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Interview d'A lexandra, sage-femme à Nantes.


Quelles sont les études requises pour exercer le métier de sage-femme ?

Alexandra : J’ai fait mes études de sage-femme à la sortie d’un bac scientifique. Il faut compter cinq années d’études, en passant par une première année de médecine.

Ce sont des études très exigeantes, avec beaucoup de connaissances à acquérir en peu de temps, tout en faisant de nombreux stages. En fait, nous prenons déjà des tours de garde en hôpital – le jour, la nuit et les week-ends.

Il n’est pas facile de se former sereinement, car on sent bien que sans les étudiants, l’hôpital « ne tourne pas ». Les étudiants se transforment en main-d’œuvre pas chère, voire gratuite. En effet, on n’est « payés » qu’à partir de la quatrième année : 80 euros par mois, et 200 euros par mois la cinquième année. On peut être envoyé n’importe où en France pour effectuer ces stages. Et la plupart du temps, les frais de déplacement et de logement sont à notre charge.

Dans le CHU où j’ai été formée, on avait trois semaines de vacances. Mais dans d’autres CHU, on n’accorde pas de vacances aux étudiants, car ils viennent pallier le manque de personnels soignants.

Quel a été ton parcours, comme sage-femme ?

Sortie d’école, j’ai commencé par des remplacements dans une clinique, avec des contrats à la garde. J’avais quasiment une fiche de paie par jour. Il m’arrivait de devoir gérer seule 23 patientes hospitalisées. Je me souviens d’un week-end pendant lequel j’ai travaillé de 7h à 23h, avec une seule pause de 10 minutes pour manger et aller aux toilettes. Ce week-end, des collègues aides-soignantes ont été rappelées sur leur jour de repos. Quand j’ai demandé si des sages-femmes pouvaient être rappelées, on m’a répondu que c’était financièrement impossible.

Bien sûr, tous les jours ne sont pas comme ça, en maternité. L’activité varie et n’est pas prévisible. Par la suite, j’ai travaillé dans plusieurs centres hospitaliers. Actuellement, je suis contractuelle et réalise des gardes de 12 heures en alternance jour/nuit.

Quelles sont les principales difficultés de ton métier ?

Dans les hôpitaux où j’ai travaillé, tous les agents faisaient beaucoup d’heures supplémentaires. Parfois, il y en avait tellement que l’hôpital embauchait des remplaçants pour les éponger (ils sont payés moins chers que des heures supplémentaires).

Concernant le matériel, les tables d’accouchement sont vétustes, tout comme les fauteuils pour accueillir les papas. Notre salle de préparation à la naissance n’a même pas de fenêtres. Pour certaines sages-femmes qui assurent les consultations, il est souvent difficile de trouver un bureau dans lequel s’installer.

Une autre problématique que j’ai rencontrée en CHU, c’est la course à la rentabilité. Les séjours doivent être réduits pour qu’on reçoive le plus de patients possible, car alors ça rapporte plus à l’hôpital. La direction mettait sans arrêt la pression à l’équipe pour que les patientes sortent rapidement. Pourtant, elles auraient eu un bénéfice à rester, pour être accompagnées dans l’allaitement par exemple. Pour moi, c’est indispensable quand on devient parent !

Dans certains petits centres, on peut avoir ce temps-là, parfois. Cela m’amène à la problématique actuelle, qui est la tendance à fermer les petits centres qui font « trop peu » d’accouchements. On les fusionne dans des mégas-centres. En conséquence, certaines femmes sont très éloignées de leur lieu d’accouchement.

Que penses-tu du mouvement de grèves dans les maternités ?

Je suis d’accord pour dire que les salaires sont trop bas, alors que le travail est difficile et plein de responsabilités. L’argent n’est pas ce qui me motive, dans mon métier, mais c’est parfois démoralisant d’être si mal payé…

La tendance à fermer des lits et des services est déplorable : c’est une gestion d’entreprise privée, alors que la finalité de la médecine ne devrait pas être de rapporter de l’argent. Je suis totalement en désaccord avec le principe de la T2A (la tarification à l’activité).

Je ne peux pas faire grève, parce que je suis trop précaire. Je signe des CDD tous les trois à six mois, ce qui d’ailleurs est habituel chez nous. Il faut être contractuel sept ou huit ans avant d’être « stagiairisé » (étape avant de pouvoir devenir titulaire).

J’ai toujours rencontré des équipes dévouées à leur travail. La plupart des sages-femmes ne se mettent même pas en arrêt lorsqu’elles sont malades, parce qu’elles savent que des collègues seraient rappelées. Nos grèves se limitent à porter un brassard ; on ne quitte jamais notre poste.

Quelles mesures te permettraient d’exercer ton métier dans les meilleures conditions ?

Il faut des lits, du personnel, du matériel de qualité et une rémunération suffisante. Et ce qu’il ne faut pas, c’est gérer l’hôpital comme une entreprise, avec aux commandes des gens qui n’ont aucune idée de la réalité du travail exercé auprès des patients.

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