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Le décret du 25 août 2000 sur l’Aménagement et la réduction du temps de travail dans la Fonction Publique (ARTT) n’a pas fini de susciter la colère des fonctionnaires et de leurs syndicats. Ainsi, par exemple, les modalités d’application de l’ARTT aux personnels du ministère de la Culture ont mobilisé de nombreux fonctionnaires dans une lutte de longue haleine qui, à ce jour, n’est pas achevée.

Le texte ministériel a immédiatement provoqué le désaccord des organisations syndicales de la Culture. L’application des 35 heures dans la Fonction Publique devant entrer en vigueur au 1er Janvier 2002, il leur restait donc 16 mois pour obtenir du gouvernement qu’il revoie sa copie. Dans un premier temps, des courriers - qui sont restés sans réponse - ont été envoyés au ministère. Après que, passant outre ce silence, la CGT du Louvre a organisé, en janvier 2001, des assemblées générales, le ministère a accepté de recevoir les organisations syndicales. Les revendications des syndicats n’ont cependant pas été entendues.

Face au blocage du ministère, des mouvements de grèves ont commencé, dès avant l’été 2001, à s’organiser. Les fonctionnaires du Louvre sont allés, dans cette période, jusqu’à 21 jours de grève cumulés. "A ce stade", nous explique Guilherme Ferreira, secrétaire de la section CGT du Louvre, "on cherchait davantage à grappiller des concessions, en attendant qu’une intersyndicale suffisamment large se constitue pour remettre en cause les fondements du projet ministériel. A la rentrée, l’intersyndicale était sur pied, et le ministère a alors daigné reconnaître que nous étions en négociation (avant cela nous n’étions, d’après lui, qu’en "discussion " !). Nos revendications n’ont pas pour autant été prises en compte, et nous sommes repartis dans des mouvements de grève. Le 8 octobre, journée d’action nationale, la grève a été suivie à 68 %, ce qui est un chiffre exceptionnel, historique, pour notre ministère."

Finalement, face à la combativité des fonctionnaires, le ministère a écrit, le 30 octobre, une nouvelle version de la circulaire relative aux modalités d’application de l’ARTT dans la Culture. Résultat ? "Les points les plus inacceptables n’ont pas bougé. Le ministère s’est contenté de réécrire les marges du texte. Car qu’est-ce qu’on reproche à ce texte ? Premièrement, il tend, sous prétexte de passer aux 35 heures, à faire sauter les acquis de certaines catégories de personnel. Ceux qui, comme les surveillants, travaillaient moins de 39 heures, pour des raisons, par exemple, de pénibilité, perdraient cet avantage relatif, qui est pourtant un acquis. Mais ça va encore plus loin : ceux qui, pour des raisons similaires, travaillent actuellement moins de 35 heures, verraient leur temps de travail augmenter ! Deuxièmement, cette annualisation du temps de travail intègre un certain nombre d’aménagements inacceptables.

Ainsi, dans certains châteaux ou monuments, l’annualisation ouvrirait la possibilité de faire varier suivant une large amplitude le temps de travail hebdomadaire du personnel, et ce en fonction des saisons touristiques. De même, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires est complètement insuffisant ; par exemple, pour les agents postés, qui sont très nombreux à la Culture (de 600 à 1200, au Louvre, selon la période, sur un effectif total de 1800 personnes), il serait de 42 heures hebdomadaires, soit un recul de trois heures par rapport à aujourd’hui ! Enfin, en ce qui concerne les congés, l’annualisation telle qu’on nous la présente pose de gros problèmes. D’une part, le ministère a fait ses calculs sur le nombre de jours travaillés sans tenir compte - et donc en éliminant - des jours de congé supplémentaires qui sont des acquis du ministère de la Culture.

D’autre part, le texte ministériel reste extrêmement vague sur la question de savoir quand on pourrait prendre nos jours de congé RTT, tout en spécifiant que, pendant certaines périodes de l’année, ce ne sera pas possible. Autrement dit, au lieu d’une réduction du temps de travail à l’intérieur du cycle de travail (une ou plusieurs semaines, selon les catégories de personnel), on risquerait de se voir attribuer des périodes, dans l’année, au cours desquelles il faudrait prendre ses congés RTT. C’est complètement contraire à la logique d’une véritable RTT.

Et puis il y a les embauches ! Le projet ministériel ne prévoit rien du tout, et la dernière circulaire ne répond même pas à nos revendications sur ce sujet. Or, la réduction du temps de travail doit nécessairement s’accompagner de création de postes. Actuellement, environ 25 % des salles du Louvre sont fermées faute de personnel. Si on ne crée pas des postes, ce sera pire."

La question des embauches est d’autant plus brûlante que la précarité de l’emploi est une des tares non seulement de la Culture mais de l’ensemble de la Fonction Publique. Alexandra Kardianou, militante CGT au Louvre, nous décrit ainsi le fonctionnement interne de ce grand musée : "Beaucoup de vacataires, dès leur embauche, réalisent le travail d’un titulaire. On leur fait faire toute sorte d’horaires, on renouvelle indéfiniment leur contrat et, sous prétexte de "missions", on les fait finalement répondre à des besoins permanents. Bref, on joue sur les mots. Or les salaires des vacataires évoluent moins vite que ceux des titulaires, ils n’ont pas de prime, pas d’heures supplémentaires, et n’ont aucune perspectives de carrière. Pour tenter de donner des formes moins illégales à ce grossier tour de passe-passe, le ministère met les vacataires protocole devant l’alternative suivante : si, lors du renouvellement de leur contrat, ils veulent conserver leur poste, ils doivent attendre 3 mois et demi, pendant lesquels ils ne sont pas payés ; si, par contre, ils acceptent de changer de poste, il n’y a pas de coupure. C’est complètement absurde ! Les grèves de 1999, qui portaient la précarité au cœur de leurs revendications, ont permis un assainissement de la situation, notamment en mettant un terme aux contrats d’une semaine ou d’un mois. Mais la politique globale n’a pas changé. On continue à embaucher des vacataires."

Le problème de la précarité rejoint celui de la sous-traitance, qui représente, au Louvre, une partie conséquente du personnel travaillant sur le site (la restauration, la surveillance de la pyramide, le nettoyage). D’après Alexandra Kardianou, "c’est un problème dans la mesure où le personnel est moins syndiqué, moins revendicatif. On divise pour mieux régner. Par ailleurs, il ne serait pas étonnant que le ministère ait l’intention de combler nos jours de congés RTT avec des sous-traitants."

Le gouvernement laisse entendre, de temps en temps, que les fonctionnaires abusent de leurs droits. Cette propagande, doublée d’une lamentable manipulation des chiffres, vient appuyer la remise en cause des acquis sociaux des fonctionnaires. En plus de la pression permanente qu’il exerce sur eux, le gouvernement espère pouvoir récupérer le manque à gagner de la réduction du temps de travail en établissant au passage toutes sortes de réglementations allant dans le sens de la flexibilité et de la précarité. Face à de telles attaques, les employés de la Culture ont pour l’instant affronté l’hostilité d’un gouvernement buté sur ses positions.

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