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Interview d’Andréa, animateur à Toulouse et membre du collectif « France Animation en Lutte »


Révolution : Il y a déjà eu un premier jour de grève, est-ce que tu peux nous en dire plus ?

Andréa : On a déjà fait grève le vendredi 19 novembre contre la dérogation du « Projet Educatif Territorial » (PEDT) qui permet aux villes d’augmenter le nombre d’enfants par animateur. A Toulouse, ils n’ont pas hésité à l’utiliser pour baisser les effectifs d’animateurs. Mais dans cette ville, on a beaucoup d’animateurs mobilisés. Donc, on s’est organisé pour lutter contre ces taux d’encadrement parce qu’on manque déjà de personnel, encore plus avec la réforme des 1607 heures qui s’applique à partir de janvier[1]. Ils n’arrivent pas à recruter, mais ils en ont quand même profité pour augmenter le nombre d’enfants qu’on peut encadrer, ce qui nous met encore plus en difficulté !

Les prochaines dates clés, c’est les 14 et 15 décembre. Pour la suite, ce n’est pas encore décidé, mais on organise des assemblées générales au soir de ces mobilisations pour en faire le bilan et organiser la suite. Depuis le 19 novembre, le mouvement a pris énormément d’ampleur et on compte bien renouveler la mobilisation tous les mois.

Quelles seront les conséquences de cette baisse de vos effectifs ?

Pour nous, animateurs, l’augmentation des taux d’encadrement va déjà avoir des conséquences morales. Notre travail, c’est un travail social, on est avec les enfants, on leur apprend des choses, on les aide, il faut qu’on puisse bien les accompagner. Là, on aura à s’occuper de plus d’enfants, donc le suivi va se dégrader, et ça aura forcément un impact sur les enfants, sur leur bien-être, sur leur sécurité morale ou physique. Et plus on nous augmente le nombre d’enfants, plus ça devient compliqué pour nous de gérer. Alors, comme en plus, on manque de personnel, ça va devenir très dur mentalement.

Quelles sont vos conditions de travail actuellement ?

On rentre pour travailler dans l’animation, mais on n’y reste pas parce qu’il n’y a pas de reconnaissance. Par exemple, en CLAE (centre de loisirs associé à l’école), les heures supplémentaires ne sont pas toutes comptabilisées et payées. En plus, on est en « coupures » et c’est très fatigant : on peut commencer le matin, faire une heure, rentrer chez nous, revenir pour le midi, puis ensuite une autre coupure avant de revenir le soir. C’est fatigant et ça s’ajoute au manque constant d’effectif. Comme si ça ne suffisait pas, on n’a pas assez d’heures de préparation reconnues pour créer des projets avec les enfants, des suivis individuels, etc. Avec tout ça, c’est sûr que les personnels ne restent pas.

Comment s’est organisé le mouvement au niveau national ?

Je suis arrivé dans le collectif il y a un an, au moment où la mairie de Toulouse ne nous avait pas payé une partie de nos salaires, mais le collectif a été créé bien avant ça et a même atteint le niveau national. La grève nationale s’organise depuis plusieurs semaines en intersyndicale et avec le collectif « France Animation en Lutte ». La difficulté, c’est de trouver des personnes de chaque ville pour regrouper les revendications qu’ils peuvent avoir de leur côté.

On a produit un tract pour essayer de rassembler toutes les revendications des animateurs de différentes villes (notamment Paris, Nantes, Strasbourg, Toulouse, etc.). On veut intégrer tout le monde pour avoir des revendications communes. Dans cette mobilisation, il y a aussi beaucoup de personnes excentrées dans des petits villages qui aimeraient faire bouger les choses. C’est compliqué pour eux parce qu’ils n’ont pas toutes les informations ou qu’ils n’ont pas un collectif aussi conséquent que nous à Toulouse.

Quelles sont vos revendications ?

Elles sont multiples, parce que, même s’ils sont souvent assez similaires, les problèmes sont quand même spécifiques selon les lieux de travail.

Pour commencer, on demande une vraie professionnalisation du métier : plus de formations accessibles, la reconnaissance du travail effectué, une revalorisation des salaires et la rémunération des temps de préparation réellement nécessaires. Tout le monde fait de la préparation chez lui pour organiser les activités, les sorties, etc. Ce n’est ni reconnu, ni payé.

On demande aussi la fin des contrats précaires et la titularisation de tous les animateurs. On dit souvent que l’animation, c’est un « métier étudiant », mais ce n’est pas vrai. Concrètement, moi j’ai été étudiant pendant 3 ans et ce n’est pas compatible avec des horaires d’étudiants, on ne peut pas travailler en CLAE, seulement en colonie pendant les vacances scolaires.

Pour ma part, je pense qu’en tant qu’animateurs en CLAE, on devrait tous être embauché en 35 heures. Ça permet qu’on travaille, qu’on fasse de la préparation pendant les « coupures ». Il devrait y avoir une équipe du matin qui fait l’accueil du matin, puis de la préparation entre 10h et 11h30 et ensuite le midi, avec une autre équipe qui prendrait le relais avec de la préparation l’après-midi puis la garderie du soir. Ça permettrait un vrai suivi, d’avoir les infos sur les enfants qui se sont blessés ou sur les problèmes qu’il y a pu avoir pendant la journée, ce qui a fonctionné ou pas. Et ça, à mon avis, ça manque en CLAE.

En colonie, il manque une reconnaissance financière et du temps de travail pour la préparation en amont. Là avec la mairie, pour les vacances de la Toussaint, on n’a eu qu’une demi-journée de préparation ! C’est impossible. Comment pourrait-on préparer en une demi-journée un séjour d’une semaine avec des activités variées ?

Le mot de la fin ?

Parfois, les gens se disent qu’on passe juste notre journée à jouer avec des enfants. En fait, on fait un travail qui prolonge le travail éducatif de l’école et des parents, on apporte autre chose et c’est quelque chose d’important. C’est un autre accompagnement, et en colonie de vacances, je n’en parle même pas de l’accompagnement qu’on fait ! C’est 24 heures sur 24, de la maternelle aux adolescents, que ce soit les premières histoires d’amour et les déceptions amoureuses des pré-ados qu’on accompagne, aux petits qui apprennent l’autonomie, la douche, la nuit… Tout ce qu’ils font avec les parents on le fait aussi, différemment bien sûr en tant que professionnels, mais il y a plein de choses. On ne se rend pas compte, mais les enfants parlent beaucoup des animateurs quand ils rentrent chez eux. Parfois, les parents nous font des retours des enfants et c’est beau. Là, on se rend compte à quel point on est utile. Ce travail, il faut qu’on puisse le faire bien et dans de bonnes conditions.


[1]     Comprise dans la « Loi de Transformation de la Fonction Publique », cette réforme prévoit d’augmenter le nombre d’heures de travail de l’ensemble des agents de la fonction publique territoriale, sans augmentation de salaire.

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