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Affiche PCF

S’il est, en ces temps de crise économique, un marché qui se porte très bien, c’est celui des articles sur le thème de la mort annoncée du Parti Communiste Français. Celui qui est capable d’écrire un texte sur ce sujet est sûr de trouver preneur. Si le Nouvel Observateur en a déjà fait le plein, il y aura certainement quelques pages à remplir dans Le Point, L’Express, ou encore Libération. Intellectuels, journalistes, "politologues" et autres spécialistes - qui partagent une même hostilité à l’égard du socialisme ainsi qu’une étonnante médiocrité intellectuelle - s’y donnent à cœur joie. Comment faudrait-il que le PCF disparaisse ? En se faisant absorber dans une "fusion" avec le PS, en occupant une case convenablement étriquée dans une "fédération de la gauche", ou tout simplement en fermant ses portes après avoir ouvertement déclaré que le communisme n’a aucun rapport avec la réalité ? Nos lecteurs nous excuseront de ne pas nous associer à cette cacophonie funèbre qui, d’une part, ne fait pas avancer d’un pouce la lutte contre le capitalisme, et qui, surtout, ne correspond pas à la situation réelle dans laquelle se trouve actuellement le PCF.

Nul ne peut contester que le PCF a subi une série de revers électoraux, ainsi qu’un affaiblissement considérable de ses effectifs et de son implantation. Mais ce processus n’a rien d’irréversible. Pourquoi ? Premièrement, parce que le système capitaliste connaît actuellement une crise internationale particulièrement profonde. Après l’effondrement dramatique de l’économie en Argentine, c’est aujourd’hui l’ensemble du continent latino-américain qui sombre dans la tourmente. En Asie, en Afrique, il n’y pas une seule économie qui ne soit pas en récession, avec tout ce que cela signifie en terme de misère humaine. La France, comme les autres pays européens, ne pouvait pas échapper à cette crise. Dores et déjà, la situation y est extrêmement grave, marquée par une augmentation de la précarité et de la misère, et un taux de chômage qui, même selon les statistiques "arrangées" du Ministère de l’Emploi, a depuis un an augmenté de 9%. Deuxièmement, le PCF n’est pas une secte. Il est né dans un contexte de mouvements sociaux massifs et son histoire toute entière se confond avec les plus grandes mobilisations du salariat français. C’est pour cette raison que, aujourd’hui encore, il dispose d’importantes réserves sociales - incomparablement plus importantes, dans tous les cas, que celles de toutes les organisations d’extrême gauche réunies, n’en déplaise à ceux qui prévoient une "grande percée" de celles-ci.

Loin d’être au seuil de la mort, le PCF pourrait, dans le contexte actuel, se renforcer considérablement. La politique anti-sociale du gouvernement Raffarin lui ouvre d’immenses opportunités, pourvu qu’il se dote d’un programme qui lui permet de les saisir. Cependant, si les circonstances objectives sont favorables à une montée en puissance du PCF, celle-ci ne se fera pas sans une modification profonde des orientations politiques de sa direction.

La cause fondamentale de l’affaiblissement du PCF réside dans le caractère réformiste de son programme actuel, qui le rapproche de celui de la direction du Parti Socialiste et qui, par conséquent, empêche le PCF de se démarquer clairement de ce dernier. Un parti communiste ne doit pas, bien sûr, se tenir à l’écart des luttes pour des "réformes", c’est-à-dire de tous les combats qui visent à améliorer le quotidien des travailleurs, que ce soit sur la question des salaires, des conditions de travail, du logement, de la santé, des services publics, des droits syndicaux et civiques, etc. Par "réformisme", nous entendons une politique qui se limite à de telles questions, sans remettre en cause le capitalisme en tant que système, à l’instar de la politique actuelle du PCF. Un parti "communiste" ne justifie ce qualificatif que s’il intègre dans ses objectifs, de façon claire et explicite, et, pour ainsi dire, à titre d’axe central de son programme, l’expropriation des capitalistes.

Dans la pratique, cela veut dire que, tout en participant, énergiquement et en première ligne, aux luttes défensives ou qui ont pour objectif d’arracher des concessions immédiates, un parti communiste doit expliquer constamment, inlassablement, en s’appuyant sur des faits et des arguments concrets, qu’il ne sera pas possible de défendre les acquis du passé, ni de sauvegarder durablement des acquis futurs, sans briser la domination des grands groupes financiers et industriels qui détiennent le pouvoir économique. Le PCF doit redevenir un parti révolutionnaire, et intégrer dans son programme la socialisation et la gestion démocratique de tous les grands groupes capitalistes des secteurs financier, industriel, et de la distribution, ainsi que la planification de l’économie et l’utilisation des ressources nationales dans l’intérêt de la population dans son ensemble. Le Parti Communiste a été fondé sur la base de ce programme, en 1920, c’est-à-dire sur la base des idées de Marx, d’Engels, et des dirigeants de l’Internationale Communiste, comme Lénine et Trotsky. Il est grand temps, aujourd’hui, qu’il retrouve son identité et ses traditions révolutionnaires.

Marie-George Buffet a raison - mieux vaut tard que jamais - quand elle dit que la gauche a perdu parce qu’elle "n’a pas osé affronter les tenants du système capitaliste", allant de "concessions en concessions", et "d’adaptation en adaptation" aux intérêts capitalistes. Jospin a défini son objectif ainsi : "Oui à l’économie de marché (le capitalisme), non à la société de marché". Robert Hue, pour sa part, propose la même chose, au moyen d’une autre formule : "Une économie de marché à dominante sociale". Il faudrait donc maintenir le système capitaliste, mais en éviter les conséquences sociales. Or cela est impossible, comme le prouvent les expériences successives de la gauche au pouvoir. Au fond, ce qui a créé tant de confusion, de désorientation et de démoralisation dans l’électorat et chez les militants du PCF, c’est que, sur les questions essentielles, les dirigeants qui s’adressent à eux au nom du "communisme" agissent en se conformant à la politique de la direction du PS et, à travers eux, aux intérêts capitalistes. Hue a déclaré, dès 1997, que la privatisation n’était plus un "tabou" pour les communistes, signalant par là qu’il n’opposerait aucune résistance aux privatisations prévues par le gouvernement, dont certaines devaient être pilotées par Jean-Claude Gayssot, alors ministre PCF des transports.

Il faut regarder la réalité en face : si le PCF ne rompt pas avec cette ambiguïté, cette mollesse, cette "adaptation", et ne parvient pas à s’affirmer comme un parti d’opposition implacable au capitalisme, doté d’un programme indépendant et réellement communiste, il ne pourra que subir de nouveaux échecs.

Un mécanisme historique incontournable fonctionne au détriment du PCF depuis de nombreuses années : lorsque, dans un pays donné, deux partis de gauche coexistent, s’il n’existe plus de différence évidente et fondamentale entre leurs programmes, c’est le plus grand qui l’emporte sur l’autre. Or, après avoir tenté, pendant plus d’une décennie, d’expliquer l’affaiblissement du PCF par le "piège" dans lequel ils se sont trouvés entre 1981 et 1984, les dirigeants du parti se sont brusquement orientés vers une nouvelle participation gouvernementale, cette fois-ci sur la base d’un programme nettement moins ambitieux que celui de 1981 dans ses aspects positifs, et beaucoup plus ouvertement pro-capitaliste dans ses aspects négatifs. Ceci ne pouvait que sérieusement affaiblir le parti.

L’expérience du "programme commun" PS-PCF, que le gouvernement Mauroy a tenté de mettre en œuvre à partir de 1981, a marqué toute une génération de militants communistes. Pendant les premiers mois de ce gouvernement, un nombre impressionnant de réformes sociales ont été mises en œuvre, mais, très rapidement, le sabotage du patronat - fuite massive de capitaux, spéculation contre le franc, "grèves d’investissements", licenciements massifs et fermetures de sites - ont contraint, dès 1982, le gouvernement à marquer une "pause", laquelle a rapidement débouché sur un abandon définitif des réformes et sur la mise en place d’un plan d’austérité et de désindustrialisation. Rappelons, au passage, que la destruction de la sidérurgie et des charbonnages dans les départements du nord-est a grandement facilité l’implantation électorale du Front National dans ces départements.

Quels enseignements tirer de cet échec ? Que les dirigeants socialistes ont "trahi" ? Certes, mais dans ce cas, les dirigeants communistes ont, eux aussi, "trahi", puisque jusqu’en juillet 1984 aucun volet du programme d’austérité, y compris les fermetures dans la sidérurgie, n’a été sérieusement contesté, ni par les ministres PCF, ni par le groupe parlementaire du parti. Ce qu’il faut comprendre, c’est que la volte-face de 1982 était inscrite dans le caractère trop partiel, trop limité, en un mot réformiste, du programme de 1981, du côté des socialistes comme du côté des communistes. Et c’est exactement la même leçon qu’il faut tirer de l’expérience du gouvernement Jospin.

A la différence du gouvernement de 1997-2002, qui a massivement privatisé, le gouvernement de 1981 a nationalisé un certain nombre de banques et de groupes industriels, mais l’étendue de ces nationalisations était bien trop réduite face à l’écrasante prépondérance des secteurs laissés aux capitalistes. Le gouvernement de 1981 s’attaquait aux intérêts des capitalistes, mais il leur a laissé l’essentiel du pouvoir économique, dont ils se sont servis pour forcer le gouvernement à aligner sa politique sur leurs intérêts propres. La conclusion qui découle de cette expérience, et qui a été confirmée par celle des différents gouvernements de gauche, en Europe, ainsi que par la déroute de Jospin, c’est qu’à notre époque tout programme sérieux de réforme sociale pose directement la question de savoir quelle classe doit détenir le pouvoir économique, autrement dit la question de la transformation socialiste de la société.

Le programme du Parti Communiste doit tenir compte de cette réalité, et le but central de toute son activité doit être de la faire comprendre à l’ensemble des travailleurs et des jeunes. De cette façon, et seulement de cette façon, le PCF pourra regagner durablement du terrain et se mettre en position d’accomplir sa mission révolutionnaire.

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