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révoltes de cités

La droite a instauré l’Etat d’urgence. Au moyen d’une loi liberticide qui, dans l’histoire de la France, a servi de couverture aux pires exactions, à la torture et à l’assassinat, elle espère pouvoir rétablir l’« ordre républicain ». Mais le mal est trop profondément enraciné pour être extirpé par des mesures répressives. Un énorme gouffre sépare la « haute société » des millions de jeunes parqués dans des ghettos, sans emploi, sans avenir, victimes de la pauvreté et du mépris que leur infligent les représentants - ô combien « respectables » - de la classe dominante.

Chirac prétendait vouloir abolir la « fracture sociale ». Ce n’était que de la poudre aux yeux. Car cette fracture n’est autre que l’expression d’un système fondé sur l’exploitation de l’homme par l’homme, d’un système dans lequel une petite minorité extrêmement riche, composée des propriétaires des banques, de l’industrie, de la grande distribution, des terres et des moyens de communication, est capable de façonner la société selon ses intérêts. Ce système s’appelle le capitalisme. C’est un système rapace, rétrograde. Il est en train de démolir progressivement toutes les conquêtes sociales que les générations précédentes de travailleurs ont réalisées au prix de luttes, de sacrifices et de sang. Les retraites, la sécurité sociale, les services publics, le logement, l’emploi, les allocations chômage, l’éducation nationale, les hôpitaux - y a-t-il un seul de ces domaines qui ne soit pas frappé par l’oeuvre destructrice de ceux qui sont aux commandes de la machine capitaliste ?

Ces idées peuvent paraître élémentaires, évidentes. Et pourtant, dans les échelons supérieurs des organisations que nous avons construites pour lutter contre le capitalisme, l’illusion dans la possibilité d’une entente, d’une « négociation », d’un « dialogue » avec les défenseurs les plus acharnés du capitalisme - Chirac, de Villepin, Sarkozy, le MEDEF - passe comme un fil conducteur à travers pratiquement tous les discours. On demande aux capitalistes de changer de cap, de relancer l’économie, de prendre en compte les besoins sociaux, ou encore de « respecter le vote du 29 mai » (le référendum sur la constitution européenne). En un mot, on demande aux capitalistes de se comporter comme s’ils n’étaient pas des capitalistes. En vérité, c’est plutôt chez nous, dans le mouvement syndical, communiste et socialiste, qu’un changement de cap s’impose. Après tout, la droite fait son travail de manière exemplaire. Elle défend bec et ongles les intérêts de sa classe. A nous de faire de même - et d’une manière tout aussi implacable.

Les émeutes dans les banlieues se sont estompées. Mais elles reviendront tôt ou tard, inévitablement. Les jeunes qui ont été pris dans les filets de la police sont en train de subir une justice expéditive, et les interventions « musclées » dans les quartiers vont se multiplier. A un cri contre la misère et le désespoir, de Villepin et Sarkozy répondent par l’intimidation et la vengeance, pendant que la politique du gouvernement et les ravages du patronat aggravent encore les conditions sociales qui sont à l’origine de la révolte. La droite ne peut rien résoudre. La gauche, elle, le peut. A condition toutefois de s’armer d’un programme d’action et d’une stratégie qui soient vraiment à la hauteur de la situation actuelle, dans toute sa gravité.

Le Parti Communiste et le MJC, en particulier, ont la responsabilité de proposer à ces jeunes une alternative sérieuse au capitalisme. Mais ce n’est franchement pas la peine de leur parler de l’usine à gaz « anti-libérale » qui, hélas, forme la substance du programme actuel du PCF et du MJC - des petites taxes sur tel ou tel type de transaction financière par-ci, des « bonus » pour les employeurs par-là. Seul un programme révolutionnaire pourra canaliser constructivement l’esprit de révolte des jeunes.

La lutte pour le socialisme doit être remise clairement et fermement à l’ordre du jour. Car il y a une autre révolte qui se prépare, dont l’ampleur et la puissance ramèneront ce que nous venons de vivre au rang d’escarmouche. Il s’agit de la révolte des travailleurs de ce pays. La détermination et la combativité des travailleurs de la SNCM et de la RTM font honneur à la classe ouvrière toute entière. Mais cet esprit de résistance et cette capacité de tenir bon pendant de longues semaines ne sont pas tombés du ciel. La psychologie de ces travailleurs a été forgée dans une école très dure. Elle est le reflet, comme dans un miroir, de l’acharnement des capitalistes motivés, eux, par la soif du profit. Elle est le produit d’un système capitaliste impitoyable, qui passe comme un rouleau compresseur sur tout ce qui tend à sécuriser et à protéger les travailleurs et leur famille.

Dans leur acharnement contre les grévistes de la SNCM et de la RTM, les représentants du capitalisme nous envoient un message très clair : « Si vous osez vous élever contre notre avarice, contre notre quête de profit, vous vous trouverez face à un véritable mur d’hostilité. Les médias seront mobilisés pour vous discréditer. Le gouvernement, la police et les tribunaux seront mobilisés pour vous intimider. Aucune concession ne vous sera faite, ou alors seulement par ruse, avec l’idée de la reprendre plus tard, et dans le but d’atteindre notre objectif principal. Quoiqu’il arrive, on vous battra. Vous ne pouvez pas tenir indéfiniment sans salaire. Alors que nous, nous avons de vastes ressources. Vous ne pouvez pas gagner contre nous. »

On peut gagner, parfois. Mais nous sommes en face d’un système qui tire tout vers le bas. L’économie stagne. Des milliers d’emplois sont supprimés tous les mois. Quatre embauches sur cinq se font sur la base de contrats précaires. Une pression sans relâche s’exerce sur les travailleurs. Ce qui est perdu est perdu. Ce qui est gagné ou momentanément conservé par la lutte sera constamment menacé. Cette situation est en train de charger les fondements de la société avec du matériel combustible. A force de s’acharner contre les travailleurs, les capitalistes provoqueront, à un certain stade, une réaction massive. La révolte des banlieues a été un avertissement, un signe précurseur qui annonce une explosion future. Et celle-ci mettra en mouvement, non seulement la jeunesse exaspérée des cités - mais surtout la puissance gigantesque du salariat et de ses organisations.

Les militants du PCF et du MJC, comme de l’ensemble de la gauche et du mouvement syndical, doivent tenir compte de cette perspective et s’y préparer consciemment. Il est absolument indispensable de rétablir le programme et les principes fondamentaux du socialisme dans nos organisations. Le but du mouvement doit être clairement établi. L’alternative au capitalisme, c’est l’instauration d’un contrôle et d’une gestion démocratiques de l’ensemble de l’économie, pour qu’elle puisse être tournée vers la satisfaction des besoins sociaux, l’éradication de la pauvreté et l’élévation du niveau de vie des travailleurs et de leur famille. Ceci est inconcevable, par contre, tant que les banques et les grands moyens de production sont entre les mains des capitalistes. Il faut socialiser - ou nationaliser, si on préfère - tous les principaux piliers de l’économie, de façon à mettre fin au pouvoir de la classe dirigeante.

Le programme que défend le mouvement communiste et socialiste n’est pas une question secondaire. Elle est au contraire d’une importance décisive. Non que ce programme puisse être mis en application tout de suite - un programme véritablement révolutionnaire ne devient « pratique » que pendant une révolution - mais parce qu’il sert, dans l’immédiat, à éduquer les travailleurs, à leur indiquer la voie à suivre, à leur expliquer non seulement qu’un « autre monde est possible », mais aussi comment cet autre monde peut et doit être réalisé.

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