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En novembre dernier, le Premier ministre libanais Saad Hariri, de passage en Arabie Saoudite, a subitement « décidé » de ne pas rentrer dans son pays et de démissionner en dénonçant le Hezbollah libanais, mouvement allié de l’Iran et soutien du gouvernement libanais. En clair : Hariri était l’otage du régime saoudien. Quelques jours plus tard, une médiation de Macron a permis à Saad Hariri de sortir du royaume, puis de revenir sur sa démission et de retourner au Liban. Cet épisode illustre parfaitement l’aventurisme du gouvernement saoudien et l’impasse dans laquelle se trouvent les puissances impérialistes qui le soutiennent, dont la France.

Défaites militaires

A partir de 2012, les Etats-Unis, la France, la Turquie et l’Arabie Saoudite (entre autres) ont tenté de renverser Bachar al-Assad, en Syrie, via différents groupes jihadistes. Mais tout ce qu’ils ont obtenu, c’est un nouveau renforcement de l’Iran et de la Russie, dans la région. Le Hezbollah, traditionnel relais de Téhéran au Liban, est sorti renforcé de cette guerre, et a réussi à maintenir son influence sur le gouvernement d’Hariri. C’est pour cela que les dirigeants saoudiens ont enlevé ce dernier, en novembre : ils voulaient attiser l’opposition au Hezbollah. Mais ce plan s’est retourné contre eux : la population libanaise s’est majoritairement dressée contre l’ingérence grossière du régime saoudien dans la vie politique libanaise. L’Arabie Saoudite a dû reculer et laisser partir Hariri, après avoir sauvé la face grâce à la médiation de l’impérialisme français. Macron redoutait que l’initiative saoudienne ne débouche sur un conflit dont l’Iran sortirait renforcé, une fois de plus.

Depuis que l’intervention russe en Syrie a écrasé les « rebelles » islamistes et sauvé le régime meurtrier d’Assad, l’Arabie Saoudite s’est lancée dans une série d’aventures militaires et diplomatiques. Le prince héritier Mohammed Bin Salman s’est fait le champion de cette politique offensive et s’en est servi pour sa propre ascension politique. Début 2015, le régime saoudien s’est lancé dans une guerre au Yémen contre les Houthis, qui sont soutenus par le régime iranien. Pendant deux ans, des milliers de bombes (dont beaucoup sont de fabrication française) ont détruit les hôpitaux et les écoles du nord du Yémen, ont tué des dizaines de milliers de personnes et ont exposé à la famine des millions d’hommes, femmes et enfants (ce dont les médias officiels, en France, se sont bien gardés de parler). Du point de vue des dirigeants saoudiens, cependant, cette monstrueuse intervention militaire s’est soldée par un échec total. Non seulement les Houthis ont résisté, mais ils sont désormais en mesure de lancer des missiles balistiques contre l’Arabie Saoudite. Même Donald Trump a compris et reconnu que cette guerre au Yémen ne menait nulle part. A mots couverts, il a suggéré à Riyad d’y mettre fin dès que possible.

Parallèlement, en mai dernier, le régime saoudien a soumis le Qatar – accusé d’être trop proche de l’Iran – à un blocus économique et diplomatique. Mais le seul résultat de cette initiative fut de jeter encore plus le Qatar dans les bras des... Iraniens – soit le contraire de l’effet recherché. Même les alliés internationaux du régime saoudien ont tout fait pour calmer le jeu, car ils ont toutes sortes d’accords économiques et militaires avec le Qatar. Les Etats-Unis y ont une importante base militaire. La France est liée au Qatar par de nombreux accords commerciaux, notamment dans le secteur de l’armement.

Crise économique

Tous ces échecs ont affaibli le régime saoudien, confronté à une contestation grandissante, y compris au sein de la famille royale. C’est ce qui explique la grande campagne « anti-corruption » lancée contre la plupart des opposants à Mohammed Bin Salman, dans la famille royale. La « lutte contre la corruption » – qui est endémique, dans ce pays – dissimule en réalité des luttes politiques entre factions rivales. Bin Salman s’est lancé dans une purge politique massive, ce qui est rarement un signe de force. De fait, la crise économique et la chute des cours du pétrole déchirent le tissu social du royaume, qui repose sur un clientélisme généralisé.

Pour la première fois en dix ans, le PIB saoudien a décliné. La dette publique est en hausse et le gouvernement prévoit de privatiser une bonne partie de l’économie, après avoir déjà baissé de 15 % les salaires des fonctionnaires. La situation est politiquement explosive et force Bin Salman à faire des concessions démocratiques. Les salles de cinéma vont rouvrir après 35 années de fermeture. Les femmes pourraient être autorisées à conduire. Mais ce genre de mesures ne permettra pas de compenser les effets dévastateurs d’un effondrement du niveau de vie de la population. Le régime saoudien marche à grands pas vers l’abîme. De fait, toute la région est extrêmement instable, ce qui, en dernier ressort, est la conséquence des aventures impérialistes au Moyen-Orient, ces quinze dernières années.

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