mobilisation et de lutte étudiantes.

Premièrement, les AG (assemblée générale), où les étudiants peuvent s’informer et voter sur la continuation du mouvement est une tradition formidable. On espère qu’on verra renaître ce mécanisme chez les étudiants en Belgique.

Mais aussi la recherche d’unité et les liens forts entre étudiants et travailleurs sont inspirants, c’est ce qui constitue la force du mouvement. »

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