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José Bové Marie George Buffet

Pour des millions de jeunes et de travailleurs victimes de la politique de la droite, les élections présidentielles et législatives en 2007 seront l’occasion tant attendue de se débarrasser de ce qui aura été le gouvernement le plus réactionnaire, en France, depuis le régime de Vichy.

Pour les militants du Parti Communiste, qui ont été en première ligne de tous les combats contre la droite, depuis 2002, les élections seront aussi l’occasion de mesurer l’impact, sur le plan électoral, de leur implication dans ces nombreuses luttes, dont celle contre la Constitution Européenne en 2005. Le PCF y était de loin l’organisation de gauche la plus active et la plus visible.

Il serait surprenant qu’après cinq années de droite au pouvoir, le PCF ne parvienne pas à renforcer sa position électorale. Malgré des sondages qui tendent à démontrer le contraire, nous pensons, pour notre part, que le score du PCF aux présidentielles sera supérieur à celui de 2002. Ceci dit, nous pensons que la progression électorale du parti risque d’être freinée par les faiblesses de son programme et, accessoirement, par les ambiguïtés qui subsistent concernant aussi bien sa stratégie - alliances, candidatures, etc. - que la question de son éventuelle participation au prochain gouvernement de gauche.

La question centrale : le programme

Comment se fait-il que le PCF a fait un si mauvais score en 2002 ? L’explication n’est pas difficile à trouver. Si un certain nombre de mesures du gouvernement Jospin tentaient de répondre, ne serait-ce que partiellement, aux attentes de la jeunesse et des travailleurs en matière d’emploi et de lutte contre les inégalités, dans l’ensemble, sa politique était axée sur la défense des intérêts de la classe capitaliste. Non seulement il n’a pas voulu prendre des mesures pour lutter contre le pouvoir des capitalistes dans le domaine économique, mais il a même contribué à renforcer ce pouvoir au détriment du secteur public. Les privatisations réalisées par le gouvernement Jospin étaient supérieures, en valeur, à toutes celles réalisées par les deux gouvernements de droite précédents, à savoir ceux de Balladur et de Juppé. En s’inclinant de la sorte devant les capitalistes, le dernier gouvernement de gauche a abandonné les travailleurs et les jeunes à leur sort. Pendant que les profits flambaient, les conditions de vie de la vaste majorité de la population stagnaient ou se dégradaient. La précarité de l’emploi et la « grande pauvreté » ont beaucoup progressé. Voilà l’explication principale de la débâcle électorale de 2002.

Malgré les limites de son programme, si le PCF n’avait pas été au gouvernement, il aurait certainement gagné du terrain au détriment du Parti Socialiste. Le nombre considérable de voix qui se sont reportées sur les formations d’« extrême gauche », dont la taille et l’implantation sociale étaient - et sont toujours - dérisoires par rapport à celles du PCF, en est la preuve tangible. La tentation de marquer le coup en votant pour les organisations de la gauche « non gouvernementale » aurait profité massivement au PCF si celui-ci n’avait pas été partie prenante de la politique pro-capitaliste de Jospin, au point de laisser ses ministres justifier et même piloter directement des privatisations.

Les dégâts occasionnés par cette politique furent considérables, en termes d’adhérents et d’assise électorale. Mais ils ne sont pas irréparables. Le nombre d’adhérents du PCF augmente plus ou moins régulièrement depuis 2003. Les ventes de l’Humanitéconnaissent aussi une certaine progression. Plus généralement, le PCF dispose d’énormes réserves de soutien dans la société. Mais pour transformer ces réserves en soutien électoral et militant, et pour pleinement réaliser la puissance potentielle du PCF, un certain nombre de changements sont absolument indispensables.

Le premier et le plus important de ces changements concerne le programme du parti. Certes, ce programme contient un certain nombre de revendications tout à fait justes en ce qui concerne, par exemple, la défense du pouvoir d’achat, des conditions de travail, des services publics et du logement social. Le parti réclame aussi la régularisation des sans-papiers et le droit de vote pour les étrangers. Sur tout un éventail de sujets, le programme présente des revendications et des propositions pour faire reculer l’injustice sociale et les inégalités.

Mais bien qu’il s’annonce comme « anti-capitaliste » ou - plus vaguement encore - comme « anti-libéral », le programme actuel du PCF ne comporte aucune mesure susceptible de remettre sérieusement en cause le capitalisme. Il ne réclame explicitement aucune nationalisation, en dehors d’EDF. Au fond, l’idée qui sous-tend ce programme d’un bout à l’autre, c’est qu’il est possible d’éliminer la quasi-totalité des conséquences du capitalisme tels que le chômage, la pauvreté, etc., sans remettre en cause la propriété privée des banques et des grands groupes, et qu’il suffira de quelques aménagements plus ou moins superficiels du système : la réorientation de fonds publics, des primes et des crédits judicieusement accordés aux employeurs qui « investissent pour l’emploi », des amendes et des impôts punitifs pour ceux qui ne le font pas, etc.Autrement dit, il s’agit non pas d’un programme communiste s’attaquant à la propriété capitaliste des moyens de production, mais d’un programme réformiste qui cherche des solutions sur la base du maintien du système capitaliste.

Dans ces conditions, le PCF aura du mal à se distinguer nettement du programme du PS, qui, sans présenter des revendications aussi fortes que le PCF sur les questions sociales les plus brûlantes, constitue lui aussi une tentative de gérer le capitalisme « autrement ». Or, quand l’électorat de gauche se trouve devant deux partis réformistes dont, en dépit des différences dans leurs programmes, ni l’un ni l’autre ne proposent une politique de rupture avec le capitalisme, c’est nécessairement le plus grand qui l’emporte. C’est d’autant plus vrai que l’électorat de gauche se souvient que cette similarité des programmes a trouvé son expression concrète dans le fait qu’ils ont appliqué ensemble la même politique, quand ils étaient au pouvoir. Dès lors, pour la masse des jeunes et des travailleurs, le seul véritable enjeu, c’est nécessairement de savoir lequel des deux partis aurait les meilleures chances de vaincre la droite dans les urnes. Et dans ce domaine, c’est forcément le PS qui l’emporte.

La soi-disant « logique du 29 mai » défendue par la LCR ne correspond à aucune réalité. Selon ses « théoriciens », le fait que le PS était pour le oui à la Constitution Européenne alors que le non l’a emporté signifie que le PS va subir une défaite au profit des partisans du « non de gauche ». Il n’en sera rien. D’ailleurs, que fait-on de la « logique » des dernières élections régionales et européennes, largement dominées le PS ? Comme nous l’avons expliqué à maintes reprises depuis 2002, le Parti Socialiste sera le premier à profiter du rejet massif de la droite, en 2007.

Cela ne signifie pas que l’électorat de gauche soutient aveuglément le programme du PS. Ce programme est certainement le plus droitier et le plus ouvertement pro-capitaliste de tous les programmes électoraux de ce parti depuis ses origines. Le ralliement autour du PS se fera en raison de l’impérieuse nécessité de battre la droite, et sera d’autant plus fort que la douloureuse expérience de 2002, avec le passage du Front National au deuxième tour, est encore très présente dans les esprits. Au lendemain du premier tour des présidentielles, en 2002, bien des électeurs qui avaient été profondément déçus par la politique pro-capitaliste de la « gauche plurielle » ont amèrement regretté de s’être payé le luxe d’un vote de protestation. La leçon apprise, l’éparpillement des voix « à gauche de la gauche » sera certainement d’une ampleur bien plus faible, cette fois-ci. Là encore, c’est le Parti Socialiste qui en profitera.

Bien évidemment, les militants du parti et la mince couche de travailleurs qui lisent les programmes de près n’auront pas de mal à se convaincre des différences qui existent entre les programmes du PS et du PCF. Mais pour la masse de l’électorat, ces différences ne seront pas évidentes. Pour elle, l’expérience concrète du PCF dans le rôle de cinquième roue du carrosse socialiste, entre 1997 à 2002, pèsera beaucoup plus lourd que la tonalité des discours et le détail des textes. En définitive, dans un contexte où le capitalisme signifie la régression sociale permanente, tant que le PCF n’aura pas adopté un programme authentiquement révolutionnaire, qui constitue une véritable alternative au réformisme insipide des dirigeants du Parti Socialiste, il ne pourra pas sérieusement gagner du terrain sur ce dernier.

La saga « unitaire »

Au-delà de la question du programme du parti, il y a le problème de l’ambiguïté savamment entretenue au sujet du candidat que soutiendra le PCF aux prochaines élections présidentielles. S’il s’agissait seulement de connaître l’identité du candidat du parti, il n’y aurait pas de problème. Mais malheureusement, les militants du parti et son électorat ne savent pas encore si le PCF va présenter un candidat à lui ou si la direction va vouloir mettre le parti à la remorque d’un candidat extérieur - tel qu’Olivier Besancenot ou José Bové.

Ce problème devrait être évacué immédiatement. L’idée que le Parti Communiste puisse soutenir le candidat de la LCR ou un individu comme José Bové devrait être écartée sans appel. Laisser planer davantage le doute, à ce sujet, ne pourrait que nuire à l’impact de la campagne du PCF, et se traduirait inéluctablement par un affaiblissement du parti.

Besancenot représente une petite organisation en perte de vitesse d’environ 2000 adhérents. Jusqu’en 2004, la LCR mettait le PCF dans le même sac que la droite, au point de refuser de donner une consigne en sa faveur face aux candidats de l’UMP. En 2002, elle a axé sa campagne sur la nécessité de punir le PCF, électoralement, pour sa participation au gouvernement. Cette position a été modifiée suite aux mauvais résultats de l’extrême gauche aux élections régionales et européennes. Mais qui sait quelle sera sa position, demain ?

La LCR insiste pour que le PCF rompe toute alliance électorale avec le PS - listes communes, accords de désistement, consignes de vote au deuxième tour, etc. -, ce qui revient à favoriser la droite. Autrement dit, pour la LCR, l’idée d’une candidature prétendument « unitaire » est en réalité une stratégie de division de la gauche face à la droite. Alors que la masse de l’électorat de gauche, après l’expérience de 2002, cherchera avant tout à éviter la division, si le PCF se laissait entraîner dans le sectarisme stupide prôné par Besancenot, il le paierait très cher. Récemment, Marie-Georges Buffet a explicitement pris position en faveur du désistement au profit du PS lorsqu’il est le mieux placé au second tour. C’est une position absolument correcte. Il faut rejeter sans appel la stratégie de division de Besancenot.

Quant à José Bové, il n’a aucune organisation. Il ne représente que lui-même. Pour dire les choses comme elles sont, seul le soutien des médias l’empêche de tomber dans l’oubli. Et ce soutien médiatique n’est pas innocent. Il vise essentiellement à affaiblir le Parti Communiste. Les idées de Bové sont un mélange incongru de vagues notions « anti-libérales » (protectionnistes et subventionnistes) et d’idées franchement réactionnaires, telle que la « décroissance soutenable » (la désindustrialisation et le désinvestissement technologique). Il est vrai que Bové plaît à une certaine frange de la population - et notamment aux petits-bourgeois « radicalisés » que l’on trouve, par exemple, chez ATTAC. Bové emploie des actions « fortes » ou en tout cas fortement médiatisées - telles que l’arrachage de maïs ou le saccage de restaurants - au service d’idées faibles et confuses. Si jamais le Parti Communiste devait soutenir la candidature d’un partisan de la « décroissance » et de la désindustrialisation, au moment où des dizaines de milliers d’emplois sont directement menacés par des fermetures, des délocalisations et des restructurations, il se couperait pour longtemps d’une partie très importante de sa base électorale.

Et pourtant, dans un souci de paraître « unitaire », la direction nationale du parti s’efforce, depuis plus d’un an, de souligner les points de convergence entre sa propre politique et celles de Bové et Besancenot, au lieu de mobiliser l’électorat autour de sa propre bannière. Après tout, on est tous des « anti-libéraux », n’est-ce pas ? Pour l’électorat potentiel du PCF, le message est clair : les divergences entre les orientations du PCF, de la LCR et de Bové sont tellement minimes que le parti n’exclut pas de soutenir ces derniers aux élections présidentielles ! Cette approche est certainement très profitable à Besancenot et Bové, qui bénéficient ainsi d’un apport inespéré de la part d’une formation infiniment plus importante que les leurs. Mais elle ne peut que desservir le PCF, électoralement, et démoraliser sa propre base militante.

Dans l’appareil du PCF, le courant animé par Pierre Zarka et Patrick Braouzec n’est que l’expression la plus extrême et la plus confuse de cette mascarade « unitaire ». Pour imposer une candidature extérieure au parti, ces champions de l’« unité » menacent le parti de scission si Marie-Georges Buffet se porte candidate. Malheureusement, les tergiversations de la direction nationale, qui a trop longtemps joué le jeu de la « dynamique unitaire », n’ont fait qu’apporter de l’eau au moulin de Zarka et Braouzec, qui n’ont pas de mal à se présenter comme les éléments les plus conséquents de cette démarche.

Au fond, les écrits et discours de Zarka sont une tentative d’élever le renoncement et la démoralisation au niveau d’une théorie. Selon lui, le PCF n’a plus tellement de raison d’être en tant que structure indépendante et organisée, et doit se fondre dans ce qu’il appelle la « mouvance populaire ». Dans la mesure où le parti existe encore, explique-t-il, il ne devrait surtout pas chercher à diriger quoi que ce soit, ne devrait pas chercher à affirmer ses idées, et devrait se contenter d’occuper une place aussi peu visible que possible dans la mosaïque informe et « spontanée » de cette mouvance. Naturellement, cette politique liquidationniste plaît énormément à Bové, comme à la LCR, et ce n’est pas par hasard que ces derniers se concertent avec les partisans de Zarka et de Braouzec pour faire avancer leur projet commun - non sans bénéficier de quelques appuis importants dans la presse capitaliste.

Il est impératif de dissiper ce brouillard « unitaire » au plus vite. Le PCF devrait annoncer qu’il présentera son propre candidat (ou sa candidate), et mobiliser toutes ses forces pour mener la campagne autour de son propre drapeau. Ceci est également une exigence démocratique, du point de vue des militants communistes. Leur candidat est censé défendre les intérêts et le programme du parti. Des erreurs éventuelles, des déclarations et des prises de position malencontreuses pourraient toujours faire l’objet d’une discussion au sein du parti, qui aurait la possibilité de corriger le tir. Mais personne ne pourrait contrôler un candidat extérieur au parti. Besancenot et Bové n’ont que faire du sort du PCF. Au contraire, leurs propres intérêts sont mieux servis par son affaiblissement.

La participation gouvernementale

Enfin, il y a la question importante de la participation ou non du PCF au prochain gouvernement socialiste. Nous avons expliqué notre point de vue sur cette question dans notre texte Programme et participation gouvernementale, publié dans L’Humanité(supplément Communistes n° 207) du 18 janvier 2006, ainsi que dans notre article Le Piège tendu au PCF. Le programme du PS nous est connu, désormais. Suite à la capitulation de pratiquement tous les dirigeants de la gauche du parti, c’est toujours son aile droite qui le domine. Encore une fois, le programme actuel du PS est certainement le plus droitier qu’ait présenté ce parti depuis sa naissance.

Ceci signifie que le retour d’un gouvernement socialiste ne résoudra aucun des problèmes qui se posent. Cela ne mettra pas un terme à la régression sociale et au chômage. L’idée de Dominique Strauss-Kahn, selon laquelle il serait possible de réaliser le plein emploi et de réduire de façon significative la précarité, sans toucher aux intérêts des capitalistes, est évidemment un leurre. (Malheureusement, le projet « sécurité de l’emploi et de la formation », défendu par le PCF, ne dit pas autre chose). Les travailleurs et les jeunes vont donc se retrouver, sous la gauche comme sous la droite, dans l’obligation de mener des luttes sociales particulièrement âpres pour empêcher une nouvelle dégradation de leurs conditions de vie. Dans ces conditions, la participation du PCF dans le prochain gouvernement de gauche devrait être fermement et catégoriquement exclue. Alors que la conclusion d’accords électoraux dans le but de battre la droite n’empêche pas le PCF de se distinguer de la politique du PS, un gouvernement ne peut pas poursuivre deux politiques. Participer au prochain gouvernement signifierait assumer la responsabilité de la politique de l’aile droite du PS.

Dans la bataille électorale de 2007, le PCF pourra compter sur le soutien et la participation active des militants marxistes qui se reconnaissent dans les idées de La Riposte, et ce indépendamment de nos critiques à l’égard du programme du parti. Nous pensons que le parti peut et doit jouer un rôle majeur dans les luttes sociales qui se développeront inévitablement dans les années à venir. Face à la crise du capitalisme, la jeunesse et les travailleurs ont plus que jamais besoin d’un PCF fort et combatif. Ainsi, les conditions objectives sont réunies pour que le parti se renforce considérablement, aussi bien sur le plan électoral que militant. Mais les choses ne se feront pas d’elles-mêmes. Aux jeunes et aux salariés, toujours plus nombreux, qui cherchent une alternative à l’enfer capitaliste, le parti doit offrir un programme à la hauteur de la situation. Et ce programme ne peut être que celui du renversement du capitalisme et de la transformation socialiste de la société.

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