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Tirs de LBD au visage, jets de grenades, coups de matraque, arrestations arbitraires : depuis le mouvement contre la première « loi travail », en 2016, les violences policières n’ont cessé de s’intensifier sur les manifestations syndicales et des Gilets jaunes. Ceci pose la question de l’attitude que doit adopter le mouvement ouvrier vis-à-vis de ces violences, mais aussi de la police en général.

Une police « démocratique » ?

Quand ils dénoncent ces violences, les dirigeants réformistes les traitent comme une dérive – par rapport à ce qui devrait être la norme. Par exemple, le 18 novembre dernier, Jean-Luc Mélenchon proposait de « travailler sur les méthodes » permettant de « revenir à un système policier et judiciaire qui soit de nouveau au service de la nature républicaine de la France ». Mais quand, au juste, la « nature républicaine » de l’Etat bourgeois français s’est-elle illustrée ? Quand la police tuait Malik Oussekine, en 1986 ? Lors des massacres des Algériens en plein Paris, en 1961 ? Ou lorsque les CRS tiraient à balles réelles sur des grévistes à Brest, en 1950 ?

En réalité, comme l’expliquait Marx, l’essence de l’Etat consiste en des « détachements spéciaux d’hommes en armes » qui défendent les intérêts de la classe dominante – en l’occurrence, les intérêts des capitalistes. L’armée, la police, la Justice et tous les outils répressifs de l’Etat bourgeois sont spécifiquement taillés pour, en dernière analyse, défendre la grande propriété capitaliste. Tenter de changer cela dans le cadre du capitalisme, c’est comme tenter de convaincre un tigre de devenir végétarien : le résultat le plus probable est que le dompteur finira dans l’estomac du tigre affamé. Et prétendre le contraire, c’est semer des illusions sur la véritable nature de l’Etat bourgeois, fut-il « républicain ».

Le simplisme anarchiste

Ceci étant dit, comprendre la nature de classe de l’Etat – et donc le rôle de la police – ne suffit pas pour tracer une ligne de conduite pratique. Pour de nombreux anarchistes, par exemple, les choses sont très simples : tous les policiers ne pourront jamais être que d’irréductibles adversaires du mouvement ouvrier, en toutes circonstances. L’ensemble des policiers formerait donc un seul bloc réactionnaire et homogène.

La réalité est plus complexe. Il est vrai que les racistes et les maniaques de la violence sont plus nombreux dans la police que dans le reste de la société. Mais il y a aussi de nombreux policiers qui se sont engagés sur la base d’illusions dans leur véritable « mission » – ou, tout simplement, pour avoir un emploi. Par ailleurs, il faut tenir compte des différences qui existent entre les services : les CRS ou les agents de la BAC n’assurent pas les mêmes missions – et n’ont donc pas la même psychologie politique, en général – que les agents de la brigade de protection des mineurs, par exemple. Enfin, le niveau de vie de la majorité des policiers est semblable à celui de nombreux travailleurs. Ils ont de faibles salaires, des dettes, des conditions de travail dégradées, etc.

En conséquence, dans certaines conditions, sous la pression des contradictions de classe, une partie de la police peut se rebeller contre le gouvernement. Il est vrai que ces mouvements ont parfois un caractère réactionnaire, comme lors des manifestations de policiers contre le « laxisme » des juges, ou lors du rassemblement de policiers contre la France insoumise, en septembre dernier. Dans ces cas-là, on doit évidemment s’y opposer. Mais les mobilisations de policiers ne sont pas toujours réactionnaires. Par exemple, des policiers ont publiquement protesté contre l’ensemble de la réforme des retraites – et non seulement pour défendre leur retraite de policier.

Ces cas restent marginaux en France, pour l’instant. Mais on a vu des policiers rallier les mouvements révolutionnaires en Algérie ou en Equateur, récemment. Compte tenu de cela, notre rôle n’est pas de jeter tous les policiers dans le même sac réactionnaire, mais de repérer et d’élargir chaque fissure qui apparaît au sein de l’appareil d’Etat. Des mots d’ordre superficiels tels que « tout le monde déteste la police ! » sont contre-productifs, car ils ont tendance à souder les policiers autour de leur hiérarchie.

Le rôle des directions syndicales

Au lieu de demander aux préfets de donner des ordres « républicains », les dirigeants syndicaux doivent appeler les policiers à désobéir aux ordres de répression. C’est une tâche politique essentielle : il faut viser la conscience des policiers, leur expliquer le caractère réactionnaire de la politique gouvernementale et les appeler à protester contre cette politique, y compris en refusant d’attaquer les manifestations et les piquets de grève. Ce faisant, on peut élargir les fissures de classe au sein de l’appareil d’Etat.

Dans le même temps, les directions syndicales doivent organiser des services d’ordre plus efficaces pour défendre les manifestations contre les violences policières, mais aussi pour neutraliser les éléments provocateurs qui, sur les manifestations, servent de prétexte à la répression policière.

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