A la lecture du Prince, de Nicolas Machiavel, ou des Chaînes de l’Esclavage, de Jean-Paul Marat, force est de remarquer que les ruses et artifices de « l’art de gouverner » n’ont pas tellement changé, depuis l’époque de ces grands hommes. Semer la division ; alterner les menaces et les flatteries ; feindre la compassion, vis-à-vis des souffrances populaires, pour mieux les perpétuer ; détourner les esprits vers des sujets futiles : tout cela fait partie, depuis des siècles, des méthodes gouvernementales des classes dirigeantes. Et Sarkozy, notre prince contemporain, en use à l’excès.
Celui qui s’est posé en champion des opprimés et des « sans grade » se prélasse dans le luxe, la recherche du plaisir, les paillettes et la popularité. Il étale devant les cameras du monde entier ses relations privilégiées avec les hommes les plus riches de la planète. « On a vu des peuples opprimés demander au prince des spectacles, comme le seul remède à leurs maux », écrivait Marat. « Ce ne sont que jeux, fêtes, danses et chansons. Mais dans ces jeux, le peuple ne voit point les maux qu’on lui prépare, il se livre aux plaisirs. » Ou encore : « Que le prince dissipe en fêtes, en banquets, en tournois, les deniers publics, on voit ses stupides sujets, loin de s’indigner de ces odieuses prodigalités, admirer en extase ses folies, et vanter sa magnificence. »
Comment ne pas voir que si les moyens et la forme des distractions ont changé, le but recherché est exactement le même ? Le jour de la grève générale des transports, Sarkozy annonce son divorce. A la fin de la visite de Kadhafi (négative pour l’image du prince), on apprend son idylle avec une starlette. Pendant que des pompiers ramassent le cadavre d’un « sans grade », mort de froid à quelques pas du Ritz et de l’Hôtel de Crillon, Sarkozy part en Egypte à bord du jet d’un ami milliardaire. L’apôtre du « travailler plus pour gagner plus » est toujours en vacances, en Jordanie, lorsque les personnels hospitaliers luttent pour réclamer le paiement de 23 millions d’heures supplémentaires. Enfin, lors d’une conférence de presse où il annonce la fin prochaine des 35 heures, le prince évoque un projet de mariage.
Il y a des signes que le spectacle commence à fatiguer mêmes les plus dupes. Une tendance lourde se dégage des sondages. Les côtes de popularité du président et de son gouvernement sont en chute libre. Depuis le mois de juillet, Sarkozy aurait perdu 17% d’opinions favorables. C’est une tendance qui alarme, en premier lieu, l’industrie audio-visuelle et la presse, qui se sont tant dévouées au développement de sa gloire. Par exemple, Le Monde du 26 décembre dernier s’est inquiété de la « fascination du président pour les paillettes et la jet-set », et souligne « la distance qui doit exister entre un homme qui incarne l’Etat et un groupe socio-professionnel, quel qu’il soit ».
Mais cette baisse de popularité n’a rien d’étonnant. Elle traduit la prise de conscience, chez les travailleurs qui subissent de plein fouet la politique du gouvernement, mais aussi dans les couches relativement aisées de la population, que la « rupture » promise par Sarkozy n’est en réalité que la poursuite et l’aggravation de la politique menée par Chirac, Raffarin et de Villepin.
Exactement comme nous le disions à l’époque, l’attaque contre les régimes spéciaux n’était que le prélude à une attaque contre toutes les retraites. Les 35 heures sont aujourd’hui en danger. Alors que plusieurs millions de personnes sont mal-logées et dans l’impossibilité d’acheter un logement, le gouvernement, s’inspirant directement de la politique de Thatcher dans les années 80, veut organiser la vente des HLM, alimentant ainsi la spirale spéculative du secteur immobilier. En 2007, le pouvoir d’achat a fortement baissé chez les millions de travailleurs du bas de l’échelle salariale, les précaires et les chômeurs. La ministre de l’Economie, Christine Lagarde, a reconnu que le taux d’inflation en 2008 sera encore plus important qu’en 2007.
L’économie stagne. Les capitalistes ne réinvestissent pas dans l’outil productif. La baisse de l’activité économique aux Etats-Unis et, prochainement, en Chine, ne pourra qu’aggraver encore les perspectives. Le patronat et le gouvernement redoubleront d’ardeur pour conserver leurs profits au détriment du reste de la société. La crise actuelle résulte de la faillite d’un système. Elle n’est pas, au fond, la conséquence de la politique de Sarkozy. Si le Parti Socialiste était au pouvoir, ses dirigeants seraient en train d’appliquer une politique semblable à celle de Sarkozy, puisqu’ils sont, eux aussi, liés corps et âme à ce même système.
Certaines conclusions découlent de ce constat. Il faut frapper le capitalisme à la tête. Il faut s’efforcer de rassembler le mouvement ouvrier et la gauche autour d’un programme qui pose concrètement la nécessité de briser l’immense pouvoir d’une infime minorité de la population, à savoir les Bolloré, les Lagardère et autres capitalistes qui contrôlent les banques, l’industrie et la grande distribution. La France est un pays très riche. Ses moyens économiques sont parmi les plus importants au monde. Mais sa richesse et ses moyens ne sont pas sous le contrôle démocratique de la collectivité. Tant que les capitalistes en conserveront la propriété, l’économie ne sera jamais au service de l’ensemble de la société. Non, les idées communistes ne sont pas mortes. Elles sont plus actuelles que jamais.