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Fin juillet, le Parti de la Refondation Communiste (PRC), en Italie, a tenu son congrès national. Il s’est soldé par la défaite des dirigeants – Bertinotti, Vendola, etc. – qui défendaient la perspective d’une dissolution du PRC dans une nouvelle formation de gauche ouvertement réformiste. Avec 52% des suffrages militants, la nouvelle majorité du PRC a rassemblé les partisans des quatre « plates-formes » opposées au liquidationnisme de Bertinotti, y compris celle de nos camarades du journal marxiste Falce Martello (« Faucille et Marteau »). Son rédacteur en chef, Claudio Bellotti, membre de l’exécutif du PRC, répond à nos questions.

La Riposte : Quels furent les principaux clivages politiques, lors du congrès du PRC ?

Claudio Bellotti : Les divergences qui ont donné naissance aux différents textes du congrès remontent, pour partie, au congrès de 2005. A l’époque, par exemple, Falce Martello critiquait déjà la ligne suivie par le parti depuis des années. De fait, nous sommes le seul courant qui, en 2005, s’est clairement opposé à la participation du PRC au gouvernement Prodi – du moins le seul courant qui est resté dans le parti, depuis.

En même temps, l’ancienne majorité du parti a explosé, à la veille du congrès, donnant lieu à plusieurs plates-formes, dont les deux principales étaient celle de Ferrero – désormais secrétaire général – et celle de Bertinotti.

Au congrès, l’un des principaux sujets de discussion portait sur l’avenir du parti : faut-il le maintenir et le renforcer, ou faut-il au contraire le dissoudre dans une nouvelle formation de gauche sans identité marxiste, communiste ou révolutionnaire ? Bertinotti et Vendola proposaient de poursuivre le projet d’un nouveau parti de gauche, dans lequel le PRC devait se dissoudre et former, tout au plus, une « référence culturelle ». A l’inverse, tous les opposants à la ligne de Bertinotti – y compris Falce Martello – ont d’une façon ou d’une autre affirmé la nécessité de maintenir et reconstruire le parti. C’est cette dernière option qui l’a emporté. L’un des principaux accomplissements de ce congrès, c’est d’avoir établi, dans la résolution finale, que toute forme de dissolution du PRC devait être exclue.

La position de Ferrero était un peu ambiguë, au début du congrès. Il parlait de constituer une vague « fédération » avec d’autres forces de gauche. Mais il a dû abandonner cette idée, au fil du congrès. Là aussi, c’est une victoire.

Il y avait une deuxième ligne de clivage importante : celle concernant la caractérisation du Parti Démocratique (PD) et la position que le PRC doit adopter vis-à-vis de ce parti. Falce Martello a clairement expliqué, dès le début, que le PRC devait rejeter toute forme de collaboration ou de coalition de classe, dont on a vu les résultats ces dernières années : c’est une cause majeure de la déroute électorale du PRC et de la crise du parti. Le PD, principale force du prétendu « centre gauche », est désormais une expression directe de la classe dirigeante. Il bénéficie du soutien de larges sections du grand patronat. En aucun cas le PRC ne doit considérer le PD comme une force avec laquelle il est possible de gouverner.

La question se pose notamment dans le domaine des gouvernements régionaux, municipaux, etc., qui, du fait de la « décentralisation », ont mis en œuvre une part toujours plus large de la politique de contre-réformes et de privatisations. Sur cette question, il y a des différences au sein de la nouvelle majorité. C’est pourquoi Falce Martello propose d’ouvrir une discussion sur ce thème, au sein du parti, pour faire le bilan de l’expérience passée. Or, à notre avis, le bilan est clair : nous avons beaucoup cédé à nos soi-disant alliés de « centre gauche » – et obtenu beaucoup moins.

Ceci étant dit, la résolution finale du congrès rejette toute « coopération organique avec le PD », qu’elle qualifie de « désastreuse ». C’est en soi une victoire importante.

LR : Quel sera l’impact de ce congrès sur les militants et sympathisants du PRC ?

CB : La base du parti était sérieusement désorientée et frustrée par l’expérience du gouvernement Prodi. Par ailleurs, la majorité des militants vivait très mal le fait que la direction du parti ait pris toutes sortes de décisions importantes sans jamais consulter la base, en particulier ces derniers mois.

La défaite de l’ancienne direction – même d’une courte tête – sera accueillie par beaucoup de militants non seulement comme un soulagement, mais aussi avec enthousiasme, notamment parmi ceux qui commençaient à se détacher du parti, qui ne voyaient plus l’intérêt d’y rester. Bien sûr, il serait erroné de prétendre que ce virage à gauche du parti est ferme et définitif. Mais les vagues de ce congrès atteindront de larges couches de la base et de la périphérie du parti. Cela ouvre la possibilité d’un regain de l’activité militante, au sein du parti.

LR : Quelle est l’attitude de Bertinotti et de ses partisans ?

CB : Pendant et après le congrès, les dirigeants de la plate-forme de Bertinotti ont été extrêmement hostiles à l’égard de la nouvelle majorité et des positions adoptées par le congrès. Ils dénoncent une grave régression du PRC – un point de vue qu’ils partagent avec la presse bourgeoise. Ils parlent de rester en dehors du Secrétariat du parti (pour ne pas se « compromettre ») et de construire leur propre fraction – ce qui est parfaitement leur droit, mais ne manque pas de sel, lorsqu’on sait qu’ils proposaient de dissoudre toutes les tendances, avant leur défaite !

Une section des dirigeants proches de Bertinotti parle de construire une sorte d’agrégation de gauche modérée – avec une partie des Verts, une partie du tout petit Parti Socialiste, etc. – qui serait tournée vers des accords électoraux avec le Parti Démocrate. Cependant, je ne suis pas du tout sûr que cela puisse aller bien loin. Il est clair que parmi les 20 000 camarades qui ont voté pour le texte de Bertinotti, beaucoup ne sont pas favorables à une telle démarche.

La nouvelle majorité ne repose que sur 52% des suffrages militants. Il faut en tenir compte. Le débat doit se poursuivre, et nous pouvons convaincre bien des camarades qui, pour différentes raisons, ont appuyé le texte de Bertinotti. La plupart d’entre eux ne veulent pas d’une lutte fractionnelle acharnée contre la nouvelle majorité. Ils veulent lutter contre la droite, contre Berlusconi et contre le système capitaliste.

LR : Face à la crise économique, que doit faire le PRC ?

CB : Le capitalisme italien est faible. Il traîne la dette publique la plus importante d’Europe, et l’une des plus importantes au monde. Sa base industrielle et sa productivité ont sérieusement reculé. Pendant les dernières années de croissance, l’économie italienne s’est développée deux fois moins vite que la moyenne européenne (elle-même faible). Ces quelques éléments suffisent à souligner que lorsque la crise économique frappera – et elle commence à frapper –, la classe dirigeante italienne exigera des mesures draconiennes contre le niveau de vie et les conditions de travail des salariés.

Dans ce contexte, le PRC doit jeter toutes ses forces dans la lutte des classes et défendre la seule perspective viable, que personne d’autre ne proposera : celle d’une rupture révolutionnaire avec le système capitaliste.

Après être allés de reculs en reculs, les dirigeants syndicaux vacillent. On ne sait pas si, au final, ils accepteront le prétendu « partenariat social » concocté par la classe dirigeante, et qui n’a évidemment rien d’un « partenariat ». Dans ce contexte, il faut redécouvrir les meilleures traditions de la classe ouvrière italienne : l’initiative, la démocratie ouvrière – si nécessaire contre la volonté des directions syndicales, comme c’est arrivé à de nombreuses reprises dans l’histoire du mouvement ouvrier italien.

Le PRC a besoin d’un programme offensif contre le capitalisme. Il doit orienter toute l’énergie du parti vers les entreprises et les syndicats, de façon à reconstruire les liens entre le parti et la classe ouvrière, lesquels se sont gravement distendus, ces dernières années. Nous devons renouer avec les meilleurs militants engagés dans la lutte contre le gouvernement de droite. Telle est notre perspective pour une renaissance du PRC.

LR : Le PCF tiendra son prochain congrès en décembre. Qu’as-tu à dire aux communistes français ?

CB : Il y a de très grandes similitudes entre le PCF et le PRC. Tous deux ont connu une longue crise politique, organisationnelle et électorale. Comme en Italie, le PCF a payé au prix fort les contre-réformes et les privatisations des gouvernements de gauche, ces 30 dernières années. C’est quasiment une loi générale : les partis les plus à gauche, sur lesquels la couche la plus consciente de la classe ouvrière place ses espoirs, sont toujours les plus durement sanctionnés lorsque ces espoirs sont déçus.

Il y a également une crise idéologique des partis communistes, dans le monde entier. Il faut mener une lutte implacable contre l’idée d’abandonner le communisme et de liquider les partis communistes. Il ne s’agit pas de simplement sauvegarder les partis communistes sur le plan organisationnel. Il faut aussi renouer avec les meilleures traditions du marxisme et de la lutte des classes, qui ont été enterrées pendant de nombreuses années.

Après la longue dérive droitière du PCF et du PRC, le congrès du PRC doit montrer aux camarades français qu’il peut y avoir aussi des virages à gauche. Or, de tels virages sont un facteur important pour un virage à gauche dans la société et la classe ouvrière elles-mêmes. La jeunesse et les travailleurs cherchent désespérément un point de référence et un outil fiable pour défendre leurs conditions de vie et construire une alternative au système capitaliste. En France comme en Italie, les partis communistes peuvent et doivent jouer ce rôle !

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