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régionales au Venezuela

Cet article a été publié le 17 décembre 2012, au lendemain des élections régionales au Venzuela, sur le site internet In Defence of Marxism.


Les candidats du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) ont remporté les élections régionales du 16 décembre dans 20 des 23 Etats du pays, y compris 5 qui étaient gouvernés par l’opposition (MUD). L’unique consolation de l’opposition réactionnaire est d’avoir conservé l’Etat stratégique de Miranda où leur candidat présidentiel vaincu, Henrique Capriles Radonski, a battu l’ancien vice-président Elias Jaua.

Les élections régionales interviennent après la victoire de Hugo Chávez à l’élection présidentielle du 7 octobre. Il est clair que la défaite de l’opposition le 7 octobre, alors qu’ils étaient persuadés de leur victoire, a eu un effet démoralisateur dans leurs rangs.

Les candidats bolivariens ont le plus largement gagné à Apure (62 % contre 23 %, alors qu’un autre candidat révolutionnaire a recueilli 14 %), Cojedes (62 — 37), Delta Amacuro (75 — 22), Falcón (50 — 36), Guárico (73 — 26), Portuguesa (53 — 21, avec un autre candidat révolutionnaire obtenant 23 %), Sucre (59 — 36), Trujillo (81 — 17), Yaracuy (60 — 38) et Vargas (73 — 25).

Les victoires des candidats bolivariens dans 5 Etats qui étaient gouvernés par l’opposition sont très importantes. Cela concerne l’Etat de Zulia, le plus peuplé du pays et qui était dirigé par l’opposition depuis 2000, l’Etat industriel clé de Carabobo, troisième plus peuplé du pays, dirigé par l’oligarque local et importante figure de l’opposition Salas Feo, et Táchira, dans la région frontalière avec la Colombie — Etat très stratégique également. Dans le Monagas, Etat riche en pétrole, la candidate du PSUV, Yelitza Sanataella, a battu le gouverneur local, José Gregorio « Gato » Briceño, élu en tant que bolivarien mais qui avait rapidement rejoint l’opposition.

A Nueva Esparta (île de Margarita), le gouverneur de l’opposition Morel Rodriguez, qui régnait depuis 2004, a été largement battu par le candidat du PSUV, par 54 % contre 45 %. Les deux seuls Etats où l’opposition avait la majorité à l’élection présidentielle du 7 octobre sont maintenant aux mains des candidats du PSUV.

Dans le même temps, l’opposition a gagné dans l’Etat peu peuplé d’Amazonas où le gouverneur avait été élu sur une étiquette bolivarienne (PPT) pour ensuite rejoindre l’opposition ; il a ce dimanche renouvelé son mandat. Les seules victoires significatives pour l’opposition sont à Lara, où le gouverneur Henri Falcon, qui avait lui aussi été initialement élu sur une étiquette PPT avec le soutien de Chavez, a gagné contre le candidat du PSUV Reyes (56 — 43) et à Miranda où Capriles Radonski a battu Elias Jaua (52 — 47). Même ici, le PSUV aura une majorité au sein du conseil législatif de l’Etat.

Le total des voix pour des candidats officiels du PSUV est de 4,5 millions, tandis qu’il est de 3,5 millions pour l’opposition.

Le taux d’abstention est généralement plus élevé aux élections régionales que lors des élections présidentielles. Cette fois, le taux de participation était de 53 %, contre 64 % en 2008, alors que l’opposition avait mobilisé toutes ses forces, et 44 % en 2004 avec une opposition démoralisée, qui venait d’être battue lors du référendum révocatoire présidentiel. Il est certain que l’abstention était plus élevée chez les électeurs de l’opposition, démoralisés par l’élection du 7 octobre.

La défaite de l’opposition — car c’en est bien une — ne fera qu’aggraver les contradictions internes dans l’amalgame de partis qui la composent, surtout maintenant qu’ils sont contraints de choisir un nouveau candidat pour une possible élection présidentielle début 2013. Un rapport de l’Agence Vénézuélienne de Nouvelles (AVN) décrit l’ambiance morose et démoralisée au siège de l’opposition à l’annonce des résultats : « Alors, à la fin de la journée, ce pays est chaviste » (« Osea, qué arrecho, ¡ este país es chaviste ! ») se plaignaient ceux qui étaient présents.

Le journal espagnol réactionnaire ABC, connu pour sa haine de Chavez et de la révolution bolivarienne, n’a pas mâché ses mots : « Ces résultats révèlent un large soutien populaire au “chavisme”, malgré l’absence du président vénézuélien Hugo Chavez... Au contraire, les résultats de ces élections représentent un sérieux coup pour l’opposition vénézuélienne, qui espérait que la santé fragile de Chavez se traduirait par un plus grand soutien au MUD ».

Certains éditorialistes de l’opposition se plaignent aujourd’hui que le PSUV a bénéficié d’un vote de « sympathie » pour Chavez, qui a été opéré d’un cancer à Cuba durant des élections. C’est possible, mais ils n’expliquent jamais pourquoi les gens ressentent de la sympathie pour Chavez : parce qu’il représente la révolution bolivarienne ! En tout cas, quand Chavez a annoncé qu’il allait subir une nouvelle intervention chirurgicale, l’opposition s’est plainte qu’« il avait caché son véritable état de santé, afin de gagner les élections présidentielles » et maintenant ils se plaignent que son véritable état de santé aurait aidé le PSUV à gagner les élections régionales. La vérité est que la révolution bolivarienne recueille toujours un soutien massif parmi les masses vénézuéliennes et que l’opposition soi-disant « démocratique » a été vaincue... encore une fois.

Cependant, il serait dangereux de tomber dans un triomphalisme naïf. Tout n’est pas parfait dans le camp bolivarien. Comme nous l’avons anticipé par le passé, il y a parmi les masses révolutionnaires un mécontentement de plus en plus profond contre la bureaucratie et les réformistes au sein du mouvement. C’était particulièrement sensible dans la manière dont les candidats pour les gouvernorats ont été choisis : d’en haut, sans aucune intervention de la base.

Dans un certain nombre d’Etats nous avons déjà vu des gouverneurs élus comme « révolutionnaires », avec le soutien du président Chávez, aller à l’opposition (Lara, Amazonas, Aragua, Monagas, etc.). Dans le cas de l’Etat andin de Trujillo, le gouverneur « bolivarien » Cabezas était devenu si impopulaire que sa candidature a dû être retirée par le président Chávez, car un soulèvement parmi les masses bolivariennes était à craindre quand sa nomination a été annoncée. Le nouveau candidat du PSUV, Rangel Silva a été considéré comme plus proche de la volonté du peuple et a obtenu un incroyable score de 81 % contre 17 % pour l’opposition.

Ce mécontentement a conduit d’autres candidats révolutionnaires à se présenter dans 6 Etats, chacun d’entre eux soutenant le président Chávez et la révolution bolivarienne, mais en étant à la gauche du candidat officiel du PSUV. Ils se sont tous présentés sous l’étiquette du Parti communiste, bien que le PCV ait soutenu les candidats du PSUV dans tous les autres États. Dans ces différents Etats, les candidats du PCV ont été soutenus par divers groupes, comme les Tupamaros, le Courant Révolutionnaire Vénézuélien (CRV), etc. Dans l’état andin de Mérida, l’ancien gouverneur Porras a obtenu un respectable 10 % des voix, dans l’Amazonas, Gregorio Mirabal a obtenu un modeste 5 %, alors que dans Portuguesa, le candidat alternatif du PCV a obtenu 24 % des voix, reléguant le candidat de l’opposition à la troisième place (avec 21 %).

En plus des candidats du PCV, d’autres candidats bolivariens alternatifs se présentaient dans Apure, où le candidat MEP-Tupamaro a obtenu 14 %, et à Falcón, où Oswaldo R. León a reçu 11 % des voix.

Sans doute le plus important défi pour la gauche du PSUV était l’Etat de Bolivar, situé au sud et connu pour ses industries de base nationalisées (aluminium, acier, etc.) Le PCV y a présenté Manuel Arciniega qui a reçu un peu plus de 8 % des voix. Il a été considéré par les travailleurs des industries de base nationalisées comme leur candidat, il a défendu l’expérience du contrôle ouvrier contre le gouverneur sortant, Rangel Gómez, qui a joué un rôle primordial dans le démantèlement du plan socialiste « Guyana » en enlevant aux travailleurs le pouvoir qu’ils avaient acquis. Il était aussi l’un de ces renégats opportunistes qui, pendant le bref coup d’Etat d’avril 2002, ont pris le parti de l’opposition alors qu’elle semblait victorieuse, et qui ont juré fidélité à Chavez et la révolution une fois le putsch vaincu par les masses.

La campagne d’Arciniega a touché une corde sensible chez une importante fraction de l’avant-garde des travailleurs industriels de la région. Dans la municipalité de Caroní, où la plupart d’entre eux vivent, il a reçu 10 % des voix, avec des pics à 16 % à Parroquia Chirica, Parroquia Once de Abril, 15 % à Vista al Sol, 12 % à Pozo Verde et Yocoima - ce sont les circonscriptions ayant la plus forte concentration de travailleurs de l’industrie (avec leurs familles), en particulier de la société CVG. Durant la campagne, il a également tenu un rassemblement de masse (des milliers de personnes) aux portes de l’usine sidérurgique SIDOR.

Il faut dire qu’il y a eu une campagne vicieuse et basse de la part des candidats du PSUV à l’encontre de ces candidats alternatifs, les accusant de contre-révolutionnaires et d’être opposés au président Chávez. La crainte que la division du vote bolivarien permette au candidat de droite, Andres Velasquez, de l’emporter à Bolivar a également joué un rôle parmi les larges masses révolutionnaires. Considérant tous ces facteurs, le score obtenu par Arciniega est important, même s’il est surtout concentré parmi les éléments les plus avancés. L’opposition à Rangel Gómez s’est également exprimée par un taux d’abstention de 59 %, bien plus élevé qu’à l’échelle nationale. Au final, Rangel Gómez n’a remporté que de justesse la victoire grâce à un léger écart de 46 à 44 %, mais il sera désormais sous la pression constante de la base.

Les résultats de ces candidats révolutionnaires alternatifs montrent que l’utilisation cynique de l’idée que les candidats du PSUV sont les « candidats de Chavez » a toujours une influence dans les masses bolivariennes, mais plus parmi les éléments les plus avancés. Ils sont profondément en faveur du président, car ils voient en lui le représentant la révolution, mais ils sont également contre les bureaucrates et les réformistes déguisés en « révolutionnaires », précisément parce qu’ils ne représentent pas la révolution.

Le développement de l’opposition interne au sein de la révolution bolivarienne semble toujours être interrompu par les périodes électorales, où la raison unit et rallie les masses derrière les candidats bolivariens. Mais, à présent, il y a un sentiment partagé que cela suffit. Un article sur le site révolutionnaire Aporrea a été intitulé « Combien d’élections sont nécessaires pour faire la révolution ». Pour arriver à une véritable unité, la clarté est bien évidemment importante, et par conséquent, la plus grande unité ne peut être atteinte qu’à travers un contrôle clair et démocratique des dirigeants et représentants du PSUV élus par la base.

L’opposition oligarchique est vaincue, démoralisée et divisée, même si elle détient encore d’importants pouvoirs (l’État de Miranda, mais surtout les moyens de production, les médias et la chaîne de distribution alimentaire). Les travailleurs et les pauvres ont défendu la révolution dans les rues et dans les urnes de nombreuses fois. Maintenant, il est temps de mettre en œuvre ce pour quoi ils ont voté : le socialisme, c’est-à-dire l’expropriation des moyens de production, des banques et des grands propriétaires fonciers, et le remplacement de l’appareil d’Etat capitaliste par de nouvelles institutions révolutionnaires basées sur les conseils ouvriers et communaux.

Il est temps pour la classe ouvrière et les pauvres de passer à l’offensive. Le socialisme est la voie à suivre.

Jorge Martin, 17 décembre 2012

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